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Articles taggés avec: Smal Didier

Les Raisins de la colère, John Steinbeck (Nelle traduction) (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 25 Juin 2024. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman, USA

Les Raisins de la colère, John Steinbeck, Folio, mars 2024, nouvelle trad. anglais (Etats-Unis) Charles Recoursé, 672 pages, 11 € . Ecrivain(s): John Steinbeck Edition: Folio (Gallimard)

 

« Le peuple fuit en laissant l’horreur derrière lui ; des choses étranges lui arrivent, certaines cruelles et amères, d’autres si belles qu’elles ravivent à jamais sa foi ». Parmi ces « belles » choses, une en particulier, « ce qu’il faut bombarder » proclame Steinbeck en s’adressant à ceux qui possèdent « les choses dont les autres manquent » : « le commencement : de “je” à “nous” ». Ce pourrait être, proposée à la fin du chapitre XIV des Raisins de la colère, la morale politique d’un roman qui dépiaute le rêve américain comme peu, le montrant tel un épouvantail cauchemardesque en cette fin des années trente où les tracteurs ont chassé les métayers du Midwest vers une Californie fantasmée et vendue en de mensongers prospectus. Un appel à l’altruisme, pas seulement syndicaliste, mais aussi chrétien – dans un roman où pourtant un pasteur, Casy, prétend ne plus être capable de prier ou prêcher, seulement d’écouter désormais.

Le Journal d’une femme de chambre, Octave Mirbeau (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Juin 2024. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Le Journal d’une femme de chambre, Octave Mirbeau, Folio, février 2024, édition de Noël Arnaud, révisée par Michel Delon, 592 pages, 8,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

« D’ailleurs, j’avertis charitablement les personnes qui me liront que mon intention, en écrivant ce journal, est de n’employer aucune réticence, pas plus vis-à-vis de moi-même que vis-à-vis des autres. J’entends y mettre au contraire toute la franchise qui est en moi et, quand il le faudra, toute la brutalité qui est dans la vie. Ce n’est pas de ma faute si les âmes, dont on arrache les voiles et qu’on montre à nu, exhalent une si forte odeur de pourriture ».

Célestine prévient d’emblée, dès la première entrée du Journal d’une femme de chambre, que ce qu’elle propose au lecteur sera peu reluisant, sera un portrait sans fards de la bourgeoisie au service de laquelle elle a été, et pourtant la critique fut scandalisée lors de la publication de ce roman d’Octave Mirbeau en 1900.

Quand les Impressionnistes s’exposaient, Laurent Manœuvre (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 11 Juin 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, L'Atelier Contemporain

Quand les Impressionnistes s’exposaient, Laurent Manœuvre, L’Atelier Contemporain, Histoire de l’art, avril 2024, 256 pages, 28 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

Dans le cadre des célébrations liées aux cent cinquante ans de l’impressionnisme, du moins de la naissance du mouvement en tant qu’il est nommé, outre que diverses expositions sont organisées, L’Atelier contemporain propose, sous la plume de Laurent Manœuvre, une riche et documentée histoire des huit expositions organisées entre 1874 et 1886 par les protagonistes eux-mêmes du mouvement. Au passage, l’auteur se montre fidèle à cette proclamation émise dans ce qui pourrait être une longue introduction à l’analyse des huit expositions en question : « Réduire les multiples facettes de l’impressionnisme à quelques phares (pour reprendre le mot de Baudelaire), et à la seule peinture, trahit l’histoire de ce mouvement » ; il est donc question, dans Quand les Impressionnistes s’exposaient, de peinture, mais aussi de gravure, d’estampe voire de sculpture – et même de quelques dessins destinés à illustrer l’éphémère L’Impressionnisme, journal d’art.

Persuasion, Jane Austen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 04 Juin 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Iles britanniques, Roman

Persuasion, Jane Austen, Folio Éditions spéciales, novembre 2023, trad. anglais, Pierre Goubert, 432 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jane Austen Edition: Folio (Gallimard)

 

Célébrons d’abord l’objet : une couverture cartonnée couverte d’une fine couche de velours gaufré bleu, et un ruban de même couleur en guise de signet. Ouvrir Persuasion dans cette belle édition, c’est s’abstraire quelque peu du monde de l’édition moderne pour retrouver le goût de lire un bel objet – quand bien même on est conscient de l’aspect commercial de cette proposition, qui donne un sentiment de luxe et d’ancien, voire de précieux. Nonobstant, c’est un beau flacon pour une belle ivresse littéraire, celle offerte par le dernier roman achevé par Jane Austen – et pourtant le plus négligé par la critique parmi l’œuvre de l’Anglaise.

L’histoire, comme toujours chez Austen, peut sembler complexe en ceci qu’elle met en présence de nombreux personnages avec des interactions fluctuantes, mais elle se résume comme suit : Anne Elliot, âgée de vingt-sept ans, a autrefois éconduit, sur les conseils de son amie Lady Russell, Frederick Wentworth parce qu’il n’était qu’un jeune officier de la Royal Navy à l’avenir incertain (« Elle avait renoncé à lui pour obliger les autres. Elle avait succombé à la persuasion. Elle avait été pusillanime et timorée ») ;

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 27 Mai 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Roman, Russie, Editions des Syrtes

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine, Editions des Syrtes, janvier 2024, trad. russe, Anne-Marie Tatsis-Botton, 320 pages, 23 € Edition: Editions des Syrtes

Pour raconter son Histoire de l’Île, lieu inexistant et donc ouvert à tous les possibles, l’écrivain russe Evgueni Vodolazkine choisit une forme à la fois éloignée et proche du roman, la chronique. Ce sont donc trois-cent-cinquante années d’une lente évolution du Moyen Âge à l’époque contemporaine qui défilent en quelque trois cents pages, racontées par divers chroniqueurs au fil des siècles, depuis Nicanor l’Historien jusqu’à Innocent, longue lignée de moines qui racontent leurs époques respectives.

Ils racontent ainsi l’évolution politique de l’Île, avec comme constante et fil conducteur le couple princier formé par Xénie et Parthène, tous deux dotés d’une longévité exceptionnelle et non seulement témoins mais aussi commentateurs. En effet, l’Histoire de l’Île se présente comme étant l’édition complète d’une chronique connue et étudiée depuis son origine, édition sous l’égide d’un certain Philippe, qui a proposé à Parthène et Xénie de donner « leurs avis », « notes [qui] insensiblement ont pris le caractère d’un journal ». Par ces « notes », on glisse doucement d’une réflexion sur la chronique à une réflexion sur la longévité et la modernité, au regard posé par deux vieillards tricentenaires alertes issus d’une autre époque sur l’époque contemporaine, la nôtre.