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Danse noire, Nancy Huston

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Actes Sud, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman

Danse noire, 21 août 2013, 347 p. 21 € . Ecrivain(s): Nancy Huston Edition: Actes Sud

Milo est à ses derniers jours, à l’hôpital. Autour du dialogue d’écriture qu’il entreprend avec le réalisateur Paul Schwartz, Nancy Huston va dérouler la trame d’une vie, et de trois générations.

Saga du temps et de l’espace que ce roman, tissé de destins croisés ou plus exactement de destins croisés et légués. Car la dette, celle de l’héritage des ancêtres, pèse ici de tout son poids. Milo est fils de Declan, lui-même fils de Neil, l’Irlandais qui a grandi naguère au milieu des déchirements de son pays natal. La guerre civile des années 10. Elle le hante encore cinquante ans plus tard. De même que le hantent les souvenirs de ses proches d’autrefois parmi lesquels, au-delà de sa famille, des amis comme James Joyce ou William Butler Yeats. Neil aussi aurait voulu être un écrivain célèbre mais la vie … Alors les souvenirs du grand Joyce occupent le terrain laissé en friche :

 

« D’après la rumeur, il venait de signer un contrat d’édition pour un recueil de nouvelles sur Dublin, et avec Thom on se demandait si on pourrait y lire des récits de ce tonneau-là, des histoires évoquant le dessous du dessus, le sombre du clair, l’enfer du paradis. Jimmy oserait-il s’exprimer en public comme il le faisait en privé, pérorant dans un mélange ahurissant d’anglais, de gaélique et de latin sur ses prouesses priapiques avec les messalines de Monto ? »

Transatlantic, Colum McCann

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 26 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Belfond

Transatlantic trad. (Irlande) Jean-Luc Piningre août 2013. 550 p. 22€ . Ecrivain(s): Colum McCann Edition: Belfond

 

On sait depuis sa première œuvre, le somptueux « chant du Coyote » (10/18) que Colum McCann est un virtuose de la composition romanesque. Ce « Transatlantic » est une sorte d’aboutissement de son art de la narration, quand les ruisseaux se font rivière, les rivières des fleuves et les fleuves enfin la mer.

La mer justement. C’est bien sûr l’Océan Atlantique qui sépare l’Amérique de l’Irlande. Qui sépare vraiment ou qui lie ? Nous sommes, déjà, au cœur du propos du roman : l’Irlande et les USA sont tricotés (comme les chapitres de ce livre) ensemble jusqu’à l’identité, la confusion, la fusion. L’Atlantique n’est pas ! Les Irlandais ne connaissent que le « Transatlantique » tant leur histoire, depuis le XVIIIème siècle, est liée au Nouveau Monde. Comme si un pont aérien permanent était suspendu entre les deux pays, comme si les « oies sauvages* » avaient tiré les câbles de ce pont, invisibles mais indéfectibles.

C’est d’ailleurs ainsi que commence cet opus : au-dessus de l’Atlantique. 1919, Alcock et Brown, aux commandes d’un bombardier « désaffecté » de ses missions guerrières, réalisent le premier courrier postal USA/Irlande. Donner corps au rêve du lien anime leur folle entreprise, réduire la distance encore entre les deux terres.

Tu n’as jamais été vraiment là, Jonathan Ames

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 24 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Polars, Roman, USA

Tu n’as jamais été vraiment là, (you were never really here) 29 août 2013. Trad (USA) Jean-Paul Gratias. 98 p. 12,90 € . Ecrivain(s): Jonathan Ames Edition: Joelle Losfeld

 

Ce petit opus est un concentré de roman noir. La violence – celle du héros par exemple - est totale et fascinante -, l’amertume, l’immoralité, le vice, et, flottant au-dessus de ce monde glauque, un air permanent de nostalgie. La littérature noire traîne toujours cet air-là, comme une aspiration constante à la rédemption, comme le regret d’une pureté perdue, impossible. La mémoire comme dernier refuge d’un bonheur évanoui.

« C’était la fin octobre, et il flottait dans l’air un parfum douceâtre, comme celui d’une fleur qui vient de mourir. Il pensa à une époque où il était heureux. Cela remontait à plus de vingt ans. »

Puis Joe repéra un taxi vert. Il aimait bien les taxis de Cincinnati. Les voitures étaient vieilles, les chauffeurs étaient noirs. Cela lui rappelait le passé. »

Joe est tanné par la vie, la guerre, le crime qu’il a combattu au FBI naguère. La douleur lui sert de deuxième peau, il a tout vu. Mais il reste un homme avec, en dépit des apparences, des lignes qu’on ne peut pas franchir sans le mettre en colère. Et quand Joe est en colère …

Canada, Richard Ford

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, USA

Canada, traduit de l’anglais (USA) par Josée Kamoun 22 août 2013, 478 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Richard Ford Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Il arrive rarement de savoir – en lisant un livre pour la première fois – qu’on a dans les mains un grand roman que nos descendants liront dans des décennies (siècles ?) encore. Canada est un livre immense, porté par le souffle éternel du grand roman initiatique à l’américaine, et hanté par les ombres tutélaires de Mark Twain ou de Charles Dickens. Plus proche, l’ombre du grand Raymond Carver, dont Ford fut l’ami. On peut se demander si Ford n’écrit pas là le roman que Carver n’a jamais écrit.

Roman d’apprentissage donc pour le jeune Dell , roman d’apprentissage de la vie passant par un dédale d’épreuves majeures. Avec Ford, on le savait depuis « Une mort secrète » (1976), le chemin de la vie n’est jamais une voie de gala mais un long chemin de souffrances. Il déclarait en 2002, dans une interview à un magazine français (Télérama) : « Les Américains aiment le bonheur. Moi, j'écris la désespérance. ». Mais qu’on ne s’y trompe pas : Ford écrit le malheur avec une énergie, une vitalité, une puissance qui portent en elles l’incroyable déferlement de son écriture et la simplicité limpide des choses de la vie.

Compagnie K, William March

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Septembre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Gallmeister

Compagnie K., trad. (USA) par Stéphanie Levet. 230 p. 23,10 € 12 septembre 2013 . Ecrivain(s): William March Edition: Gallmeister

 

Ecoutez la rumeur terrible de ceux qui ont connu l’Enfer, de ceux qui ne sont pas revenus, de ceux – pire encore – qui en sont revenus brisés à jamais. Compagnie K est un de ces livres dont on sait, en le lisant, qu’il rentrera pour toujours dans nos mémoires de lecteurs. Il marque d’un trait indélébile la première grande plainte du XXème siècle – elle ne restera pas unique hélas -, celle de ceux qui ont quitté la condition d’humains dans la boue, la vermine, la mort des tranchées de 14-18.

La compagnie K est une unité de l’armée américaine envoyée au front en 1917. Le roman de William March, car il s’agit bien d’un roman et quel roman, est composé de voix, 113 voix, qui constituent les « chapitres » du livre. Chacune est celle d’un soldat qui nous dit un moment bref de sa vie, ou de sa mort, dans les tranchées du nord est de la France. On suit ainsi la compagnie K depuis les jours qui précèdent le départ en France jusqu’aux semaines, mois et années qui suivent le retour (de certains).

Polyphonie tragique et poignante qui nous dit la misère de ceux-là mais pas seulement :