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La tragédie d'Arthur, Arthur Phillips

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Le Cherche-Midi

La tragédie d’Arthur, traduit de l'anglais (USA) par Bernard Hoepffner, janvier 2013, 617 p. 22 € . Ecrivain(s): Arthur Phillips Edition: Le Cherche-Midi

 

On sort de la lecture de ce livre avec le sentiment d’avoir passé des heures dans un labyrinthe et de n’être pas sûr du tout d’en être vraiment sorti ! La sortie utilisée est-elle la bonne, la vraie, une illusion ? Car tout ce livre a pour thème le faux. « F for fake » titrait Orson Welles dans le film qu’il dédiait à un grand faussaire pictural, Elmyr. Et ce film avait pour titre français « vérités et mensonges » qui conviendrait fort bien à cette variation sur le thème du faux littéraire.

Pour commencer qui a écrit quoi ? Ce livre est signé bien sûr par Arthur Phillips. Mais pas que. L’autre auteur s’appelle William … Shakespeare. Plus de cent pages placées à la fin du livre sont constituées de la publication d’un inédit du Barde : la tragédie d’Arthur. Vous avez bien lu, un inédit de Shakespeare. D’où vient cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) ?

C’est là le propos central de ce livre : Arthur Phillips nous raconte qu’il fut affublé d’un père improbable. Passionné de Shakespeare, il voulut transmettre dès leur enfance sa passion à ses enfants. Et ça marche plutôt bien pour la sœur d’Arthur, Dana, qui devient une fan et une spécialiste du Barde. Moins bien pour Arthur … jugez-en :

Destin d'un ange suivi de La Fourche, Jean-Jacques Marimbert

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 19 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Destin d’un ange suivi de La Fourche, Ed. du Cygne décembre 2012, 91 p. 12 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Marimbert

Jean-Jacques Marimbert est un poète qui tord le cou à toute idée reçue sur la poésie. Il déplie un outillage énonciatif pour le moins inhabituel et dans tous les cas fascinant.

- Pour commencer, les deux textes qu’il nous offre dans ce beau recueil sont des histoires, avec un début, une fin, des événements, des héroïnes qui rêvent, qui souffrent. Le découpage de la versification n’empêche nullement de lire ces textes comme des nouvelles. Alors pourquoi versifier ? Pour deux raisons, essentielles dans l’art particulier de Marimbert :

La coupure des « vers » est la base rythmique fondamentale de toute lecture de ces textes. Jean-Jacques Marimbert est nourri de rythmes. La « tribune » de DJ Jazz qu’il tient sur FaceBook en est une illustration. Le superbe « work in progress » qu’il a publié dans notre cause littéraire (Blues for Charlie) en est une autre. La collision des sons, les ruptures, les assonances, l’obligation du vers créent une mélodie. Heurtée, rauque souvent mais une mélodie obsédante, qui l’est plus encore quand on entreprend de lire ces pages en une seule séquence, sans reprendre son souffle, comme dans une longue phrase de saxo. Il y a là une évidence de composition, le vers scandant le phrasé. Du narratif oui mais à entendre, au risque d’en perdre tout sens.

Une vie brève, Michèle Audin

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Samedi, 16 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Gallimard

Une vie brève. Gallimard/L’arbalète. Décembre 2012. 182 p. 17,90 € . Ecrivain(s): Michèle Audin Edition: Gallimard

 

L’écueil – les écueils -  étaient de taille. Ecrire à propos de Maurice Audin ça s’est beaucoup fait. Livres, études, articles, manifestes, et même plaques de noms de rues ou de places, d’un côté et de l’autre de la Méditerranée. Maurice Audin est de ceux qui peuplent le martyrologe, particulièrement effroyable, du XXème siècle. Jeune mathématicien, torturé, assassiné à Alger en l’été 1957 par l’armée française. Pas une armée de nervis à la solde d’une dictature, non, de l’armée de la République Française.

Le nom de Maurice Audin a donc basculé à jamais dans l’ordre du symbolique : martyr, héros, figure de l’histoire sombre de la Guerre d’Algérie. Le défi de Michèle Audin est double : comment écrire autrement sur Maurice Audin ? Sur l’homme – il a vécu « une vie brève » mais une vie tout de même – sur le père, car Michèle est bien la fille de cet homme.

Les données sont posées d’entrée (Michèle Audin est mathématicienne !) :

N'en faites pas une histoire, Raymond Carver

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 14 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Essais, Nouvelles, Poésie, USA

N’en faites pas une histoire (No heroics, please, 1991) trad (USA) François Lasquin (2012) 294 p. 15 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Nous avons droit dans ce 8ème opus des œuvres complètes de Raymond Carver chez l’Olivier, à des miscellanées. Un bric-à-brac littéraire étincelant, celui de l’artisan de l’écriture le plus doué de sa génération. Des nouvelles de jeunesse, stupéfiantes déjà de maîtrise narrative et qui laissent présager clairement l’économie des futures grandes nouvelles : minimalisme des moyens mis en œuvre, langue épurée et faite des mots les plus simples et les plus justes, la traque obsessionnelle de la réalité la plus banale :

 

« Il se rase. En tournant la tête, il peut voir ce qui se passe dans le séjour. Iris, de profil, assise sur le tabouret, devant la vieille coiffeuse. Il pose le rasoir, se rince le visage. Ensuite, sa main se referme à nouveau sur le manche du rasoir, et au même instant il entend les premières gouttes de pluie sur le toit … » (In « Furieuses saisons »)

Il était une rivière, Bonnie Jo Campbell

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Jean-Claude Lattès

Il était une rivière (Once upon a river), Trad (USA) Elisabeth Peellaert, janvier 2013. 394 p. 22 € . Ecrivain(s): Bonnie Jo Campbell Edition: Jean-Claude Lattès

 

Si Margo ne parsemait pas sa route d’aventures érotico-sentimentales, on pourrait dire de ce livre qu’il nous replonge dans un style, un univers, un genre littéraire que beaucoup d’entre nous ont dû connaître et aimer dans leur adolescence. On regarde du côté de « Jody et le faon » de Marjorie Kinnan Rawlings, ou encore de Tom Sawyer de Mark Twain. Tous les ingrédients y sont. A commencer par le titre du livre qui emprunte la fameuse formule des contes pour enfants : Once upon … Il était une fois.

La rivière bien sûr et d’abord. Il s’agit de la Stark, affluent de la Kalamazoo qui se jette dans le lac Michigan. La géographie déjà nous mène dans les contrées célèbres de la littérature (Hi Jim Harrison !). Elle est présente tout au long de ce roman, lieu pullulant de vie au rythme des saisons. Margo, l’héroïne, va la parcourir sans cesse, chassant, pêchant, cherchant sa mère qui l’a quittée quelques années plus tôt, la laissant seule avec son père qui vient d’être tué lors d’une altercation entre voisins. La rivière, comme chemin initiatique et lieu de toutes les magies naturelles.

D’emblée, le décor est planté, fascinant, écrin qui a porté tant d’œuvres et d’auteurs en Amérique :