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La Maison d’Haleine, William Goyen (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 27 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallimard

La Maison d’Haleine, William Goyen, trad. américain Maurice-Edgar Coindreau, 250 pages, 7,20 € . Ecrivain(s): William Goyen Edition: Gallimard

 

Il faut imaginer un William Faulkner qui serait un pur poète pour se faire une idée de ce roman sudiste, plein d’une nostalgie qui jouxte le désespoir. Un chef-d’œuvre littéraire à placer au plus haut des joyaux du Sud. Et traduit par l’immense Maurice-Edgar Coindreau, autant dire une priorité de lecture absolue.

La Maison d’Haleine est située à Charity, au Texas qui, un temps, a connu le bonheur.

« C’était une grande maison, vaste, vivante, traversée dans toute sa longueur par un long corridor ; et beaucoup de personnes y habitaient : Aunty, l’oncle Jimbob, Tante Malley, l’oncle Walter Warren, Christy, Grand’Maman Ganchion, et tous les cousins et cousines, grands et petits : Swimma, Follie, Barryben, Jessie, Maidie, tous – même miss Hattie Claig qui vint habiter avec nous ».

Neige silencieuse, neige secrète, Conrad Aiken (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 20 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Roman, USA

Neige silencieuse, neige secrète, éd. La Barque, avril 2017, trad. Joëlle Naïm, 47 pages, 12 € . Ecrivain(s): Conrad Aiken

S’il est besoin d’une preuve que peu s’en faut pour faire naître l’émotion magique de la littérature, cette petite novella se pose là. Conrad Aiken est poète. Ce qui n’empêche pas son œuvre romanesque d’occuper une place majeure dans les lettres américaines du XXème siècle. La Cause Littéraire avait déjà signalé et salué son magnifique « Le Grand Cercle », roman vertigineux et virtuose qui nous mène aux confins de l’imaginaire. Conrad Aiken fait partie de cette génération éblouissante d’écrivains américains qui firent des décennies 1920-1950 (à peu près) les plus fabuleuses de l’histoire littéraire américaine. Il vient se ranger auprès de Thomas Wolfe, William Faulkner, Robert Penn Warren, Willa Cather, Edith Wharton, excusez du peu !

L’enfant héros de cette nouvelle vit entre père et mère sous le toit familial, va à l’école avec ses petits camarades, aime bien sa maîtresse, mademoiselle Buell et les taches de rousseur dans le cou de sa voisine de devant, Deirdre. Un enfant ordinaire donc. Mais son activité principale est intérieure : tous les jours, il vit des jours de neige. Sans neige. Il sent la neige tomber pendant qu’il est dans son lit, il entend les pas assourdis par le manteau glacé du facteur qui passe le matin. Il VIT la neige, intensément et avec jubilation. La révélation, répétée tous les matins, qu’il ne neige pas vraiment, ne le dérange guère en fin de compte. SA neige tombe, bouillonne et le hante.

Au-dessus de l’Abysse, Conrad Aiken (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 13 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallimard

Au-dessus de l’Abysse (Blue Voyage), 453 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Conrad Aiken Edition: Gallimard

 

Une traversée. Dans la narration, une traversée de l’Atlantique en paquebot – New-York-Angleterre. Mais c’est à une tout autre traversée que le lecteur est convié par Aiken, celle des apparences, celle du langage, celle de l’extraordinaire aptitude des êtres à couvrir leur désespoir et leur solitude de propos logorrhéiques et vides. La traversée « Au-dessus de l’Abysse » est celle de l’infinie tristesse de la condition humaine, celle de l’infinie frontière intérieure de la littérature.

Dans un monde clos pendant huit jours, des gens qui ne se connaissent pas vont se rencontrer, parler, se retrouver au cœur des fonctions essentielles du langage : dire l’amour, la haine, les regrets, la peur. Dire soi. Conrad Aiken, grand poète et romancier, décortique l’âme humaine à travers les conversations. Et les gens se révèlent, nus, odieux souvent, malheureux toujours. Ils traversent l’Atlantique sur « les gouffres amers » de Baudelaire, métaphore d’une condition humaine juchée « au-dessus de l’Abysse ».

Coucher de soleil et autres croquis de la Nouvelle-Orléans, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 06 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Nouvelles, USA

Coucher de soleil et autres croquis de la Nouvelle-Orléans (New Orleans Sketches), trad. américain Michel Gresset, 112 pages, 2 € . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

Juste neuf nouvelles, très brèves, extraites du recueil « Croquis de la Nouvelle-Orléans » (Gallimard, Du Monde Entier) et cela suffit à être éclaboussé par le génie littéraire absolu du Maître du Mississippi. Il n’en faut pas plus pour plonger dans les rues de la Cité du Jazz, des pauvres Blancs et des Noirs, plus pauvres encore si c’est possible. L’art du portrait chez Faulkner confine au surgissement des êtres hors du temps et de la page. Un court paragraphe suffit à camper une figure du Sud à jamais.

« “Bas les pattes !” hurla-t-il. La façon dont il se tenait debout sur sa seule jambe en faisant tournoyer sa béquille autour de lui comme une hélice d’avion tenait du miracle. “M’arrêter chez moi dans ma chambre ! M’arrêter ! Où sont donc les lois et la justice ? Est-ce que je ne fais pas partie de la plus grande république de la Terre ? Est-ce que chaque travailleur n’a pas le droit d’être chez lui, et est-ce que je n’y suis pas ici ? Fiche-moi le camp, maudit Républicain ! Parce qu’il a un boulot fédéral, il se croit tout permis”, déclara-t-il aux badauds d’une voix rauque et roublarde. D’un grand geste, il ramena sa béquille sous son aisselle et prit une attitude avantageuse » (Miroirs de la rue de Chartres).

L’été où tout a fondu, Tiffany McDaniel (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Roman, USA

L’été où tout a fondu (The Summer that Melted Everything), traduit de l'américain par Christophe Mercier mai 2019, 416 pages, 23 € . Ecrivain(s): Tiffany McDaniel Edition: Joelle Losfeld

 

« Hell is empty and all the devils are here »

The Tempest (La Tempête), William Shakespeare, Acte I Scène 2

 

La citation en exergue du grand Will pourrait à elle seule rendre compte de ce superbe roman. Le Diable se promène dans la Grand’Rue de Breathed (Sud de l’Ohio, au pied des Appalaches) sous les traits d’un jeune garçon noir de 13 ans au cours d’un été 84 caniculaire. Il répond à l’invitation par voie de presse du juge Bliss qui veut en découdre enfin avec lui devant un tribunal. Fielding Bliss, jeune fils du juge, se lie d’amitié avec ce doux « Satan » aux yeux verts, au point de l’accueillir au sein de sa famille, comme un deuxième frère. De cette trame narrative, Tiffany McDaniel fait un espace d’exploration du mal dans le village, transformant Breathed en métonymie d’Amérique.