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Amérique Latine

Scipion, Pablo Casacuberta (2ème article)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 17 Septembre 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

Scipion (Escipión), janvier 2015, traduit de l’espagnol (Uruguay) par François Gaudry, 264 pages, 18 € . Ecrivain(s): Pablo Casacuberta Edition: Métailié

 

Ne vous fiez pas à la couverture qui pourrait laisser supposer un roman noir. S’il y a bien de la noirceur dans ce Scipion, ce n’est pas celle propre au genre. Scipion, c’est l’histoire d’un fils qui s’est toujours senti rejeté, presque méprisé par un père encensé, lui, par les milieux intellectuels. Un père auquel il s’est opposé, auquel il a tenté d’échapper mais qui va irrésistiblement l’attirer à lui par-delà la mort. Un fils que son père historien, admiré pour son œuvre concernant la Rome antique, a prénommé Aníbal ! Aníbal, en référence directe à ce général qui mena ses éléphants à travers les Alpes. Un père prestigieux, honoré, reconnu, le Professeur Brener, qui veut faire son fils à son image. Qui attend de lui de grandes choses, mais seulement celles que lui-même attend. Avec un tel père, l’issue est prévisible : opposition, refus, rejet, rupture… Voilà plusieurs mois que le père est décédé. C’est par hasard que le fils l’a su, et il n’a accès à rien sur l’héritage, uniquement géré par sa sœur. Jusqu’au jour où… la maison paternelle où on lui concède un bref accès… trois boîtes comme seul héritage… un livre incontournable… et une note manuscrite, adressée du père au fils… et le monde d’Aníbal bascule.

Corps étranger, Adriana Lunardi

Ecrit par Anne Morin , le Jeudi, 21 Mai 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Joelle Losfeld

Corps étranger, mars 2015, trad. du portugais (Brésil) par Maryvonne Lapouge-Pettorelli, traduction révisée par Briec Philippon, 272 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Adriana Lunardi Edition: Joelle Losfeld

 

Le corps étranger c’est, pour chacun des personnages du roman, ce composé chimique à quoi se réduisent ses sensations, ses absences à être, à la vie, son détournement, sa maladie ou son addiction. Aucun d’entre eux n’est bien dans sa peau, chacun développe des terminaisons nerveuses ou des projections, qui lui reviennent en boomerang, ou des greffons qui prennent plus ou moins bien. Chaque concentré de personnage semble agir comme un électron libre dont la seule finalité est de se décharger dans la rencontre, à l’instar de ces plantes : Cela faisait déjà un moment que certaines espèces de fleurs natives souffraient de véritables reconfigurations (…) N’expérimente-t-elle pas elle-même la disparition furtive et sans protestations des références qui lui ont enseigné à être qui elle est ? Des livres qui furent de véritables bibles pour sa génération et que personne aujourd’hui ne connaît ? (p.16-17).

Mariana, peintre de renom d’un certain âge a relégué sa vie, troqué la vie mondaine et l’abstraction contre une vie de solitude en montagne, à la recherche de la représentation d’une espèce rare de plante, qui ne fleurit qu’une fois. Ce choix (?) de vie est intervenu après la mort accidentelle de son frère, José, bien des années auparavant.

Scipion, Pablo Casacuberta (2ème article)

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Jeudi, 21 Mai 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

Scipion, janvier 2015, traduit de l’espagnol (Uruguay) par François Gaudry, 264 pages, 18 € . Ecrivain(s): Pablo Casacuberta Edition: Métailié

 

« Ce… tableau qui à première vue est si…

noir et blanc comporte aussi des parties grises comme dans tout paysage ».

 

L’écriture de Pablo Casacuberta dans Scipion bouscule les frontières littéraires par son langage cinglant tinté d’une amertume lucide, un dialogue mental que l’on aurait avec sa conscience et qui dissèque l’état paranoïaque de l’âme avec une autodérision jubilatoire envers le monde qui nous environne. Il faut dire que, peu à peu, la cartographie de l’intime va croiser dans le livre les contours d’une vérité machiavélique, sous couvert d’un roman psychologique qui laisse petit à petit place à l’explosion d’un cerveau : celui du narrateur, de ses représentations sociales binaires, dogmatiques où se trouve le cœur d’une géode en abyme, remplie d’ombres, d’images envoûtantes, d’un père vénéré, omniprésent, étouffant ; et qui deviendra, pour le fil survivant, un ectoplasme à libérer sous peine d’une mort certaine, entre noyade et brûlures, entre libération et héritage sous conditions…

Avaler du sable, Antônio Xerxenesky

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 08 Avril 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Asphalte éditions

Avaler du sable, février 2015, traduit du portugais (Brésil) par Mélanie Fusaro, 178 pages, 15 € . Ecrivain(s): Antônio Xerxenesky Edition: Asphalte éditions

 

« Un fils qui ne savait même pas boire. Ça ne pouvait pas être un homme, un vrai. Surtout dans une ville où, selon Miguel, la sobriété est déraison ».

Ce roman parle d’un homme qui nous raconte comment il écrit un roman sur l’histoire de ses ancêtres, et en même temps ce roman que nous lisons est aussi le roman que cet homme écrit, et le roman qu’écrit cet homme démarre comme un western : Mavrak, petite ville perdue au milieu d’un désert du Far-West, sable, poussière, saloon, prostituées, une église qui a brûlé, deux familles rivales depuis des lustres, les Marlowe et les Ramirez… Un western donc, qui va finir comme un remake de La nuit des morts vivants. Sang, sable et poussière.

« Il y avait la peur. Il y avait la peur partout. Aujourd’hui, les hommes ont peur pour un rien ; autrefois ils craignaient la nuit et la mort. Même avec un révolver dans la poche. Peu importait l’arme qui pesait dans l’étui ».

Si nous vivions dans un endroit normal, Juan Pablo Villalobos

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 25 Février 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Si nous vivions dans un endroit normal, octobre 2014, traduit de l’espagnol (Mexique) par Claude Bleton, 190 pages, 17 € . Ecrivain(s): Juan Pablo Villalobos Edition: Actes Sud

 

« Va te faire voir chez ta salope de mère, connard, enfoiré de merde ! » Ainsi débute ce succulent roman, juteux à souhait, un jus plutôt amer, mais drôle, terriblement drôle. De cet humour typiquement latino-américain, qui permet de témoigner des pires travers de la société avec un pied de nez à l’humiliation et l’injustice. Ici il s’agit du Mexique des années 80, avec ses absurdités (un pays surréaliste, avait dit Breton), sa mélasse de corruption, de trafics, de dangereux bouffons politiques, de fraude électorale, abus de pouvoir et compagnie. Dans le village de Lagos de Moreno, entre bétail, prêtres, ouailles hallucinées, élus véreux et démagogues, nationalistes populistes et autres illuminés, vit la famille d’Oreste, dit Oreo, comme les biscuits du même nom. Ou disons plutôt que la famille vit au-dessus du village, au sommet d’une colline, la Colline de la Foutaise. Lui et ses six frères et une sœur, tous affublés de prénoms grecs, lubie du père professeur d’éducation civique, et la mère, dévouée à la préparation des quesadillas au fromage. Base quasi unique de l’alimentation familiale et dont l’épaisseur et le nombre oscillent comme le statut familial, entre classe moyenne et classe pauvre, avec une tendance à stagner dans cette dernière.