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Articles taggés avec: Ferron-Veillard Sandrine

Deauville, Pierre de Régnier

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 17 Août 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Voyages

Deauville, La Thébaïde, mai 2016, 85 pages, 10 € . Ecrivain(s): Pierre de Régnier

 

A-t-on déjà lu un article de quatre-vingt cinq pages ?

Un guide à l’usage des hôtes lointains de Deauville. On y trouvera de l’humour, de l’enthousiasme, de la désinvolture, de l’élégance et de bien jolies manières. Un ton assurément. Un verbe affûté.

L’auteur est un œil. Un habitué des villégiatures d’été, d’hiver et de toute nature dont il a fait ici son théâtre.

Et puis il y a le jeu d’ombres, derrière.

Une ombrelle et un parfum. Deauville hier, avant 1914, après la guerre, Deauville avant. Agaçante et fascinante. Le ton n’est pas seulement perçant, il est étonnamment intemporel. Ou prémonitoire. S’y produisent des modes, les mêmes, des illustres aux illusionnistes dont l’art consiste à mettre en scène son droit profil et ses plus nobles rivalités.

Voulez-vous partager ma maison ?, Janine Boissard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 08 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Fayard

Voulez-vous partager ma maison ?, mars 2016, 304 pages, 20 € . Ecrivain(s): Janine Boissard Edition: Fayard

 

Vous entrez doucement dans ce livre comme dans un jardin, en trois parties, ce livre est un jardin. L’auteur s’adresse à vous « directement » et la narratrice, Line, vous invite chez elle. Une voix off et la voix d’une femme entrée en cinquantaine. L’atmosphère est agréable, a priori, l’émotion est tangible. Oui c’est un peu ça, un livre confortable qui vous prend par la main et vous dit : regarde.

La narratrice enfant et son père, et son père au-dessus d’elle, son père lui tenant un doigt de la main, son père derrière elle quand il faudra ôter les roulettes du vélo, ce père militaire qui lui intimera « envole-toi ». Ensuite, le mari militaire. Augustin. Le transfert est établi, le cliché est facile. Qu’importe. Vous êtes à Angers, enfin tout près, Line se tient maintenant sur le seuil de sa maison, elle est veuve.

Ses renoncements. Les parenthèses nombreuses où elle entrepose pêle-mêle ses considérations et ses tiraillements. Raconter ce que son mari était, tout ce qu’il n’était pas. Son propos, vous le jugez amusant parfois, enjoué toujours : un ton bienveillant malgré les remontées qui se veulent acides.

Une rivière, un jardin, une maison.

La maison fendue (6 & Fin), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 20 Mai 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

Un autre jour, une autre destination. Tu pars à pied jusqu’au musée d’Art contemporain, le MONA. www.mona.net.au. Des collections compulsives sur le thème de la mort. Faire la queue. Tu as fait demi-tour. Tu as commandé une tarte au chocolat et un thé, l’art sans doute du meilleur ou l’affaire d’un chef français installé, tu t’es assise dans/sur l’herbe. Tu t’es allongée. Tu t’es endormie face à la rivière, the River of Fundament.

Tu es rentrée de la même manière. Itinéraire pédestre de vingt-cinq kilomètres. Tu es incollable sur la nature de l’herbe, la posture des arbres, la position des nuages ce jour-là, le confort en externe. Tu as admiré un arc-en-ciel et tu as fait un vœu pour elle.

Jeudi. Le parc national de Freycinet. Des roches roses, du sable blanc, des surfaces teintées. Des baies prisonnières ou des miroirs trompeurs. Des arches de pierres qui invitent à la contemplation, en-dessous la mer tantôt fige, tantôt relève. Tu as payé pour être conduite à Bruny Island, le supplément placé à la fin du voyage, au bout de la Tasmanie, un appendice sur la carte. www.brunyisland.org.au. Pour y manger un bout de fromage avec jouissance, un bout de « brie » conçu par un amoureux de la France, une huître servie par un adepte des intérieurs nacrés, du saumon et des fraises d’une qualité imprenable.

La maison fendue (5), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Samedi, 14 Mai 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Nous avons tous la même couleur de sang. Même la planète a le sang rouge alors laissez-moi revivre et réveiller pour vous Utopia. Mon peuple. Les Aborigènes considèrent que le passé/le présent/le futur ne font/ne faisaient qu’un. Le Temps du Rêve. Où l’Univers à ses débuts tenait au creux de notre/Sa main. Le passé/le présent/le futur formait une seule cellule. Laissez-moi vous rappeler qu’il faudra rendre la Terre à Son propriétaire aussi propre que si nous devions restituer un lieu que nous aurions loué. Laissez-moi vous guider et je vous livrerai quelques-uns de nos secrets, ils sont des contes, ces temps où les arcs-en-ciel servaient de ponts au Créateur pour nous apporter des messages de paix.

Elle te raconte son village de Doo Town et doucement, elle sourit. Les arbres qui se tournent, qui dansent et se penchent pour toucher la lumière, ils frémissent lorsque nous les touchons. Les animaux qui pleurent, meurent à jamais exploités comme sont exploitées les mines jusqu’à épuisement. Les montagnes qui s’effondrent. Le monde en gros, les animaux en vrac.

Le Grand Marin, Catherine Poulain

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 06 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, Voyages

Le Grand Marin, février 2016, 372 pages, 19 € . Ecrivain(s): Catherine Poulain Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Serrer le corps du grand marin, c’est entrer de plein fouet dans les entrailles du livre, adapter son langage et ses odeurs, sombrer avec lui, le soir, la nuit, glisser sur le port et repeindre la ville en rouge. Ivre et hagard au matin, l’alcool dans le sang, à terre, les grands marins tanguent. Ils n’ont pas le pied, ils n’ont plus le sens. Ils flottent et se décharnent. Lili, elle, elle veut être avec eux, s’écorcher la face, elle veut du ressac, elle veut du vent, le sel pour ronger son visage, la mer pour réparer son corps. Elle veut un bateau. Etre adoptée. Pénétrer la chair d’un bateau pour l’habiter tout entier, au bout du monde, voire y disparaître.

Lire ce livre, c’est se tenir avec son propre corps au bastingage comme aux comptoirs des bars, vivre les gueulantes des hommes et des vagues, là sur le pont à ne pas savoir comment s’y prendre. Etre un Homme et s’y tenir. Porter, tendre, attendre son tour par terre et ne plus savoir dormir que par chapitres.