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Articles taggés avec: Smal Didier

L’Étoile brisée, Nadeije Laneyrie-Dagen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 24 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

L’Étoile brisée, Nadeije Laneyrie-Dagen, Folio, février 2023, 832 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

En 1472, « Isabel de Castille avait commencé de détester ceux qu’elle appelait les assassins du Christ ». À Santoña, craignant (à juste titre) un « massacre », Shimon Cocia, barbier de son état, ordonne à ses deux fils, Yehonana et Yehoyakim, de prendre la route. Désormais « Joaquín et Juan », l’un partira vers le Nord, « Tolosa », l’autre restera dans le petit port de Getaria. Les deux, ont, cousu dans la doublure de leur cape, « un triangle en cuivre doré, la moitié d’un sceau de Salomon, la figure en étoile qui formait le symbole des Juifs ». Ils partent, s’inventent une nouvelle vie, et ces deux vies permettent à Nadeije Laneyrie-Dagen de peindre une fresque aussi réaliste que vue à hauteur d’homme (et de femme) de l’Europe entre 1472 et 1525, avec un brio sans nulle faille et un allant narratif qui fait que, comme lorsqu’on lisait Les Rois Maudits, on dépasse allègrement l’heure à laquelle il eût été raisonnable d’éteindre les feux.

Ehrengarde, Karen Blixen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Pays nordiques, Roman

Ehrengarde, Karen Blixen, Folio, février 2023, trad. anglais (Danemark), Doris Febvre, 112 pages, 3 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dû à l’adaptation cinématographique du roman La Ferme africaine (1942) sous le titre Out of Africa et de la nouvelle Le Dîner de Babette (1958) sous le titre Le Festin de Babette, le reste de l’œuvre de la Danoise Karen Blixen est quelque peu éclipsé par ces deux récits, plus qu’appréciables au demeurant. L’occasion est donc belle d’évoquer son talent narratif le temps d’un conte publié de façon posthume, Ehrengarde.

En une centaine de pages, Blixen démontre un talent de conteuse ludique extraordinaire, se jouant du lecteur comme des règles narratives. En effet, la narratrice d’Ehrengarde prétend au secret (« Je ne vais pas vous donner le véritable nom de ce pays, ni celui des dames et des nobles seigneurs de cette histoire ; cela leur aurait déplu ») mais dévoile peu à peu un certain rapport au réel – qui éclate à la fin du conte de façon plus que plaisante. De surcroît, Blixen mélange les genres : Ehrengarde débute tel un des contes collectés par les frères Grimm (« Le grand-duc et la grande-duchesse de Babenhausen demeurèrent longtemps sans enfants, ce qui les affligeait profondément »), et continue à la façon d’un conte libertin du XVIIIe siècle français (le personnage masculin principal, Cazotte, envoie des lettres dignes d’un Valmont), pour finir avec l’éclat d’une belle ironie historique :

Abécédaire, Mots et rites d’ailleurs, Tobie Nathan (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 11 Mai 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Essais

Abécédaire, Mots et rites d’ailleurs, Tobie Nathan, Folio Essais, mars 2023, 178 pages, 7,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Tant romancier qu’essayiste, Tobie Nathan se reconnaît comme maître Georges Devereux (1908-1985), l’un des premiers à avoir entremêlé l’anthropologie et la psychanalyse, sortant ainsi l’Homme de ses méandres mentaux individuels et l’invitant à se confronter à la société dans laquelle il vit pour se comprendre – vision brève, trop brève. Enfin, Georges Devereux… Plutôt « Georges, Gyorgyi, Devereux, Dobó, Weismayer… », comme l’apprit Nathan après une enquête menée dans les archives de la désormais réduite communauté juive de la ville de Lugos, en Hongrie. C’est tout le sens des chroniques précédemment publiées dans Psychologie Magazine et ici réunies, plus détaillées, dans le présent volume : rendre aux mots leurs sens (car oui, certains en ont plusieurs), leurs poids existentiels aurait-on envie de dire.

Nouvelles, Frank Herbert I et II (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 19 Avril 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Nouvelles, Science-fiction

Nouvelles, Frank Herbert, Folio, février 2023, trad. anglais (USA) Vincent Basset et al., édition de Pierre-Paul Durastanti, deux tomes, 736 pages & 656 pages, 11,50 € & 10,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

La renommée de Frank Herbert est essentiellement due au cycle de Dune, publiée à partir de 1965, et elle s’est encore amplifiée depuis l’adaptation cinématographique par Denis Villeneuve (2021) ; elle s’est aussi renouvelée en francophonie, grâce à une traduction de ce cycle révisée par Fabien Le Roy. Probablement cette édition en deux tomes de l’intégrale de ses nouvelles publiées entre 1962 et 1979, originellement publiée chez Belial et rééditée chez Folio, participe-t-elle de ce regain de renommée – ce que semble indiquer le bandeau « Par l’auteur de Dune » ornant les deux volumes.

Quoi qu’il en soit, elle permet d’aborder, dans l’ordre chronologique, des textes jusqu’à présent disséminés dans diverses anthologies voire inédits en français, et de constater que Herbert suivait lui-même les « règles d’écriture » qu’il propose dans une belle « Introduction » :

Le design. Histoire, concepts, combats, Catherine Geel, Claire Brunet (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 04 Avril 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais

Le design. Histoire, concepts, combats, Catherine Geel, Claire Brunet, Folio Essais (Inédit), janvier 2023, 560 pages, 12,90 €

 

Cette chronique est rédigée sur un ordinateur portable ; elle sera lue sur un ordinateur ou un smartphone ; cette chronique est donc aussi enfant du design. En effet, ces objets sont, dans leur réalité matérielle, le fruit de la pensée de designers, et en cela porteurs d’une idéologie : l’ordinateur présente un aspect plaisant destiné à faire oublier qu’il s’agit d’un outil de travail (on est loin, très loin, du Hal de 2001, l’Odyssée de l’espace, même si un designer assista Kubrick dans la conception visuelle du film), le smartphone est idéalement dimensionné pour faire oublier que cet objet est destiné à asservir son utilisateur bien plus qu’à le servir. Nous sommes piégés par le design, omniprésent.