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Le piéton de Naples, Dominique Fernandez (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 20 Avril 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Voyages, Philippe Rey

Le piéton de Naples, octobre 2021, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Dominique Fernandez Edition: Philippe Rey

 

Pour son cent unième ouvrage, Fernandez, italianiste invétéré, spécialiste de Pavese, Pasolini, traducteur de l’italien, professeur, romancier, essayiste, a voulu donner de Naples, une vision multiforme et complexe. Cette ville, que nous connaissons surtout par les ouvrages érudits de Schifano, mérite, en effet, tous les détours.

Tout ici attire l’œil du voyageur, du touriste, du simple amateur : la baie, l’ordonnance de la ville, les églises nombreuses, les hauteurs, Spaccanapoli, l’histoire politique d’une ville souvent conquise par l’étranger et toutes les traces laissées des passages.

Sait-on que « la napolitude est quelque chose de si particulier, de si fragile, de si précieux, qu’elle se dissout, s’évapore au contact d’un milieu qui n’est pas le sien » ? Ainsi, « la spécificité napolitaine », chaque Napolitain l’a dans la peau, par son histoire, par ses coutumes, par sa langue. A l’étranger, il se sent perdu, oublié, ignoré.

Cette lumière dans cette obscurité, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Avril 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Al Manar, Recensions, Poésie

Cette lumière dans cette obscurité, janvier 2022, 80 pages, 18 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Al Manar

 

Le poète Moses, de temps à autre, s’adonne à la prose. Cela nous a valu, il y a quelque temps, un remarquable roman, Monsieur Néant, tout empreint d’une lumière pragoise. Le voici avec un récit, où la lumière, dès le titre, est aussi importante que l’intrigue narrée. Elle est à la fois précepte esthétique, outil d’éclaircissement, référence artistique. L’œuvre naît-elle de la lumière ?

Ce récit commence à Düsseldorf. L’antihéros de ce récit, un metteur en scène de théâtre, est là pour y représenter une pièce, inspirée de Schubert. Mais rien ne va comme prévu. C’est une cuisante expérience, et compréhensible de son point de vue de dramaturge, puisqu’il a concentré toute son attention avec un mauvais éclairage. Il eût dû éviter de mettre en scène en utilisant les ressources d’un Mozart. Non, il fallait Schubert, uniquement lui. L’erreur le plonge dans « cette obscurité » où tous les talents un beau jour s’empêtrent : dans les remugles des contradictions et des doutes.

Le Soldat indien, René de Ceccatty (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 07 Avril 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Le Soldat indien, éd. du Canoë, février 2022, 168 pages, 15 € . Ecrivain(s): René de Ceccatty

Romancier, critique, essayiste, biographe, René de Ceccatty a fait de sa vie un vivier littéraire. Il a passé au crible nombre d’œuvres du monde italien, de l’univers japonais. Il a tracé de grands noms (Pasolini, Morante, Moravia), la biographie, et a traduit sans cesse les œuvres de ces deux langues. Sa volonté de s’inscrire comme un écrivain de la mémoire littéraire l’a amené assez logiquement à s’intéresser à sa propre famille et à remonter le temps, avec la même rigueur, le même désir d’offrir au lecteur le fruit de ses recherches. Ainsi est né, il y a quelques années, Enfance, dernier chapitre, prospection intime dans les années de ses parents, de son enfance.

Aujourd’hui, c’est le même souci qui l’attise : évoquer dans un livre un ancêtre, un grenadier des Indes, issu du régiment de Lorraine, Léopold de Ceccatty, qui a passé quatorze années là-bas, avec sa famille, puis est rentré en France, dans le Jura. Maîtrisant les sources qui, peu nombreuses, ont évoqué ces guerres coloniales du XVIIIe, auxquelles son ancêtre a participé, l’écrivain s’associe directement, en entrelardant son récit d’un autre récit, celui qu’il fit sur les terres de son enfance en Tunisie, son quatrième voyage là-bas, sur les traces de ses ancêtres tunisiens, en quête de la villa où il vécut avec ses parents et son frère Jean, aujourd’hui rasée, en quête aussi de tombes, celle du grand-père Hamida, dans un cimetière profané, caché derrière des parpaings.

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 01 Avril 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Rivages poche, Italie, Poésie

Pourquoi aurais-je survécu ?, Edith Bruck, janvier 2022, trad. italien, René de Ceccatty, 128 pages, 8,50 € Edition: Rivages poche

 

En cette année de 77ème commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, plusieurs publications permettent d’évaluer la tragédie : Auschwitz, ville tranquille, de Primo Levi, Le Pain perdu, d’Edith Bruck, et ses propres poèmes sur le camp d’extermination et ce qui a suivi.

Agée de 91 ans, Edith Bruck vit toujours et voit rassemblés ses poèmes de diverses époques.

La question du titre, incisive, quand on a perdu la moitié de sa famille dans les camps, trouve plusieurs réponses : la vie miraculeuse après les pertes, la volonté de témoigner en dépit de tout, la survie en poèmes et en actes, etc.

La poète, à côté de nombreux récits et témoignages, veut ici inscrire en poèmes forts, incisifs et brûlants, sa vision, par l’adulte, par la petite fille qui a vécu cela, par la force d’une mémoire intacte et intègre pour rameuter tout : les visages de ses proches, la dureté des temps, la mère, Dieu, le complice que fut son mari Nelo, lui aussi disparu.

Rue des fleurs, Jean-Michel Maulpoix (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 24 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Mercure de France, Poésie

Rue des fleurs, Jean-Michel Maulpoix, Mercure de France, février 2022, 88 pages, 10,50 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Maulpoix Edition: Mercure de France

 

Près de cinquante livres : vingt-cinq livres de poésie et presque autant d’essais ; sur le lyrisme, sur « les mots de la poésie », sur Verlaine.

Le poète est aussi professeur d’université, spécialiste du lyrisme et grand connaisseur des poètes contemporains de premier ordre.

Je retrouve dans ce beau livre de poèmes, les grandes qualité de regard et de scansion qui m’avaient déjà tant frappé dans Le Voyageur à son retour, ou L’Hirondelle rouge.

L’écriture instille une mélancolie douce et prenante à l’égard du réel frôlé, ressuscité, au fil des saisons, au gré des images de rues ou de banlieue « pauvre ». Tout en s’interrogeant sur son art, sur cette « fonction » du poète dans un monde devenu sans regard, Maulpoix déploie, en de brefs poèmes – il affectionne le douzain –, une vision d’un monde perdu, qu’il faut sauvegarder de l’oubli.