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Articles taggés avec: Wetzel Marc

Terminus, et autres poèmes intimes, Edith Wharton (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 15 Novembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, USA

Terminus, et autres poèmes intimes, Edith Wharton, Arfuyen, octobre 2024, trad. anglais, Jean Pavans, édition bilingue, 120 pages, 15 €

 

Une grande intelligence, polyglotte, d’une étonnante précocité (certains poèmes, présents dans le recueil, sont d’une auteure de… 13-16 ans, et sont déjà d’une âme adulte), peu heureuse en amour (un très riche, aristocrate et vieux mari, partageant sa cosmopolite bougeotte, mais dépressif ; un amant – adultérin, pour quelques mois, étalon adroit et splendide, mais libertin et bisexuel –, qui ne s’attardera guère sur leur commune jubilation), romancière célèbre mais admirée aussi de ses pairs (Henry James, Paul Bourget, Gide, Cocteau…), femme du monde nord-américaine capable, pendant la Première Guerre, établie en France, d’incessantes et très conséquentes initiatives humanitaires, financières, journalistiques pour soutenir (et relayer dans le reste du monde) l’effort des nations démocratiques, Edith Wharton (1862-1937, mourant la même année qu’Elie Faure et esprit aussi vif, curieux, fin et noble que le sien) était, dans l’intimité, et plus discrètement, poète. Une poésie dont cette parfaite francophone, et loyale francophile, aurait estimé et salué la première traduction que, grâce à Jean Pavans, voici.

Un travail de lecture productive, Jean-Claude Annezer (par Marc Wetzel)

, le Mardi, 05 Novembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ce petit ensemble est, comme on va voir, un parfait autoportrait, pris sur le vif – sérieux mais réjouissant, facétieux mais profond – des années soixante-dix, de ces seventies à la fois cocasses, aventureuses et (philosophiquement) matérialistes, que les âgés – dont je suis – ont eu le privilège de traverser, et la chance d’en survivre.

Cocasses, les années soixante-dix l’étaient vraiment. Etrangement bouffonnes, oui, comme une parenthèse convaincue de ne jamais se fermer, un clown exhibant ses états de service, ou un poulet faisant le coq. Comment caractériser autrement cette époque où l’on pouvait applaudir et y avoir tout aussi passionnément aimé, se succédant sur scène, Hendrix et Cohen, ou Les Doors et Ten Years After (Wight, été 70, je l’atteste), la décennie inventant le Rubik’s Cube entre deux chocs pétroliers, ou déposant ici Salazar et Nixon, tout en investissant là Pinochet et Videla, ou voyant les punks faire s’effondrer le hippie dans le disco, ou comprenant soudain mieux sous L.S.D. l’étonnante découverte d’alors (par un submersible ad hoc) d’une vie sans soleil, associée aux sources hydrothermales des abysses etc., heureuse apesanteur d’un pouvoir imaginaire entre l’imagination sans pouvoir de mai 68 et le pouvoir sans imagination de mai 81 ?

Ainsi parlait Mihai Eminescu, Dits et maximes de vie, choisis et trad. roumain, Nicolas Cavaillès (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 15 Octobre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ainsi parlait Mihai Eminescu, Dits et maximes de vie, choisis et trad. roumain, Nicolas Cavaillès, Edition bilingue, Arfuyen, septembre 2024, 176 pages, 14 €

 

C’est un peu comme ceux qui n’ont une bonne tête que parce qu’ils n’ont pas le temps d’en avoir une mauvaise : Mihai Eminescu (1850-1889) était inventif et intelligent parce que le loisir d’être bête et ennuyeux ne lui a pas été accordé. Sa vie (collégien surdoué brisé par ses propres fugues, ardent amoureux tôt crucifié par la syphilis – « le carquois de l’amour est doré, mais sa flèche est empoisonnée… », fragment 116 –, gratte-papiers alcoolique peu à peu délirant, pensionnaire de sanatorium tardivement pensionné par l’Etat…) a accablé son génie (étincelant, multiforme, démiurgique et… érudit) – génie créateur d’innombrables personnages, spéculations et rêves (et recréateur de sa langue nationale) qui n’aura trouvé, à 39 ans, son chez-soi que dans la mort – une mort que dès 21 ans il se souhaitait ainsi :

Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 09 Octobre 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Chroniques Ecritures Dossiers, Arfuyen

Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair, éditions Arfuyen, juin 2024, 192 pages, 14 €

 

« Le monsieur qui nous dit : “Et moi aussi, j’ai passé par là !”. Imbécile ! Il fallait y rester : alors, tu m’intéresserais” » (fragment 49).

Un florilège (le principe de cette collection) de Jules Renard ne pouvait promettre qu’un feu d’artifice, et le voilà. Yves Leclair y a excellemment travaillé. Mais dès sa présentation (Une hygiène de l’esprit), le maître d’œuvre de ce livre nous annonce, au-delà de la jubilation attendue (par la caustique fantaisie et l’humour imparable du maître), un auteur profond (qui aura constamment, malgré sa paresse officielle, appris de son propre travail) et scrupuleux (qui s’interdit peu à peu la méchanceté et le cynisme qu’il se savait trop expertement déployer, et manifeste une « finesse spirituelle » assumant la responsabilité de tout ce qu’elle découvre, et incitant son lecteur à la relayer). C’est, comme dit Leclair, ce « plus japonais des naturalistes », oui, le plus délicat et vaporeux des réalistes qu’on rencontre ici.

Mille ans avec Dieu, Dieu rend visite à Newton, 1727, Stig Dagerman (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Lundi, 30 Septembre 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Mille ans avec Dieu, Dieu rend visite à Newton, 1727, Stig Dagerman, Editions de l’éclat, mai 2024, trad. suédois, Olivier Gouchet, 88 pages, 8 €

 

Isaac Newton, 85 ans, va mourir dans la nuit londonienne (du 20 mars 1727). Stig Dagerman (1923-1954) imagine alors que Dieu descend le voir, non pour lui dire adieu (!), mais pour bénéficier, in extremis, des conseils et suggestions d’une créature géniale. Dieu le peut (Newton est resté étonnamment avisé et actif jusqu’au dernier instant), et le veut (Dieu le Père sait n’avoir pas meilleur guide pour rendre une première « visite » à sa Création, que le très rigoureux, sagace et ombrageux découvreur de la Mécanique rationnelle des choses). Que souhaite ici comprendre Dieu ? Ce qu’une intelligence prodigieuse (mais finie) peut faire d’elle-même depuis l’intérieur du monde. Comment s’y annonce-t-il ? À l’ancienne, à la régulière, un peu naïvement, par un miracle ad hoc : miracle, puisque Dieu fait léviter divers objets du bureau de Newton (et même son valet de chambre), ad hoc puisque la gravitation est la principale Loi énoncée par le maître, et qu’un contre-exemple local à l’entre-attraction globale des masses devrait ici suffire, en carte de visite ironique et décisive.