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Articles taggés avec: Smal Didier

Peter Pan, James Matthew Barrie (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 01 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Iles britanniques, Roman

Peter Pan, James Matthew Barrie, Folio/Bilingue, octobre 2023, trad. anglais, Henri Robillot, 464 pages, 13,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

De l’œuvre de l’Écossais James Matthew Barrie, la postérité n’a retenu qu’une seule œuvre : Peter Pan. C’est aussi celle qui a échappé à son auteur comme peu d’œuvres le font, entre autres grâce à l’adaptation qu’en a réalisé Walt Disney en 1953. Avec Peter Pan, à l’origine une pièce de théâtre devenue roman en 1911, Barrie crée un archétype, celui de l’enfant qui refuse de grandir, dont la crainte se résume à ceci : « si j’allais me réveiller et sentir que la barbe pousse à mon menton ! ».

L’enfant ? Pas si sûr : il se pourrait que Barrie ait écrit le roman de la modernité, de l’homme moderne qui, pris dans les rets d’une vie mécanique, refuse son âge, refuse la vieillesse – refuse au fond la mort. Car même s’il la donne de bon cœur, Peter Pan craint au fond l’inéluctable, au point de se montrer cruel au possible, ainsi que Barrie l’explique lors de son retour au Pays de Nulle Part en compagnie de Wendy, Michael et John, alors qu’une sarabande infernale entoure l’île :

Journal d’une ménagère folle, Sue Kaufman (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 26 Mars 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallimard

Journal d’une ménagère folle, Sue Kaufman, Gallimard, Coll. L’Imaginaire, octobre 2023, trad. anglais (États-Unis), Pauline Verdun, 360 pages, 14 € Edition: Gallimard

 

« J’ai raconté tout ça comme d’habitude pour ce que ça vaut. Et ça m’a soulagée comme d’habitude de l’avoir raconté. Je suis plus calme que je ne l’ai été depuis douze jours. À présent, il est temps d’aller voir le docteur Kupferman ». Ainsi se conclut l’entrée du mercredi 31 janvier (qui serait de l’année 1968, dans un roman écrit et publié en 1967) de ce Journal d’une ménagère folle – depuis douze jours, elle est en retard pour ses règles et le docteur Kupferman est un gynécologue. De qui craint-elle d’être enceinte ? De son amant, un dramaturge new-yorkais en vue rencontré durant une réception à laquelle elle assistait avec son mari, Jonathan, qui résume peut-être le mieux la « folie » de Bettina Munvies Balser, lui qui est allé consulter le même psychanalyste qu’elle, Popkin : « Tu as des problèmes, d’accord, mais Popkin dit que ce sont les problèmes de toutes les femmes de la classe moyenne qui attendent monts et merveilles de la vie qu’on leur a fait miroiter, et qui se sentent ensuite déçues et frustrées par la réalité ».

Mademoiselle Julie, August Strindberg (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 19 Mars 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Pays nordiques, Théâtre

Mademoiselle Julie, August Strindberg, édition Ulf Hallberg, Coll. Folio/Théâtre, octobre 2023, trad. suédois, inédite, Alain Gnaedig, 240 pages, 8,90 €

 

« Dans ce drame, je n’ai pas essayé de faire quelque chose de nouveau – cela est impossible. J’ai seulement tenté de moderniser la forme selon les exigences que, à mon sens, les hommes de notre temps posent à l’art du théâtre ».

Ainsi s’exprime August Strindberg dans la Préface à Mademoiselle Julie, rédigée peu après la pièce et publiée dans le même volume en 1889. « Moderniser la forme », c’est être au diapason, dans cette ville de Copenhague où réside Strindberg et qui est alors surnommée la « Paris du Nord », avec ce que les auteurs français créent en ces années 1880, dans leurs romans ou sur scène, les exemples à suivre étant les Goncourt et Zola – avec lequel l’auteur suédois correspondra.

Les Aventures de Tom Sawyer & Les Aventures de Huckleberry Finn, Mark Twain (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 11 Mars 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, USA

Les Aventures de Tom Sawyer & Les Aventures de Huckleberry Finn, Mark Twain, éditions Tristram, Coll. Souple Deluxe, mars 2023, trad. anglais (Etats-Unis), Bernard Hoepffner, 336 pages, 14,90 €, octobre 2023, 442 pages, 16,90 €

 

Chut, taisons-nous, car Twain avertit en ouverture des Aventures de Huckleberry Finn : « Quiconque tente de trouver une motivation à ce récit sera poursuivi ; quiconque tente d’y trouver une morale sera banni ; quiconque tente d’y trouver une intrigue sera fusillé ». Puis non, reprenons, car Twain a raison : que ce soit dans celles de Huckleberry Finn ou celles de Tom Sawyer, nulle morale à découvrir dans ces Aventures, nulle intrigue sous-jacente puisque ces récits s’interrompent avant de sortir de l’enfance après avoir accumulé des épisodes aux tonalités diverses, et la seule motivation à trouver serait la suivante, explicitement mentionnée par Twain lui-même (nous voici saufs) dans Tom Sawyer : écrire l’enfance, ce en quoi ces deux romans sont de pures réussites – comme chacun le sait depuis sa propre enfance, depuis sa première confrontation à ces chefs-d’œuvre, peut-être bien sous la couverture cartonnée de la Bibliothèque Verte.

Une Saison en enfer, Arthur Rimbaud (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 05 Mars 2024. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Une Saison en enfer, Arthur Rimbaud, Poésie/Gallimard, octobre 2023, préface Yannick Haenel, postface Gregoire Beurier, 96 pages, 5,90 €

À trois poèmes près, publiés en revues, l’œuvre laissée volontairement par Arthur Rimbaud se résume à un petit volume publié à Bruxelles en 1873, alors qu’il a dix-neuf ans (« Aller mes vingt ans, si les autres vont vingt ans… ») : Une Saison en enfer. De ce mince et unique volume, de cette première publication qu’on a pu croire perdue, Grégoire Beurier dresse une exégèse intelligente et pertinente en postface de la présente édition, soulignant entre autres la présence, rare chez l’imprimeur bruxellois, de pages blanches dans l’édition de 1873 – pages blanches auxquelles le postfacier désirerait qu’on alloue un sens, ce en quoi on le suit tout à fait. Ce sont comme autant de respirations, de pauses, de temps d’arrêt avant le bond poétique suivant dans cette lutte métaphysique et poétique à la fois que livre un tout jeune homme peut-être déjà conscient de son silence à venir (« Je quitte l’Europe. L’air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront », écho au « Si je veux une eau d’Europe, c’est la flache » du Bateau ivre). Ces pages blanches se retrouvent dans la présente édition, qui n’est pas un fac-similé de celle de 1873, mais en reprend la numérotation des pages ainsi que la mise en page approximative, permettant, un siècle et demi plus tard, de lire ou relire au plus près Une Saison en enfer.