Identification

Articles taggés avec: Levy Leon-Marc

Un Blanc, Mika Biermann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 14 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Un Blanc, éditions Anacharsis, Coll. Griffe n°13 Fictions, janvier 2019, 156 pages, 9 € . Ecrivain(s): Mika Biermann

 

Ce petit roman est une confiserie glacée, une récréation divine. Sa lecture est jalonnée de crises de fou-rire inextinguibles, et d’émerveillement devant des paysages aussi splendides que frigorifiques.

Dès les premières pages, on est avertis : ce roman n’est pas un roman, c’est un récit de voyage. Enfin, c’est ce que prétend l’auteur du livre qui aurait découvert les carnets de bord de Hog Patier, cuisinier à bord de l’Astrofant, bateau parti en expédition dans l’Antarctique dans les derniers jours de l’an de l’an 2000, donc du XXème siècle. L’auteur prétend encore que son rôle s’est limité à mettre en ordre ces notes et les corriger. Tant d’ardeur dans la Verneinung (non, c’est pas moi !) nous glisse – on se demande bien pourquoi – un sérieux doute.

Commence alors, « racontée » par des membres de l’équipage, l’aventure polaire : Adolfin Smitt (Chef de l’expédition), Hog Patier (cuisinier), Arg Chant (premier officier).

Ce que cela coûte, Wilfred Charles Heinz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Monsieur Toussaint Louverture

Ce que cela coûte, février 2019, trad. anglais (USA) Emmanuelle et Philippe Aronson, 384 pages, 24 € . Ecrivain(s): Wilfred Charles Heinz Edition: Monsieur Toussaint Louverture

 

Monsieur Toussaint Louverture continue à nous surprendre avec des œuvres oubliées et plus stupéfiantes les unes que les autres. Avec ce roman – est-ce un roman, un récit fictionnel ? – nous sommes dans le monde âpre et mâle de la boxe dans les années 1950. Un journaliste sportif Franck Hugues, va suivre pendant trois semaines la préparation, l’entraînement minutieux d’un superbe boxeur, Eddie Brown, avant son prochain match où se jouera le titre de champion du monde des poids moyens. Nous suivrons ainsi avec lui la vie quotidienne dans un hôtel-restaurant spécialisé, à quelques kilomètres de New-York, avec salle d’entraînement équipée. Eddie Brown n’est pas le seul boxeur en préparation pour des rencontres, même s’il est le plus grand espoir de la boxe de son temps. Ces boxeurs sont entourés de leurs coaches, leurs médecins, leurs sparring-partners – c’est donc une petite colonie que le narrateur Franck Hugues va observer pendant cette période. Observer au détail près, comme le ferait un peu un anthropologue devant une étrange peuplade.

Shelby Foote – l’homme du Sud (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Février 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

Chronique dédiée à Nathalie Zberro et aux éditions Rivages

 

L’œuvre de Shelby Foote se situe au centre même de l’histoire du Sud. Mieux encore, elle se confond avec elle. On peut en dire autant de Thomas Wolfe, de Faulkner, de Carson McCullers et de plusieurs autres grandes voix venues des bords du Mississippi ou de la Savannah (1). Mais Foote, lui, fait au sens propre œuvre d’historien du Sud, par ses romans, son territoire, ses personnages, son style mais aussi parce qu’il a écrit la plus grande œuvre historique jamais produite sur ce qui fait l’identité même du Sud : la Grande Guerre Civile qui ravagea le pays de 1861 à 1865.

Tous ses prestigieux prédécesseurs en littérature sudiste ont été habités par l’ombre de cette guerre terrible qui – quoi qu’on en dise – n’est toujours pas vraiment terminée. On a dit de Wolfe et de Faulkner que plus que « malgré » la Guerre Civile c’est « grâce » à elle qu’ils ont fait l’œuvre miraculeuse que l’on connaît. On peut dire de Foote, qu’il en est deux fois le fils : comme écrivain et comme historien. Il n’est pas sûr d’ailleurs que l’on puisse distinguer l’un de l’autre. Sa colossale histoire de la Guerre Civile (2) est, comme son titre original l’indique, une narration, une histoire (sans le grand H), donc presque un roman.

Mado, Marc Villemain (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Février 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Roman

Mado, février 2019, 160 p. 15 € . Ecrivain(s): Marc Villemain Edition: Joelle Losfeld

 

Marc Villemain, dans ce roman virtuose, réussit un double défi. Ecrire un beau roman d’amour – ce qui de nos jours relève de la rareté extrême – et parler non des filles de quinze ans mais comme une fille de quinze ans, avec une justesse, une délicatesse, une pertinence saisissantes. La jeune narratrice, auteure du journal intime qui constitue la matière de ce livre (et qui intervient aussi parfois, quinze ans plus tard devenue adulte) nous raconte une amour exceptionnelle – le féminin d’amour, normalement réservé au pluriel, s’impose ici au singulier.

On ne découvre le prénom de la narratrice, Virginie, qu’à la page 53. Rien d’étonnant à cela, la jeune Virginie, dès les premières pages, est éblouie, dominée, fascinée, reléguée au second plan par l’époustouflante Mado dont elle tombe éperdument amoureuse. Mado, pas une fille, un rêve : belle, sûre d’elle déjà malgré son jeune âge, sensuelle, intelligente, fascinante. Elle efface tous les personnages du roman par son rayonnement quasi divin.

Des Voix, Manuel Candré (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Février 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Quidam Editeur

Des Voix, février 2019, 209 pages, 20 € . Ecrivain(s): Manuel Candré Edition: Quidam Editeur

A qui pense que la littérature est pur divertissement, qu’il passe son chemin. Manuel Candré, lui, rappelle puissamment qu’elle est déplacement et condensation, création d’univers inconnus du lecteur, et surtout écriture, harcèlement de la langue, questionnement obsessionnel du sens. Des Voix met les points sur les i de l’acte de parole, comme les kabbalistes l’ont fait jusqu’à la folie, convaincus que toute vérité est dans la lettre.

Qui parle ? Qui harcèle le narrateur, maladivement allongé sur son lit, dans une pièce miteuse probablement située dans l’arrière-salle d’une synagogue de Pragol (la Vieille-Nouvelle* dans une Prague fantasmée ?), pendant la première partie du livre ? D’où viennent ces voix qui le prennent d’assaut par flux, par flots ? Du ciel ? De l’Enfer ? Candré couvre d’un épais mystère le phénomène. Il laisse son lecteur devant son désarroi pour mieux l’obliger à se poser la seule question qui vaille : la parole, pas plus que l’écriture, n’est chargée de signifiés. Ce livre ne raconte pas d’histoire. La langue est faite de signifiants-en-soi et, un signifiant, ne renvoie qu’à lui-même disait Jacques Lacan. Manuel Candré l’a parfaitement saisi, qui va même jusqu’à faire des Voix des animalcules, des petits personnages absurdes. Elles sont autonomes, elles vivent, elles entourent le narrateur, tour à tour le martyrisent ou le consolent.