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Le Jardin de derrière (24 & FIN) Où il n’y a pas de fumée sans feu

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 01 Juin 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Georges et Hélène étaient accoudés sur le balcon, regardant le ciel de juillet se foncer insensiblement, laissant apparaître les premières étoiles. Un peu plus d’un an s’était écoulé. Hélène s’était installée à l’automne dans la maison et passait deux ou trois jours par semaine à Paris. Louise et Pierre allaient au collège-lycée d’Avallon. Pierre ne voyait plus Tristan ni aucun membre de son groupe. Il en avait fondé un autre, avec qui il répétait ce soir-là dans une grange d’un village voisin. Louise fréquentait toujours les deux enfants du jardinier, avec qui elle était en ce moment même dans la grange, à regarder des DVD des Experts. Avec Camille Martineau, elle avait trouvé un job d’été à la pépinière qui avait enfin ouvert ses portes dans la ZAC. Elles y espionnaient Julien, qui rempotait des géraniums en rêvant à sa future moto tandis que la petite Jeanne distribuait en douce dans les rayons des tracts anti-avortement.

Georges et Hélène respiraient tranquillement l’air tiède du crépuscule. En tendant bien l’oreille, on aurait peut-être entendu le ronronnement de la turbine enterrée sous le pré, et peut-être encore le gloussement d’une poule en train de rêver, dans le poulailler tout neuf que Georges avait installé au printemps.

Le Jardin de derrière (23) Où la Chaussas prend les choses en main

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 19 Mai 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

En surface, Louis rejoignait Kevin et Julien. Il jeta un bref coup d’œil à la trappe, puis se dirigea vers l’église, suivi des deux amis rouges de dépit et de colère.

De leur côté, Louise et Camille parvenaient, tout essoufflées, à la grange, se glissaient dans l’appentis et, de là, par le tunnel, arrivaient jusqu’à l’abri anti-aérien du moulin du bas.

Georges avait pensé attendre là que les choses se tassent. Il s’avéra aussitôt qu’il ne serait pas assez grand pour eux sept. Il hésitait devant la porte ouverte lorsqu’il perçut une sorte de grincement. Il crut d’abord avoir mal entendu. Il fit taire Pierre qui commençait déjà à grommeler, et il tendit l’oreille. Le grincement se renouvela. Il lui sembla percevoir un souffle d’air frais sur son visage. Il eut une bouffée d’angoisse. En hâte, il poussa Noé et Isabelle dans l’abri, avec Louise et Camille, et leur ordonna de s’enfermer. Il entraîna les deux autres dans la salle de commande et commença à tourner fébrilement les manettes sous les yeux d’abord éberlués de Pierre et de Tristan. Ils entendirent alors des pas dans le tunnel, des chuchotements. Ils devinrent pâles. Georges actionnait des leviers, tournait des roues dentées, sans parvenir à fermer la porte séparant les vieux tunnels de la zone du moulin. Un instant, il vit même avec effroi la porte de l’abri s’ouvrir.

Le Jardin de derrière (22) Où ça tourne au vinaigre

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 07 Mai 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Sur un chemin de terre, dissimulé depuis la route par les arbres du verger, trois voitures à l’arrêt, bientôt rejointes par la camionnette de Louis, qui descend en personne du siège conducteur. Il est aussitôt entouré par une dizaine de jeunes rouges d’excitation. Parmi eux, Jeanne et une autre fille amenées par Kevin et Julien. Elles veulent venir. Elles resteront dans les voitures. Louis refuse tout net, lance un regard désapprobateur aux deux amis, qui, confus, se glissent au dernier rang du groupe. Les deux filles boudeuses s’éloignent de quelques pas, s’asseyent dans le champ. Louis commence son discours. Le ton est militaire, les yeux des jeunes brillent. Sur un geste de Louis, un des garçons ouvre les portes à l’arrière de la camionnette et en sort une caisse pleine de bombes lacrymogènes, que le groupe se répartit. Il y a aussi quelques coups de poing américains et deux pistolets. Julien exhibe soudain une carabine, une arme de chasse, assez légère, qui fait ricaner quelques-uns des garçons. Julien tâche de manier la gâchette d’un air menaçant. Louis caresse négligemment un fusil à canon scié, qu’il repose ensuite sur le sol de la camionnette. Tout le monde commence à s’exciter vraiment, on se dirige vers les voitures.

Le Jardin de derrière (21) Où on fait des plans

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 28 Avril 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Leur première décision fut d’aller chercher Tobie. Pierre courut à l’autre bout du village. Tobie était assis tranquillement sur une chaise de jardin, à l’ombre d’un grand tilleul, les jambes étendues devant lui, les pouces passés dans sa ceinture. Par la barrière ouverte, Pierre se précipita dans le jardin et lui expliqua l’affaire en deux mots. Tobie sauta sur ses pieds, fit signe à Pierre d’attendre un instant, bondit vers sa maison, revint un instant plus tard avec un gros rouleau de papier sous le bras. « On va éviter la grand rue », lança-t-il à Pierre, et il l’entraîna à travers champs, puis par un lacis de venelles et de cours de ferme qui les amenèrent dans le pré, en face de la maison. Le voisin aux poules n’était pas en vue. Pierre sur ses talons, Tobie franchit avec légèreté le pré, puis la route, hésita : « Il est où, ton père ? » Pierre pointa le pouce vers le haut : « L’abri ». « On va passer par la grange ». Il entraîna vers la grange Pierre, qui écarquilla les yeux quand Tobie ouvrit la porte de l’appentis dissimulée derrière l’étagère. Quelques instants plus tard, ils émergeaient de la trappe, sous l’œil ahuri de Noé et Isabelle. Tristan eut un sourire fin. Tobie lui lança un bref regard avant de scruter plus longuement le visage neutre de Louise. Puis, sans un mot, il déroula sur le sol le plan détaillé du village et de ses alentours qu’il avait apporté avec lui.

Le Jardin de derrière (20) Où on entend des choses

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 20 Avril 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Georges avait emprunté à Tobie son utilitaire et, le fût de poissons pourrissants bien calé à l’arrière, il se dirigeait à vive allure vers la déchetterie, répandant sur son passage une odeur pestilentielle.

Il avait quelques minutes plus tôt eu Hélène au téléphone, encore retenue à Paris pour une quinzaine. Elle avait paru déroutée par les récents événements que les propos de Georges, un peu décousus, lui faisaient entrevoir.

– Mais les enfants vont bien ? répétait-elle.

Et Georges d’acquiescer, de repartir sur une histoire de poissons morts, de parler d’une procession, de gars avec des capuchons, d’un nommé oncle Tobie et d’un abri antiaérien où ils auraient dû se terrer pour échapper aux encapuchonnés. Hélène appuyait avec force le téléphone contre son oreille en tripotant nerveusement son collier de l’autre main : « Et tu ne veux pas que je vienne ? Les enfants vont bien ? » Il ne voulait pas qu’elle vienne, les enfants allaient bien. Il fallait qu’il y aille, il avait des poissons à amener à la déchetterie.