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Articles taggés avec: Ferron-Veillard Sandrine

La femme-Maytio, Béatrice Castaner (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 12 Février 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La femme-Maytio, Béatrice Castaner, Serge Safran Ed., JANVIER 2020, 160 pages

 

Lire « La Femme-Maÿtio », c’est reculer, avancer, se placer trente-mille ans avant le temps présent (A.P : avant le temps présent, unité de temps utilisée en archéologie pour désigner les âges exprimés en nombre d’années passées, avant l’année de référence 1950). Leurs plaies, leurs peurs, leurs souffrances à l’échelle d’une seconde. Nos Ancêtres Néandertaliens avaient un animal totem, en eux le monde complet, et réciproquement.

« Ils ne se rappellent déjà plus qui était cette jeune femme qu’ils ont violée tour à tour, pourquoi l’ont-ils épargnée après avoir fendu la chair de tous les autres hommes, femmes, enfants, nouveau-nés de son clan. Pourquoi, ne laissant derrière eux qu’un entrelacs d’une vingtaine de corps éventrés, les cœurs sortis des poitrines et rassemblés en un monticule sanguinolent devant l’abri sous roche où le clan dormait, l’ont-ils emmenée trois jours avec eux pour en faire leur esclave. (…) faire disparaître de la surface de la terre ces Autres humains qui n’étaient pas comme eux. Lorsque l’abri n’a plus été qu’un charnier, ils ont fendu le crâne des derniers nés et ont mangé leur cervelle, crue. »

Rhapsodie des oubliés, Sofia Aouine (Par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 09 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Martinière

Rhapsodie des oubliés, Sofia Aouine, août 2019, 201 pages, 18 € Edition: La Martinière

 

« Je te dirai juste que je suis un esquiveur : je fais croire que je sais rien, comme ça ceux qui savent, savent que je sais. T’as pas compris, c’est pas grave, tu pigeras plus tard ».

Tu vas piger très vite. S’accrocher à la paroi ou disparaître, il n’y a que ça à faire pour vivre. Tu le sais. Passer d’une vie à une autre ? Le ton, la langue et toutes les musiques des langues sont des portes-cloisons. Alors tu lis pour passer au travers.

« Un écrivain est né », écrit François Busnel au sujet de Sofia Aouine.

Sofia l’écrivain, Abad le narrateur. Soit. Abad a treize ans, treize ans de peau, treize ans de battements, le flux sous la peau et autant entre les lignes. Des mots, des tas de mots qui t’explosent dans la bouche parce que tu lis à voix haute tellement c’est vivant. Bagnette, pignole, daron, grailler, khlasser, gow, pilon, les timpes et les Batmans. Entre autres. Des références, tu en trouveras, des clins d’œil adressés aux plus grands du cinéma ou de la littérature. Des bandes-son comme autant de djinns penchés sur ce premier roman réussi. Régale-toi.

A la recherche de Marie J., Michèle Sarde (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 12 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Julliard

A la recherche de Marie J., octobre 2019, 368 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michèle Sarde Edition: Julliard

 

« Les noms des personnages vivants ont été remplacés par des initiales et leurs prénoms ont été changés. Le moins possible ».

Ne cherchez pas non plus dans les remerciements, les prénoms du livre. Entre autres, Yolène, Elena, Rodriguo. Il n’y a aucune initiale.

Seule est, Marie J.

Certains liens sont indéfectibles, au-delà des identités.

Ce serait par exemple une ressemblance troublante entre elle, l’auteure dont le prénom n’est pas Michèle, et sa grand-mère. Marie J. Troublante au point de « passer sa vie à » rechercher derrière les traits d’un être vivant, le visage d’un autre. Décédé en 1944.

L’ami, Sigrid Nunez (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 21 Octobre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Stock

L’ami, Sigrid Nunez, août 2019, 269 pages, 20,90 € Edition: Stock

 

Que sont les premières secondes d’une lecture ?

À l’instar des premières images que provoque une rencontre. Rejet ou attirance. L’émotion immédiate dans les yeux, dans la gorge, dans le ventre. Une accroche indéniable. Une couleur, une voix surtout. Un « bon » livre dès la première seconde, non pas par ce qu’il prétend être mais par ce qu’il provoque d’emblée.

« Une bonne phrase commence par une pulsation ».

Ce livre est une leçon d’écriture, au sens propre comme au sens figuré (et sans mise en abîme !). De l’humour, du ton et une absence de larmoiements. Taillée dans le bloc, une architecture millimétrée, une architecture qui tient parce qu’elle a une portée, un horizon à magnifier. Un plan de coupe en douze parties. Douze. Le genre de livre à conserver dans une bibliothèque pour y revenir, pour la colométrie d’un ensemble lorsque les livres se tiennent les uns contre les autres, la tranche offerte. Voilà tout est dit ! Fin de la chronique !

Les Mangeurs d’argile, Peter Farris (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 11 Octobre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallmeister

Les Mangeurs d’argile, Peter Farris, août 2019, trad. anglais (USA) Anatole Pons, 327 pages, 23 € Edition: Gallmeister

 

Gabriel Tallent, dans son roman My absolute darling (Gallmeister, 2018), écrivait ce genre de phrase qui te laisse gamberger longtemps, qui te hante encore : « Peut-être que toute chose est en quête de ses limites et fuit son centre pour mourir ainsi ». Il est peut-être là le fil rouge du livre. Son concept. Comme si toute ta vie n’était motivée que par deux mouvements, aller vers et éviter. Ça va vite. À peine ouvert, les lignes filent, les nuages noirs sur les crêtes du domaine de Richie Pelham, propriétaire terrien et armurier. Les silhouettes. « L’homme filiforme » Billy, l’oncle Carroll, la belle-mère Grace, la demi-sœur Abbie Lee.

Jesse Pelham a quatorze ans et n’a plus que son père pour parent. La chasse, le pick-up, le quad, le fusil. Vingt pages lues et déjà le corps qui tombe, le coup de fusil ou le craquement d’un des barreaux de l’échelle. Le martèlement du corps au sol. Le bruit que font les os brisés sur la terre. Le son de la carabine. Les gueules suspectes. La moindre sonorité est ici meurtrière. Tout n’est affaire que de rythme en écriture, n’est-ce pas, c’est une marche au pas de course, une écriture menée au même rythme, un exercice du corps. Cinq chapitres – Combustion, Extraction, Propulsion, Accélération, Six semaines plus tard – pour battre le tempo. Les romans américains ont de l’amplitude, ils ont leur chambre d’échos en France. Et tu en redemandes. Tant mieux.