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September, September, Shelby Foote (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 24 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Roman, USA

September, September, Shelby Foote, Gallimard, trad. américain Jane Fillion

Décidément, Shelby Foote ne fait rien comme aucun autre écrivain. Dans ce roman, il s’attaque au genre « polar » mais aucun des codes connus de ce genre ne sont ici appliqués. Si bien que, si ce livre est un polar, alors tous les polars n’en sont pas. A travers l’intrigue qui tient September September, Foote va décliner toutes ses obsessions : le Sud bien sûr, son histoire, ses démons, les rapports entre blancs et noirs, la dérive des petits blancs vers le crime, les rapports sulfureux entre hommes et femmes et, toujours, en fond de tableau, l’Histoire des USA, la monographie du Delta, la mythologie sudiste.

On connaissait les polars violents, les polars où l’action tient en haleine, les polars mystérieux, les polars psychologiques. Foote invente un genre unique : le polar au ralenti. L’intrigue est des plus simples, des plus classiques : trois petits malfrats blancs du Delta, deux hommes et une femme, montent un coup. Ils vont enlever le petit garçon d’une famille noire de Memphis pour rançon. Puis ils le séquestrent et négocient avec les parents. On le voit, rien de bien stupéfiant. Ce qui l’est totalement, c’est la narration de Shelby Foote. Les scènes du drame sont en écho permanent. Dans Tourbillon, Foote nous avait déjà esquissé cette structure : une même scène racontée par différents personnages. Ici, c’est la règle.

Né d’aucune femme, Franck Bouysse (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Manufacture de livres

Né d’aucune femme, janvier 2019, 336 p. 20,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: La Manufacture de livres

 

Au bout du chemin il y a une bâtisse, appelée Les Forges, la maison du maître. Là commence l’histoire de Rose. Franck Bouysse va en surprendre plus d’un parmi ses lecteurs. La « trilogie des Marches » est finie – Grossir le ciel, Plateau, Glaise – on ne quitte pas vraiment le rural noir mais on assiste à un basculement complet dans l’œuvre de Franck. Et c’est le genre qui fait rupture.

Comme dans toute sa jeune œuvre, Bouysse prend, encore une fois, le contrepied de l’air littéraire du temps. A l’assommoir que nous infligent nombre de romans français d’aujourd’hui, autofictions ou exofictions à la queue-leu-leu, qui tirent leur inspiration qui d’un fait-divers célèbre, qui d’une biographie d’homme illustre, qui d’un événement historique connu de tous – paresse moderne des imaginations – Franck Bouysse crée de toutes pièces une histoire venue de nulle part, si ce n’est de sa plume et de son univers propre. Venue de nulle part, située on ne sait trop où (un indice cependant au long du livre), on ne sait trop quand (XIXème siècle ? Début du XXème ?). Seul le domaine magique de la littérature lui sert d’écrin.

Sérotonine, Michel Houellebecq (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 09 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Flammarion

Sérotonine – 352 p. janvier 2019 – 22 € . Ecrivain(s): Michel Houellebecq Edition: Flammarion

 

On savait Houellebecq sombre et déprimé. Mais avec ce livre, il se situe au-delà de toute forme d’espérance. Il nous offre une traversée amère et terrible de notre monde, une sorte de symphonie funèbre à une humanité défunte. Houellebecq a toujours eu des échos romantiques, ici c’est le Winterreise de Schubert qui résonne, le Voyage d’Hiver. Des vers me viennent en mémoire, ceux d’un chant des gardes suisses de 1793 :

 

« Notre vie est un voyage

Dans l’hiver et dans la nuit

Nous cherchons notre passage

Dans ce ciel où rien ne luit ».

Bacchantes, Céline Minard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman

Bacchantes, janvier 2019, 106 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Rivages

 

On peut, on doit, commencer en disant que ce court roman – plutôt une novella – est parfait. Parfait comme l’est le stupéfiant braquage qu’il raconte. Minard nous déploie une mécanique narrative dont l’économie et la maîtrise touchent à l’accomplissement absolu.

Un braquage donc, mais comme jamais vous n’en avez lu ni entendu. Trois femmes, tout droit sorties d’un film de Tarantino, ont réussi à pénétrer dans un bunker imprenable, une sorte de Fort Knox plein d’un or rouge et blanc : des centaines de milliers de bouteilles de vin, de flacons de légende, confiées pour longue garde à Coetzer qui a eu l’idée géniale de créer cette caverne hyper technologique à Hong Kong. Cette forteresse contient 350 millions de dollars de vin.

Et dans leur bunker, elles ont pris le pouvoir sur ceux de l’extérieur, policiers et propriétaires du lieu ! Elles tiennent en otages cent mille bouteilles mythiques et tous les « blaireaux » qui tremblent au-dehors. Elles « exécutent », en forme d’avertissement, quelques-unes de leurs « otages » millésimées, les explosent devant les caméras intérieures de surveillance pour mieux boucler encore leur emprise sur la situation.

Et la mariée ferma la porte, Ronit Matalon (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Décembre 2018. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Israël, Roman

Et la mariée ferma la porte, octobre 2018, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, 142 p. 15,80 € . Ecrivain(s): Ronit Matalon Edition: Actes Sud

 

Le court roman d’adieu de la regrettée Ronit Matalon, disparue hélas il y a un an, est un trésor littéraire et un formidable cri de femme. On pourrait dire de femme israélienne, tant l’héroïne de cette histoire, Margui (la mariée), associe les détresses diffuses d’une jeune femme confrontée à la perspective d’un destin fermé, et celles d’un pays, Israël, qui vit avec la même peur d’un lendemain impossible. C’est un roman de la fragilité, de l’inquiétude. Pas seulement celle de la mariée qui refuse soudain son destin immédiat, mais aussi celle du marié, Matti, qui, derrière la porte close de sa fiancée, va endosser peu à peu toutes les peurs, tous les doutes, tous les refus de celle qui est enfermée de l’autre côté. Margui, Matti, Ronit Matalon n’a pas choisi ces prénoms si proches par hasard. Ils sont miroirs l’un de l’autre et renvoient, métaphoriquement, aux deux peuples qui vivent, « de chaque côté de la porte », en Israël.