Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde (par Philippe Leuckx)
Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde, mai 2021, 222 pages, 16 €
Edition: Jacques Flament Editions
Quand la maladie traverse le parcours familial et professionnel d’un cancérologue connu et reconnu, c’est la descente infernale. Il faut apprivoiser ce cancer logé dans le corps, il faut se donner les défenses, et alors, dans cette lutte inégale, les réserves cèdent, les recours s’amenuisent. Viennent les traitements lourds, douloureux. Hormonothérapie, radiothérapie, etc. On les a tant recommandés aux patients, mais ici le cancérologue est devenu le patient. Il faut tout revoir avec d’autres yeux, sentir autrement.
Le pouvoir de ce livre qui scrute et décèle la maladie avec le tact et la précision entomologique est de redonner confiance, en dépit de tout, de la peur de mourir, de celle de voir sa vie amoindrie, celle aussi de ne plus avoir de repère visible, tant les craintes sont venues interrompre le cours vital.
Tenir carnet de sa maladie, c’est pourtant une manière d’éradiquer la peur foncière, c’est aussi faire fi du cancer pour noter au jour le jour les progrès.
Ce « journal » relate aussi d’autres faits, collatéraux. Au moment de ses traitements, le patient est toujours cancérologue et travaille. Se trament alors des cabales qui visent à lui enlever ses tâches au sein de la Direction. Même de fidèles collaborateurs ont signé cette trahison. Heureusement, le Ministère le reconduit un an au-delà de l’âge légal de retraite. Mais le mal a été fait : il sentait obscurément qu’on le fragilisait, qu’on évoquait son état de santé, qu’on médisait à son propos.
La lourdeur des traitements et les sombres agissements de certains n’étaient pas faits pour alléger ce parcours déjà abrupt. Conséquences : des insomnies, des éveils hâtifs, la « perte » sensible des rêves qui meublaient ses nuits. On sent là, dans ces pages, tout le tribut payé à la maladie, aux angoisses induites, à l’entourage médical désormais suspecté.
Burgonde tient là l’expérience la plus douloureuse ; il a été trahi au moment même où il pouvait renaître de ses cendres, tel le phénix. Sans compter la perte des hormones mâles, sujet délicat s’il en est, et seule issue toutefois à sa guérison.
Burgonde ne va pas, au-delà de ses traitements, arrêter son métier. Il le poursuit durant de longues années encore, sous différentes formes (consultant).
Lazare, sorti de sa tombe et de son trépas, est là. La résurrection a eu lieu. Durant quinze ans, le manuscrit de Lazare reste introuvable. Et puis, voilà, assorti de plusieurs épilogues et d’une très belle lettre de Françoise Lefèvre, la compagne de toujours, le livre enfin sorti. C’est certes un document, à valeur scientifique, c’est surtout le fruit d’une expérience intime qui peut servir à d’autres.
Le résultat littéraire, avec ses précisions et ses émotions, est à la hauteur du vécu. Le livre ne s’adressera pas seulement aux patients mais à toute personne convaincue que la médecine peut faire des miracles.
Philippe Leuckx
Julien Burgonde, pseudonyme du cancérologue Jean-Claude Horiot, est l’auteur de plusieurs ouvrages : Icare et la flûte enchantée (2003), La nostalgie du fossoyeur (2006), et Le retour de Phidias (2021).
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