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Âmes volées, Stuart Neville

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 13 Décembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages/Thriller, Iles britanniques, Polars, Roman

Âmes volées. septembre 2013. Trad. anglais (Irlande) Fabienne Duvigneau. 410 p. 22 € . Ecrivain(s): Stuart Neville Edition: Rivages/Thriller

 

Stuart Neville continue son voyage terrible dans les bas-fonds de Belfast. Troisième Opus d’une trilogie, « Âmes volées » nous conduit sur les sentes cauchemardesques du commerce de la chair. De la chair humaine, celle des jeunes femmes perdues par la pauvreté, venues de l’Est par des circuits obscurs et conduites rapidement à la prostitution par des réseaux mafieux impitoyables.

Jerry Fegan, le tueur terrible mais « attachant » des deux premiers opus est mort et c’est l’inspecteur Jack Lennon de la police de Belfast qui prend sa place de héros. Il va aller de marche en marche jusqu’au bout de l’Enfer de ces filles égarées, de ces « âmes volées ». Sur la trace d’une fille, Galya Petrova, qui va nous offrir un portrait de femme déchirant et superbe.

Neville oublie les corps – vendus – pour s’intéresser aux âmes – volées. Car derrière les corps martyrisés restent (parfois) des femmes, quand l’horreur ne les a pas éteintes.

« Mais quelques-unes étaient encore vivantes à l’intérieur. Elles l’écoutaient. L’espoir et une ferveur mêlée de crainte s’allumaient dans leurs regards quand il parlait de salut »

Driven, James Sallis

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Décembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages/noir, Polars, Roman, USA

Driven. Rivages/noir. Trad. (USA) Hubert Tézenas. Septembre 2013. 175 p. 7,15 € . Ecrivain(s): James Sallis Edition: Rivages/noir

 

Le Pilote* n’est pas mort. Bonne nouvelle pour les lecteurs de Drive (et aussi pour les spectateurs du très beau film de Nicolas Winding-Refn). Il a refait sa vie à Phoenix, s’est marié, voudrait tant rentrer dans l’ombre, se faire oublier. Mais que serait la tragédie sans le destin inexorable ? Un piètre drame.

James Sallis nous ramène d’entrée à la fatalité. Elsa, l’épouse du pilote, est tuée à la première page. Et ses tueurs traquent le pilote tout au long de ce bref opus. Bref, mais comme toujours avec Sallis, infini. James Sallis ne connaît pas la finitude : il raconte des histoires intemporelles dans un style qui est l’épure même du genre. Il renoue avec la scène grecque antique en condensant dans ses récits les syntagmes de la condition humaine dans son versant le plus noir.

Aucun élément narratif n’est limité à son temps, toujours rattaché à l’éternité. Comme les tags par exemple !

«  … nous nous démenons tous pour laisser des traces derrière nous, des signes de notre présence ici, de notre passage. Et que les marques comme celle-là, ou les graffitis qui foisonnaient sur les murs, les immeubles et les ponts autoroutiers étaient des équivalents urbains des peintures rupestres. »

Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire, Tabish Khair

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Novembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Roman, Les éditions du Sonneur

Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position de missionnaire. octobre 2013. Trad. De l’anglais par Antonia Breteuil. 288 p. 20 € . Ecrivain(s): Tabish Khair Edition: Les éditions du Sonneur

Tabish Khair est un formidable raconteur. Son aptitude à l’empathie avec ses personnages, son talent pour traquer au plus près les comportements, le discours de chacun, son humour par dessus tout qui permet un regard profondément humain sur les péripéties de son récit, font de ce livre un moment de chaleur, de sourire, de tolérance enfin. Sur ce sujet, et par les temps qui courent, c’est une sorte d’exploit.

L’Islam – et hélas par voie de conséquence l’islamisme – sont au cœur de ce roman. Mais la position du missionnaire n’est pas en reste ! Qu’on se rassure, on échappe à tout discours théorique et attendu sur la question, aucun des protagonistes de l’histoire ne le supporterait ! Et nous non plus, trop occupés que nous sommes à rire. Les trois héros incarnent – chacun à sa façon - trois situations face à la religion du Prophète : l’un est musulman pakistanais (le narrateur/auteur ?) parfaitement « laïcisé », l’autre, son ami Ravi, n’est pas musulman, mécréant bon teint issu de la grande bourgeoisie indienne, et enfin Karim, indien aussi, pratiquant sourcilleux qui voit d’un œil critique ses deux hôtes (ils occupent deux chambres chez lui).

Au risque de Lévinas

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Novembre 2013. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Emmanuel Lévinas est reconnu universellement comme un des philosophes les plus importants du XXème siècle. Peut-être le plus important. Mais il pose un problème majeur à qui veut en parler : contrairement à ses « confrères » de la gent philosophique, il est impossible de le « résumer » en quelques idées, quelques formules, une « Weltanschaaung » (conception du monde). Lévinas travaille la matière même de la complexité humaine, à la croisée des grandes questions posées par la philosophie, la psychanalyse, la sociologie, la théologie. Allez donc le figer dans une formule ! On est tellement loin des philosophes mondains de nos plateaux de télévision.

Aussi, en propos liminaire, je veux dire au lecteur éventuel de ce texte que je me suis efforcé d’être le plus « clair » possible, autant en tout cas que faire se peut. Donc sûrement peu.

C’est un « fil » de la pensée de Lévinas que je vous propose de dérouler (enfin d’essayer) ici. J’ai choisi, bien sûr, une piste qu’il ouvre dans le champ de la morale, car, si on peut au moins formuler une certitude, Emmanuel Lévinas est d’abord un immense moraliste.

La vie secrète d'Emily Dickinson, Jerome Charyn

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 14 Novembre 2013. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman, USA

La vie secrète D’Emily Dickinson. Traduit de l’anglais (USA) par Marc Chénetier septembre 2013. 427 p. 24,50 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Rivages

 

Il faut en avertir le futur lecteur : quelle que fût la vie réelle d’Emily Dickinson, vous ne pourrez plus jamais penser à elle, ou rencontrer l’un de ses textes, sans donner au personnage une autre « réalité » que celle que bâtit Jerome Charyn dans ce livre brillant, attachant, délicieux !

Car c’est bien une partie importante de la vie de la grande poétesse américaine qui constitue le sujet de ce livre. Biographie alors ? Définitivement non, même si Charyn s’est armé jusqu’aux dents des outils nécessaires à rendre sa fiction parfaitement vraisemblable. Il s’agit bel et bien d’un roman dont l’héroïne est Emily Dickinson – la Emily Dickinson de Jerome Charyn, éperdument amoureux du personnage qui fut le premier poète qu’il ait jamais lu.

« Elle était le premier poète que j’eusse jamais lu, et je fus d’emblée accroché, hypnotisé, parce que son écriture enfreignait toutes les règles. Les mots provoquaient leur propre réaction en chaîne, leur propre feu. Elle était capable d’abasourdir, de charmer et de tuer « avec des dagues de mélodie ». Je ne me suis jamais vraiment remis de l’avoir lue. »