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Sous l’imperturbable clarté, Choix de poèmes 1983-2014, Jean-Marie Barnaud (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 29 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Sous l’imperturbable clarté, Choix de poèmes 1983-2014, Jean-Marie Barnaud, Gallimard/Poésie, 2019, préface d’Alain Freixe, poète, 272 pages, 8,60 € Edition: Gallimard

 

Ce passant, qui explore saison après saison l’univers qui l’entoure, cherche à « y mettre de l’ordre », à y trouver une clarté qui ne soit pas évidente et première.

En de poèmes courts – le plus souvent – et limpides (ce vœu de clarté assigné dès le titre de l’ensemble), le poète se dit aussi passeur d’un quotidien où les éléments tremblent leurs sens, à l’aune de l’eau présente, celle qu’« on entend/ Ruisseler dans la terre noire », « Belle eau du lac » ou encore « l’eau (qui) blanchit/ légère au vent ».

Il s’agit alors de rameuter toute clarté, tout éclat, c’est celle, celui des voyages, la lumière des carnets que l’on tient, pour évincer la mort, l’abandon, l’exil. Les traces désordonnées du réel semblent échapper à quelque rangement, et toutefois le poète sait happer, « sans comprendre », « le peu de clarté/ qui tient à l’est ».

« Poursuivre une clarté », telle est la mission à laquelle s’invite le poète. Être l’hôte qui dispense des leçons de passé, à coups d’imparfait qui ressuscite les absents :

Les Roses bleues de Ravensbrück, Jeanine Baude (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 21 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Les Roses bleues de Ravensbrück, Jeanine Baude, Éditions La Rumeur Libre, avril 2021, 80 pages, 15 €

 

Dédié à nombre de femmes qui ont subi les camps, ici Ravensbrück, et en particulier à sa tante Adrienne, le livre de Jeanine Baude tente un hommage désespéré à toutes celles qui ont souffert des camps nazis et ont « entamé » littéralement leur vie aux griffures des camps de la mort. Parallèlement à ces destins broyés, la poète souligne son propre destin, de souffrante. Elle a connu le cancer et ses affres. Elle chante ainsi à deux tons la destinée des femmes, des blessées, des souffrantes de la vie ordinaire.

La poète sait mieux que quiconque que l’histoire ne se balaie pas d’un coup de déni (comme ces falsificateurs nombreux qui inventent, faussent, mentent sur l’histoire). Baude restitue l’histoire vraie de ces femmes, enfermées dans un camp pour femmes, avec tous les « bleus » de leur histoire. Les voilà traquées, haïes, violentées. Les voilà parquées comme du bétail, prêtes à subir poux, maladies, blessures, faim, viols. Elles sont les « roses bleues », ces roses anéanties, qu’une couleur du bleu de la peau abîmée et meurtrie hisse au destin funeste des victimes, des affligées.

Barques renversées, Federigo Tozzi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 16 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Italie

Barques renversées, Éditions La Barque, janvier 2021, trad. italien, et postface, Philippe Di Meo, 96 pages, 18 € . Ecrivain(s): Federigo Tozzi

 

Entre philosophie, psychologie de l’intime et aphorismes, le livre du romancier italien, disparu si jeune, propose une véritable sagesse, selon un regard décapant, toujours vrai.

L’âme – mot qui sans cesse revient le long de ces pages – connaît tourments, doutes, découragements, hésitations, et les pensées de l’auteur prennent la forme d’une étude très analytique, très clinique des soubresauts de ce cœur qui penche, qui pense, qui aime, qui doute.

Écrits entre 1908 et 1911, et partiellement parus du vivant de l’auteur, ces textes des Barques renversées avoisinent les cheminements spirituels des géants Pessoa et Proust, quasi à la même époque de gestation de leurs œuvres. Certes, aucun des trois ne connaissait les autres ; toutefois une parenté d’étude saute aux yeux. Aux intermittences proustiennes et aux cogitations multiples du Portugais répondent les pensées de Tozzi.

On est frappé par le caractère à la fois incisif et compulsif de ces notes qui dépiautent l’âme, mettent à nu les plus intimes pensées, révèlent une intelligence et une acuité de haute lice.

Krankenhaus suivi de Carnet hollandais et autres inédits, Luigi Carotenuto (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 10 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Editions du Cygne

Krankenhaus suivi de Carnet hollandais et autres inédits, Luigi Carotenuto, juin 2021, trad. italien, Irène Dubœuf, 52 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

Recueil poétique en trois parties, Krankenhaus, du quadragénaire Luigi Carotenuto, est un livre funèbre, hommage au père disparu, recueil clinique de séquences qui tournent toutes autour de la mort, des médicaments, de l’urne funéraire, des impressions de passer de l’autre côté.

Ce n’est pas un livre joyeux. « La maladie » y est présente, lourdement, comme une catharsis à évacuer, comme une charge dont il faut se délivrer. Comme il faut oublier le « Catane » de la mère, et oublier qu’on vient de l’Etna.

La mémoire ainsi est douleur.

« La beauté enterrée » résonne comme un déni.

Les images sont terribles : « gares détruites par un séisme », ou « Nombreux sont les spectres/ à envahir le soir ».

La Tresse, Laetitia Colombani (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Livre de Poche

La Tresse, Laetitia Colombani, 240 pages, 7,40 € Edition: Le Livre de Poche

 

Un premier livre pour cette réalisatrice et scénariste française. Une découverte donc, qui éclaire d’un jour sensible la condition de femmes et de filles aux quatre coins de la planète. Un regard attentif et attentionné sur le sort peu enviable des femmes, à l’heure où l’internet et les réseaux semblent défier les coutumes ancestrales. La jeune romancière a pris le pari de « tresser » trois histoires pour en livrer à la fois l’injustice, la correspondance et le combat contre la bêtise, les traditions mutilantes. Trois univers sont décrits, d’une plume très réaliste, sur un ton empathique qui emporte le lecteur vers des terres étrangères, qui semblent, de loin, si étranges, comme si le temps nous avait déplacés.

On est en Inde avec une Intouchable, Smita, décidée coûte que coûte à libérer sa fille Lalita de tous les jougs. Les Intouchables en Inde sont les réprouvés, les exclus, les ramasseurs de merdes (c’est le « métier » de Smita). Ils ne peuvent ni toucher ni vivre au contact des autres castes. Pour eux, aucune éducation, aucune libération. Les discours de Gandhi en leur faveur n’ont eu aucun résultat. Smita va se battre, ruer dans les brancards, se mettre en danger pour trouver autre chose pour elle, et surtout pour sa fille.