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Au risque de Lévinas

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Novembre 2013. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Emmanuel Lévinas est reconnu universellement comme un des philosophes les plus importants du XXème siècle. Peut-être le plus important. Mais il pose un problème majeur à qui veut en parler : contrairement à ses « confrères » de la gent philosophique, il est impossible de le « résumer » en quelques idées, quelques formules, une « Weltanschaaung » (conception du monde). Lévinas travaille la matière même de la complexité humaine, à la croisée des grandes questions posées par la philosophie, la psychanalyse, la sociologie, la théologie. Allez donc le figer dans une formule ! On est tellement loin des philosophes mondains de nos plateaux de télévision.

Aussi, en propos liminaire, je veux dire au lecteur éventuel de ce texte que je me suis efforcé d’être le plus « clair » possible, autant en tout cas que faire se peut. Donc sûrement peu.

C’est un « fil » de la pensée de Lévinas que je vous propose de dérouler (enfin d’essayer) ici. J’ai choisi, bien sûr, une piste qu’il ouvre dans le champ de la morale, car, si on peut au moins formuler une certitude, Emmanuel Lévinas est d’abord un immense moraliste.

La vie secrète d'Emily Dickinson, Jerome Charyn

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 14 Novembre 2013. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman, USA

La vie secrète D’Emily Dickinson. Traduit de l’anglais (USA) par Marc Chénetier septembre 2013. 427 p. 24,50 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Rivages

 

Il faut en avertir le futur lecteur : quelle que fût la vie réelle d’Emily Dickinson, vous ne pourrez plus jamais penser à elle, ou rencontrer l’un de ses textes, sans donner au personnage une autre « réalité » que celle que bâtit Jerome Charyn dans ce livre brillant, attachant, délicieux !

Car c’est bien une partie importante de la vie de la grande poétesse américaine qui constitue le sujet de ce livre. Biographie alors ? Définitivement non, même si Charyn s’est armé jusqu’aux dents des outils nécessaires à rendre sa fiction parfaitement vraisemblable. Il s’agit bel et bien d’un roman dont l’héroïne est Emily Dickinson – la Emily Dickinson de Jerome Charyn, éperdument amoureux du personnage qui fut le premier poète qu’il ait jamais lu.

« Elle était le premier poète que j’eusse jamais lu, et je fus d’emblée accroché, hypnotisé, parce que son écriture enfreignait toutes les règles. Les mots provoquaient leur propre réaction en chaîne, leur propre feu. Elle était capable d’abasourdir, de charmer et de tuer « avec des dagues de mélodie ». Je ne me suis jamais vraiment remis de l’avoir lue. »

les nouveaux robinsons, Ludmila Petrouchevskaia

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Novembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Pays de l'Est, Christian Bourgois

Les nouveaux robinsons, octobre 2013, trad. du russe par Macha Zonina et Aurore Touya, 185 p. 15 € . Ecrivain(s): Ludmila Petrouchevskaïa Edition: Christian Bourgois

On ne peut trouver d’ailleurs plus ailleurs  que dans ces nouvelles de Ludmila Petrouchevskaia. Géographiquement on est en Russie, mais une Russie tellement vague, fantômatique, qu’elle en devient fantasmée. Narrativement, on s’enfonce dans les dédales d’un monde sombre et étrange, plus profondément encore de nouvelle en nouvelle. Quant à l’univers du style il est fascinant tant il invente une écriture qui allie raffinement et simplicité. Bien sûr on pense à des parentés. A commencer – Russie oblige – par Nicolas Gogol et ses nouvelles fantastiques. Car on oscille dans ces histoires entre un réalisme saisissant, un peu celui du socialisme soviétique de l’après-guerre - et/ou de la Russie post-URSS - et le fantastique presque horrifique. Gogol et ses univers qui, de la vie quotidienne nous bascule soudain dans l’impossible, l’horreur (« Le Nez »). L’autre référence est revendiquée directement par l’auteure dans une des nouvelles de ce recueil :

« Seule la chatte continuait à miauler, comme dans cette célèbre nouvelle où le mari tue sa femme et l’ensevelit dans un mur de briques ; à leur arrivée, les enquêteurs comprennent ce qui s’est passé grâce à un miaulement provenant de l’intérieur du mur, où le chat préféré de l’épouse a été emmuré avec elle et se nourrit de sa chair. »

(Hygiène)

Dernier été à Primerol, Robert Merle

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 22 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions de Fallois

Dernier été à Primerol, 121 p 8,70 € . Ecrivain(s): Robert Merle Edition: Editions de Fallois

 

Il est ainsi des inédits dont la publication constitue un moment de bonheur. Il faut dire que ce petit livre concentre l’intelligence, l’élégance et la force de Robert Merle.

On est a la veille de la deuxième guerre mondiale. A l’extrême veille. En fait, dans son premier « chapitre » (il n’y a pas vraiment de chapitres mais des fragments) on est déjà dans la guerre. Cette période abrutissante et terrible des camps de transit où on a jeté Robert Merle et ses camarades. La douleur a porte un nom : la faim ! Ces quelque pages ne s’oublient pas, la faim est de toutes les tortures la pire pour l’homme, celle qui peut  changer sa nature même, l’avilir.

« En moins d’un mois, j’avais appris à la considérer, ma faim, comme un état normal. Je l’avais accueillie comme une habitude. J’en souffrais toujours, je ne m’en étonnais plus, j’avais faim comme d’autres sont boiteux. »

Mon Amérique, Jim Fergus

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 10 Octobre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Récits, USA, Le Cherche-Midi

Mon Amérique( Nature writing), trad. (USA) Nicolas de Toldi, septembre 2013, 300 p. 20 € . Ecrivain(s): Jim Fergus Edition: Le Cherche-Midi

Jim Fergus s’inscrit dans les figures de la grande littérature américaine. Passionné de nature, de chasse, de pêche, il est dans la lignée prestigieuse du Montana avec ses amis Jim Harrison et Rick Bass. Ce dernier est d’ailleurs un des personnages de ce livre puisqu’il partage avec l’auteur des journées de chasse aux oiseaux. Ce livre est un journal de chasseur, de pêcheur, constitué de petites nouvelles qui sont autant d’histoires dont raffolent, on le sait, ceux qui pratiquent ces activités.

Histoires d’hommes (les femmes sont très rares ici), de chiens, d’animaux sauvages, Fergus distille ses souvenirs comme un hymne à la nature, aux grands espaces américains, aux amitiés éternelles.

A la manière des romantiques, Fergus ne regarde pas la nature comme objet en soi mais comme jouissance pour soi. Il en attend un retour, la contemplation ne lui suffit pas et en cela il rejoint une tradition rousseauiste. Rick Bass, dans la préface qu’il offre à son ami, ne s’y trompe pas :

 

« L’important n’est pas le paysage, mais l’homme et ce qu’il ressent. Et Jim est un homme intensément amoureux de la vie. »