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Articles taggés avec: Rialland Ivanne

Les Yeux dans les yeux, Le Pouvoir de la conversation à l’heure du numérique, Sherry Turkle (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 20 Avril 2020. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Essais

Les Yeux dans les yeux, Le Pouvoir de la conversation à l’heure du numérique, Sherry Turkle, janvier 2020, trad. anglais, Elsa Petit, 553 pages, 28 € Edition: Actes Sud

 

Sherry Turkle, professeure au MIT, étudie depuis des dizaines d’années nos interactions avec les objets technologiques, concentrant son attention sur la manière dont ils affectent notre identité et nos relations sociales. Comme de nombreux autres penseurs des nouvelles technologies, son regard d’abord positif sur les possibilités d’expression offertes en ligne – à travers par exemple les avatars créés par les joueurs de jeux vidéo – est devenu beaucoup plus négatif à mesure que ces technologies s’imposaient dans notre quotidien, à la faveur du développement des smartphones, des progrès de l’intelligence artificielle, de la multiplication des objets connectés.

Le livre traduit par Actes Sud date de 2015 : c’est beaucoup pour un domaine en forte évolution. Les pages que Sherry Turkle consacre à l’impact des algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux peuvent paraître ainsi un peu rapides, pour qui aura été attentif à la question durant ces cinq dernières années – les médias s’étant par exemple fait largement l’écho du livre du sociologue Dominique Cardon, À quoi rêvent les algorithmes (Seuil, 2015).

Les travaux et les jours 10 (extraits) (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 23 Mars 2020. , dans La Une CED, Bonnes feuilles, Ecriture

 

 

La mère

Alors que la banlieue lui semblait un lieu de changements perpétuels où, comme dans un film en accéléré, les grues ne cessaient jamais d’arracher à des tas de décombres des résidences flambant neuves aux noms de villes romaines, Paris, au fil de ses promenades du week-end, lui paraissait inchangé depuis ses années d’étudiante, et elle retrouvait chaque fois la même lumière du ciel près de la Seine, la même rumeur, les mêmes odeurs d’essence et de platanes. Seule la situait dans le temps la prolifération aux terrasses des cafés de ces petits tubes de plastique soufflant comme une haleine une incolore vapeur blanche, qui faisaient de ces modernes fumeurs de très discrets joueurs de pipeau.

Terre errante, Liu Cixin (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 03 Mars 2020. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Asie, Roman

Terre errante, Liu Cixin, janvier 2020, trad. chinois Gwennaël Gaffric, 79 pages, 9 € Edition: Actes Sud

 

Pour échapper à l’explosion annoncée du soleil, les Terriens décident d’arracher la planète à son orbite pour la lancer dans un long voyage dans l’espace à la recherche d’une nouvelle étoile.

À partir d’un tel argument, Liu Cixin aurait pu proposer un roman d’un millier de pages – à l’image de sa trilogie inaugurée en 2006 par Le Problème à trois corps (prix Hugo en 2015), déjà traduite par Gwennaël Gaffric, qui a ainsi permis la découverte en France de cet auteur majeur de la SF chinoise – on pourra lire sur ReS Futurae l’article qu’il a consacré en 2017 à l’œuvre de Liu Cixin : « La trilogie des Trois corps de Liu Cixin et le statut de la science-fiction en Chine contemporaine » (http://journals.openedition.org/resf/940). Dans Terre errante, novella écrite en 2000, Liu Cixin s’en tient à quelques dizaines de pages, qui ont pourtant la densité imaginaire d’une saga : on comprend que le cinéma ait pu être séduit par ce texte, adapté par Frant Gwo sous le titre de The Wandering Earth en 2019. Ce n’est pas que l’auteur accumule les péripéties. Il n’y a guère de personnages, à l’exception du narrateur, dont la vie et les sentiments sont eux-mêmes comme étouffés par l’ampleur des événements planétaires.

Les travaux et les jours 9 (extraits) - La fille (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 10 Février 2020. , dans La Une CED, Bonnes feuilles, Ecriture

 

Devant l’ordinateur familial, elle s’amuse, par la grâce de Google Street View, à se couler dans les rues de sa ville qui, au fil de sa progression saccadée le long de chaussées ensoleillées et désertes, prend les allures étranges, presque inquiétantes, d’un décor de jeu vidéo. Dans les silhouettes fugitives capturées par la Google car, il lui semble parfois reconnaître un être familier. Certaines adresses, certains morceaux de rue sombrent dans l’inconnaissable, le logiciel montrant obstinément, à la place de telle boutique, de tel immeuble, l’entrée d’un parking souterrain ou une façade aveugle, comme si ce point de l’espace avait été effacé, avalé, ou – pour l’entrée du parking – remplacé par cette sorte de portail illusoire vers un autre monde, appel toujours frustré à aller en-dessous, derrière ces images en trompe-l’œil. Pourtant, devant la maison d’une amie, elle ne peut s’empêcher d’attendre l’apparition de son visage, là-haut, entre les rideaux bleus de sa chambre, avec un vague sentiment d’effroi à l’idée, de croiser, à travers l’écran, son regard.

Les travaux et les jours (extraits 8) (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 14 Novembre 2019. , dans La Une CED, Bonnes feuilles, Ecriture

 

La mère

Étrange photo qui la point dans cette exposition estivale visitée à l’heure où d’autres dînent.

Exposition sur « L’envol » pleine de machines insensées, de dessins d’avions, de soucoupes, d’aéronefs bricolés et de photos de funambules.

Celle-là est accrochée en face d’un mur couvert de photos de plongeons, belles photos d’il y a un siècle de corps sculptés par la lumière, les muscles durcis par l’élan, les pieds pointés vers le ciel.

La photo est grande, étirée en hauteur, du gris duveteux des photos anciennes – ce qu’elle n’est pas. Son auteur est un presque jeune homme.