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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Nouvelle jeunesse, Nicolas Idier

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 26 Août 2016. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Nouvelle jeunesse, août 2016, 368 pages, 20 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Gallimard

 

« Le calme est revenu. Tu ne sais pas où tu te trouves. Derrière ton grand front dégagé qui déjà a pris la couleur de marbre, de petites rivières de sang débordent de leurs lits habituels. Le vacarme des sirènes de police est remplacé par un vent, un vent très frais qui te soulage enfin de cette température de fournaise. Des vers de Haizi montent depuis le sol, comme la mauvaise herbe qui perce le bitume.

Le vent, si beau / Vent léger, si léger et si beau / Mère nourricière du monde naturel, si belle / L’eau, si belle / L’eau… / Seul au monde, et toi / Comme il est bon de parler ».

La Chine nouvelle, celle du marché de l’art, du rock and roll, des éclats et des clameurs, celle de la présence de Mao et de la Révolution Culturelle, celle de la poésie vivante et vivifiante, attendait son roman, le voici. Nouvelle jeunesse est le roman de cette ardente jeunesse chinoise, de nouveaux rêves de lettres et de notes. Le roman de deux phares qui vont se télescoper de front, deux enfances qui vont fatalement se retrouver, dans la tôle froissée et le sang répandu. Feng Lei, le poète, l’albatros accordé aux dissonances électriques des guitares saturées, et Zhang Xiaopo, chauffeur de taxi clandestin et sosie du Grand Timonier qui se rêvait comédien, et qui l’a vaguement été. Deux étoiles se croisent et se percutent.

Daech, le cinéma et la mort, Jean-Louis Comolli

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Essais, Verdier

Daech, le cinéma et la mort, août 2016, 128 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Comolli Edition: Verdier

« On peut imaginer que les décapitations filmées à Mossoul ont pu être vues moins de deux heures plus tard à Londres ou à Pékin. Par cette seule synchronisation, Daech apparaît comme maître du temps, régleur de calendrier. C’est l’une des raisons qui font que ces clips, brefs, ne soient pas montés, ou alors si peu : deux ou trois plans mis bout à bout. Retour de l’immémorial fantasme de l’image immédiate, image divine, apparition ».

Daech, le cinéma et la mort, condense dans son titre ce qui est en jeu dans la propagande maléfique filmée par les terroristes. Il s’agit de mettre la mort réelle en scène, de la rendre visible dans le monde entier et sur l’instant. Jean-Louis Comolli en cinéaste-penseur aiguisé, et en penseur-cinéaste affuté, met avec justesse ce projet funeste en lumière. Le support numérique qui a déjà enterré la pellicule cinématographique en finit là avec la mort jouée et toujours recommencée – le merveilleux clap, son silence et moteur, ça tourne –, qui n’a cessé d’habiter le cinématographe depuis les premiers films des frères Lumière. Les cinéastes artistes ont toujours pris leur distance avec la mort – Ford, Hitchcock, Bergman, Fuller (The Big Red One filme l’horreur des camps sans la montrer), Tourneur –, jeu de cache-cache scénarisé et cadré, mis en scène, il faut savoir la cacher, jouer sur ses fugaces apparitions et ses disparitions, dans tous les cas, préférer l’imaginaire à sa représentation.

Les Cahiers de Tinbad, Littérature/Art, N°1 et 2 - entretien avec Guillaume Basquin

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 01 Juillet 2016. , dans La Une CED, Entretiens, Les Dossiers

 

Jacques Henric entre image et texte (Tinbad, 2015) ; (L)ivre de papier (Tinbad, 2016), Guillaume Basquin

 

Une revue, une maison d’édition, un éditeur et un auteur, Guillaume Basquin est un nom avec lequel il faut désormais compter. Point de crainte, il affiche haut et fort ses passions littéraires et artistiques sous la protection de Lautréamont, Jacques Vaché, Jacques Henric, Thomas Bernhard, Philippe Sollers – l’ombre rassurante de Tel Quel et de L’Infini plane sur la nouvelle revue – Jean-Luc Godard, Debord, et Ornette Coleman. Il a du souffle, sa revue et ses derniers opus le prouvent, nous nous en sommes saisis, et l’auteur s’est plié avec une grande attention au jeu de cette correspondance littéraire et électronique.

Tout a une fin, Drieu, Gérard Guégan (Critique 2)

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 20 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Tout a une fin, Drieu, mai 2016, 131 pages, 10 € . Ecrivain(s): Gérard Guégan Edition: Gallimard

 

« Rappelle-toi avant-hier. Rappelle-toi ta rencontre dans le parc Monceau avec ce journaliste de Je suis partout passé à la Résistance du jour où les chars de Leclerc ont franchi la porte d’Orléans.

Tu as pourtant cru que ça y était

Le regard qu’il ta jeté valait une salve ».

Tout à une fin, Drieu est un livre qui claque comme une salve d’arme automatique, une fable qui vous saisit comme un regard d’acier, et vous fige comme un uppercut. Ce pourrait être les derniers jours de l’auteur de Gilles, de Feu Follet, mais aussi d’Une femme à sa fenêtre, ces romans d’une génération et de quelques essais pamphlétaires dont il ne reste qu’un vague souvenir. Drieu face à son double, ce narrateur, qui ne lui pardonne rien, qui le suit comme son ombre, l’interpelle, le questionne, l’invite au souvenir, à ces zones d’ombres anciennes ou plus récentes, à la guerre comme à la collaboration. Mais Drieu est autre, plus complexe, sa palette de noirs s’invite lumineusement dans ce petit livre racé qui s’ouvre sur cet homme pressé que le destin va rattraper.

76 Clochards célestes ou presque, Thomas Vinau

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 13 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Poésie, Le Castor Astral

76 Clochards célestes ou presque, mai 2016, 160 pages, 15 € . Ecrivain(s): Thomas Vinau Edition: Le Castor Astral

 

« Charles Bukowski : Le vieux Buk est né en 1920 et il était déjà vieux. Le vieux Buk est mort en 1994 flétri comme un bébé juteux. Le vieux Buk est le fils unique de l’Amérique »

« Albert Cossery : Albert Cossery pratique la paresse (tout comme Perros) comme un art martial. Celui de la contemplation séditieuse »

« Michel Simon : Accusé d’être juif pendant l’Occupation, d’être collabo à la Libération, d’être agent soviétique ensuite. Une tête à se prendre des gnons. Il est le poupon tordu qui fait tapiner la tendresse »

L’art de l’esquisse et du portrait éclate à chaque ligne des 76 Clochards célestes ou presque. Chaque mot y est pesé. Chaque miniature brossée avec finesse et justesse, les mots dévoilent, les phrases soulignent, éclairent ces croquis savants et savoureux. C’est l’art bref du regard porté sur Antoine d’Agata, Nicolas Bouvier – Il se sert de ses chaussures pour écrire. La rosée est son encre –, et Blaise Cendrars, Billie Holiday, et Georges Perros – Notes et poèmes, petites choses de rien, aiguisés et pointus, ses mots sont tout ce qui résiste au toc et à l’insignifiance (c’est aussi ce qui pourrait être écrit à propos de Thomas Vinau), ou encore Elliot Smith et Lester Young.