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Articles taggés avec: Ferron-Veillard Sandrine

Minuit, Montmartre, Julien Delmaire

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 13 Octobre 2017. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Récits, Roman, Grasset

Minuit, Montmartre, août 2017, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Julien Delmaire Edition: Grasset

 

L’homme est peintre. Le chevalet posté Place du Tertre à l’abri du vent. Sans doute. Il aime grimper la rue Lepic depuis la Place Blanche, traverser les étals généreux de ses maraîchers, ces commerces onéreux qui l’émoustillent. Ainsi enlacé jusqu’au Moulin de la Galette, il aime remonter le cours de l’histoire, Le Temps Libre y courtise l’épicerie du terroir, Les Petits Mitrons pétrissent, ça sent le beurre chaud et le biscuit au chocolat d’un bout à l’autre du jour. La bouche ouverte et pleine, il goûte, il salive, il chantonne. Peut-être. Ici les moulins sont rouges, ils ont des ailes, ils ne broient pas que du noir ou des pigments. Ici les objets parlent et les filles sont belles, on s’y soigne toujours d’une façon ou d’une autre, on y parle aussi des choses de la vie.

La brume, le sel et la mer. Le poissonnier au coin. Le fleuriste sur le trottoir disperse ses pots, le vendeur de journaux étend ses augures. Les bruits du percolateur d’à côté, les tasses et les cuillères qui s’entrechoquent, elles grincent comme des cordages à quai et tout ça forme un joli remous sur des zincs non moins fameux. Il s’arrête au café des Deux Moulins, il s’arrête au Lux, il s’arrête là où chacun organise son petit commerce pour le plaisir d’une seule journée.

A propos de La Méduse, Chronique d’un naufrage annoncé, Olivier Merle, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 21 Septembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, La rentrée littéraire

La Méduse, Chronique d’un naufrage annoncé, Olivier Merle, éd. de Fallois, septembre 2017, 380 pages, 22 €

 

« Déjà, La Méduse franchissait la rade de l’île d’Aix et s’orientait vers la haute mer. Dans son sillage, les trois autres navires de l’expédition suivaient. La corvette L’Écho, commandée par le capitaine François-Marie Cornette de Vénancourt (…), talonnait La Méduse. Un peu en arrière se trouvait le brick L’Argus dirigé par le lieutenant de vaisseau Léon Henry de Parnajon. Enfin, conduite par le lieutenant de vaisseau Auguste Marie Gicquel des Touches, la flûte La Loire, très mauvaise voilière et déjà à la traîne, tentait lourdement de ne pas se faire distancer. Debout sur le gaillard d’arrière, le capitaine Hugues Duroy de Chaumareys regardait les trois autres navires que La Méduse devançait. « C’est moi le chef de cette escadre, se répétait-il, et son cœur se gonflait de vanité ».

Très tôt, trop tôt, La Méduse se sépare, prend de la distance, se désolidarise. Hisse les voiles pour s’éloigner. Sa figure de proue a toujours eu cette triste figure, une mauvaise tête selon les dires de certains matelots.

Faubourg des minuscules, Édouard Bernadac

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, Héloïse D'Ormesson

Faubourg des minuscules, mai 2017, 199 pages, 17 € . Ecrivain(s): Édouard Bernadac Edition: Héloïse D'Ormesson

 

« Puis, il y eut un été où les étoiles se mirent à briller en plein jour. Des étoiles à bicyclette, des étoiles à pied, des étoiles dans les bus, dans les cafés et les magasins, des étoiles partout dans les rues inondées de soleil. Et quand Paris se mit à regorger d’étoiles filantes, on les rassembla. Des trains d’étoiles partirent se consumer très loin, à l’abri des regards, au fond de forêts obscures. Il n’y eut plus d’étoiles à midi ».

La voix qui écrirait ceci serait celle d’un enfant qui regarderait ses futurs parents grandir. Il verrait le monde par en-dessous, en images, le monde dans un cadre. Au niveau des jambes des femmes qui peignaient en 1944 leurs mollets, couleur caramel, une ligne noire tracée entre les muscles jumeaux. Pour imiter la vie d’avant, la vie encore et ses occurrences. Paris en été, Paris « sous cloche », page 13, faubourg Saint-Antoine, le faubourg des artisans où les pliures des mains sont concrètes, là précisément où de rares Parisiens viennent déposer leurs meubles brisés. Et d’autres, des meubles saisis, à vendre.

Marie Malcaras est belle, insolente, méfiante, elle est pressée. Une chaise à réparer.

Fausses fenêtres, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 17 Août 2017. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

Ton horizon de travail est une fenêtre fermée. Un chien-assis. Donnant sur le mur fraîchement repeint du bâtiment en face, le bâtiment B. Un mur en angle. Devant, deux aérations en forme de croix de Saint-André. Entre, quatre lucarnes. Positionnée sur la gauche du cadre, le cadre étant la fenêtre, ce carré presque parfait donnant sur le mur blanc du bâtiment B.

Sur la droite, deux fenêtres. Vue sur la cage d’escalier et sa rambarde. Il pleut aujourd’hui. Des câbles partent desdites fenêtres, ils remontent le long de la gouttière, peinte en blanc. Alignement parfait. Pas de lumières allumées. Il est trop tôt pour un dimanche matin. Jadis il y avait des fleurs, accrochées sur les rebords des appartements. Des garde-corps peints en noir. Pas de signes de vie, aucun détail ne révèle une quelconque attache au lieu. Ou son amour.

Tu écris devant un mur de briques blanches.

Les mains du miracle, Joseph Kessel

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 30 Mai 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Les mains du miracle, 402 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Joseph Kessel Edition: Folio (Gallimard)

 

Il est urgent que nous vous parlions d’un livre. Pas d’un livre sorti fraîchement des entrailles d’un auteur ou des couloirs d’une célèbre maison d’édition mais de notre mémoire, cette mémoire collective qui lentement se dépose, se décante. Le corps reposé. Le corps du livre. Interrogez votre libraire, votre kinésithérapeute et suivez le fil. Les mains du corps. La mémoire tapie, les braises encore fumantes, la douleur là tapie au creux du ventre, le ventre qui tord, qui broie, entaille jusqu’à la tête. Le corps de ceux qui dirigent notre monde.

La quatrième de couverture vous dirait ceci, les quelques phrases au dos du livre qui accrochent ou vous repoussent comme par exemple : « A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Félix Kersten est spécialisé dans les massages thérapeutiques. Parmi sa clientèle huppée figurent les grands d’Europe. Pris entre les principes qui constituent les fondements de sa profession et ses convictions, le docteur Kersten consent à examiner Himmler, le puissant chef de la Gestapo. Affligé d’intolérables douleurs d’estomac, celui-ci est bientôt son médecin personnel. C’est le début d’une étonnante lutte, Félix Kersten utilisant la confiance du fanatique bourreau pour arracher des milliers de victimes à l’enfer ».