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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Chevreuse, Patrick Modiano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 12 Novembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Gallimard

Chevreuse, octobre 2021, 176 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Depuis 1968, et une reconnaissance rapide, Modiano s’est fait le romancier du passé à retrouver. Il en est devenu l’expert romanesque, à travers nombre de romans qui, sur base de bottins et de cartes géographiques, dessinent la carte mémorielle de son propre passé, plein d’adresses vérifiables, de noms qui portent francité ou gourme étrangère. Il a témoigné de ces traces dans son livre Un pedigree, qui relate comment son propre passé a pu générer les fictions qui l’ont rendu célèbre, jusqu’à ce Prix Nobel de Littérature. On reconnaît très vite la griffe et la patte du romancier qui s’évertue, le temps d’un livre bref, à démêler un passé glauque, à éclaircir des zones au départ bien troubles.

Ce vingt-sixième roman de l’auteur, né à Boulogne-Billancourt en 1945, ne déroge guère à l’esthétique que Modiano s’est donnée depuis toujours : graver dans le romanesque les ressources fluides d’une vie, passée à courir les pensionnats et les rues de Paris et de sa banlieue cossue.

L’Hirondelle, Isabelle Alentour (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 27 Octobre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions

L’Hirondelle, Isabelle Alentour, éditions L’Ail des ours, Coll. Grand Ours, septembre 2021, Ill. Jean-Marc Barrier, 66 pages, 6 €

 

Métaphore de l’adolescence, d’une adolescente partie dans sa chute, L’Hirondelle est l’hommage de l’amitié à tous ces envols d’une époque, celle de nos quinze seize ans, désormais réduits au rang de souvenirs. Voilà l’amie, l’ami, à qui l’on tenait tant, partie, parce que trop grande ou trop frêle pour ce monde. La voilà évaporée dans une « chute », que personne n’a vu venir.

Les poèmes d’Isabelle Alentour, pour avoir longuement mûri dans l’âme qui n’est pas un étouffoir mais une réserve de poèmes attentifs, disent avec acuité, tendresse, révolte aussi ces longues heures de beauté et de tristesse qu’une « hirondelle », au beau prénom de Frédérique, a nourries de sa présence.

L’entame donne déjà le vertige :

Qui tombe dans l’ombre du matin

un corps opalescent

qui sait que rien ne dure (p.11).

Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 22 Octobre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Gallimard Jeunesse, Recensions, Jeunesse

Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, septembre 2021, 224 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Gilles Paris

 

Sur un titre puisé dans un poème du génial et jeune Rimbaud, l’écrivain campe une histoire dont les divers narrateurs sont des jeunes lycéens de quinze et seize ans, en quête d’eux-mêmes, des autres, des joies et des désirs d’adolescents. En quête d’amitié, d’amour, de sexe, s’essayant à la fête, à la drogue, à l’alcool, comme nombre de jeunes.

Voici donc Iris, Emma, Sarah, Chloé. Voici Léon, le disgracieux, Tom, à la mèche insolente, Aaron, Solal, Timothée, Léon, et d’autres. Les jumeaux Emma et Tom, de parents cossus, traversent cette histoire multiple, qui voit s’accumuler les rencontres, les coups bas, les fêtes, les trahisons. Iris s’est pendue, et toutes et tous s’en souviennent, parce qu’ils ont été les uns et les autres responsables de son geste pour l’avoir harcelée, souillée au lycée, l’année précédente. Depuis l’affaire Iris, tout est différent et à la fois pareil. Les séductions, les rencontres, les couples qui se forment, les réseaux qui guettent et visent leurs proies.

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Octobre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, USA, Gallimard

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück, mars 2021, trad. américain, Romain Benini, édition bilingue, 160 pages, 17 € Edition: Gallimard

 

Alternant les poèmes plus longs et les textes plus brefs, la poète américaine, lauréate du dernier Nobel de Littérature (2020), nous oriente vers une poésie qui camoufle l’autobiographie sous des dehors étranges, des récits qui ont l’apparence de l’invention et des souvenirs qui sentent le vécu. Le mélange, réaliste et fantastique, entre passé et rêve, retient toute l’attention. On y perçoit la sève de qui veut se plonger dans le passé et la volonté de sertir le tout des outils de la création et du regard en surplomb. Le titre du volume, qui fait tantôt intervenir un garçon, tantôt une fille, dont chacun a un frère ou une sœur, provient d’un titre lu par un enfant le soir.

À ce propos, que d’images de nuit traversent ce livre, plein d’inquiétude et de foi en un passé où s’agrègent les parents, les frère et sœur, une tante. On sent bien sûr le désir ici de faire de la poésie un tremplin spirituel vers des strates peu explorées ; en quoi la séance d’analyse éclaire vraisemblablement un travail sur ces matières essentielles pour l’auteure.

Les nuits donc sont fécondes et engendrent ce qu’elles enregistrent de plus nu, de plus vrai, qui sourd de l’existence.

Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 06 Octobre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Jacques Flament Editions

Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde, mai 2021, 222 pages, 16 € Edition: Jacques Flament Editions

 

Quand la maladie traverse le parcours familial et professionnel d’un cancérologue connu et reconnu, c’est la descente infernale. Il faut apprivoiser ce cancer logé dans le corps, il faut se donner les défenses, et alors, dans cette lutte inégale, les réserves cèdent, les recours s’amenuisent. Viennent les traitements lourds, douloureux. Hormonothérapie, radiothérapie, etc. On les a tant recommandés aux patients, mais ici le cancérologue est devenu le patient. Il faut tout revoir avec d’autres yeux, sentir autrement.

Le pouvoir de ce livre qui scrute et décèle la maladie avec le tact et la précision entomologique est de redonner confiance, en dépit de tout, de la peur de mourir, de celle de voir sa vie amoindrie, celle aussi de ne plus avoir de repère visible, tant les craintes sont venues interrompre le cours vital.

Tenir carnet de sa maladie, c’est pourtant une manière d’éradiquer la peur foncière, c’est aussi faire fi du cancer pour noter au jour le jour les progrès.