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Cabaret Biarritz, José C. Vales

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 11 Juillet 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Roman, Denoël

Cabaret Biarritz, mai 2017, trad. espagnol Margot Nguyen Béraud, 464 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): José C. Vales Edition: Denoël

 

« Ah, Biarritz ! Qui n’a point vécu cet âge d’or à Biarritz ne connaît ni la vie ni ses plaisirs. Telle que vous me voyez aujourd’hui, j’administre ce modeste salon de thé, ici, dans le sombre Paris, mais il fut un temps où dépendaient de moi les fastes et les splendeurs du Château basque… ou devrais-je dire… de la villa Belza », Odette (Elise Vsard, Gouvernante du Château basque, villa Belza).

Cabaret Biarritz est le roman d’un saisissement, celui d’une tragédie, la mort d’une jeune femme Aitzane Palefroi, durant l’été 1925, retrouvée noyée, nue, dans le Port des Pêcheurs de Biarritz. Un faits divers dirions-nous, un suicide pensent certains témoins, précédé de noyades (l’océan a parfois ses raisons) et suivi d’un autre suicide à l’arme à feu, cette fois lors de luxueuses fiançailles à l’hôtel du Palais. Cabaret Biarritz est un miroir, où scintillent les feux les plus troubles de la cité balnéaire basque et qu’un écrivain oublié tente d’éclairer.

Œuvres, Tome I, Tome II, Georges Perec en La Pléiade

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 20 Juin 2017. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Essais, Nouvelles, Roman

Œuvres, Tome I, Tome II, mai 2017, sous la direction de Christelle Reggiani, 2464 pages, 110 € le coffret jusqu’au 31 décembre 2017 . Ecrivain(s): Georges Perec Edition: La Pléiade Gallimard

 

« J’ai choisi pour terre natale, poursuit-il dans ce feuillet destiné au projet de Lieux, des lieux publics, des lieux communs… Le “lieu commun” sera donc l’espace de Perec. Les espaces communs deviendront son espace autobiographique ; les signes de son ancrage seront les “signes d’encrage”. Se dessinent là une éthique autant qu’une esthétique », Album Georges Perec, Claude Burgelin

Georges Perec se rappelle enfin à nous, Perec observateur, piéton, témoin d’un temps présent, amateur, joueur, verbicruciste, poète débonnaire, curieux de tout, et avant toute chose, Perec écrivain, ses romans en sont la preuve éclatante. Des Choses à l’Eternité, en passant par Je me souviens, et La vie mode d’emploi, ou encore Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, tout un monde, mille mondes frémissants et habités par la langue française, une géographie luxuriante – qui nous dit qu’il n’a pas inventé le slogan « Sous les pavés, la plage » –, un art de la composition, une passion pour l’écriture, pour une langue vive, une langue qui saute avec grâce d’un pied sur l’autre, d’une voyelle à une consonne. Pérec est un écrivain qui papillonne, qui palpite, qui folâtre, virevolte, voltige, d’une rue à l’autre, d’une porte à une fenêtre, tout est mouvement, et ses souvenirs s’y glissent comme la patte d’un chat sur une feuille de manuscrit.

Le dernier jour, Jean-Luc Outers

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 12 Juin 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Le dernier jour, mai 2017, Avant-propos de J-M.G. Le Clézio, 152 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Outers Edition: Gallimard

 

« Aux antipodes, il continuait inlassablement à nous faire part de ses éblouissements et de ses indignations qu’il publiait en forme de missives nous mettant en garde de ne pas nous endormir : la beauté et l’horreur, en effet, deux raisons majeures de rester éveillé. Même s’agissant de beauté, il lui arrivait de s’indigner : “Ce n’est pas que les gens ne remarquent pas la beauté, c’est qu’elle leur est insupportable”. Il n’en aurait jamais fini ni avec le trait de pinceau, ni avec les naufrages, ni avec la tyrannie », L’unique trait de pinceau, sur Simon Leys.

Le dernier jour est un livre hommage, un dernier hommage, un Tombeau, comme le souligne J-M.G. Le Clézio dans son avant-propos, un livre épitaphe, une oraison à la manière de Bossuet, mais aussi un exercice d’admiration complice. Le dernier jour est un roman d’amitiés, réjouissant, lumineux et gracieux. Jean-Luc Outers sait la justesse des mots et de la narration – il s’agit d’un magnifique roman composé dirait Philippe Sollers son éditeur ! – pour ne cesser de faire vivre ces écrivains et cette cinéaste disparus.

Portraits d’insectes, Jean-Henri Fabre

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 29 Mai 2017. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Arts, Le Castor Astral

Portraits d’insectes, mai 2017, Edition présentée par Philippe Galanopoulos, Dessins de Pierre Zanzucchi, 14 € . Ecrivain(s): Jean-Henri Fabre Edition: Le Castor Astral

 

« Que de fois aux dernières lueurs du soir, ne m’arrive-t-il pas de le rencontrer lorsque, faisant la chasse aux idées, j’erre au hasard dans le jardin ! Quelque chose fuit, roule en culbutes devant mes pas. Est-ce une feuille morte déplacée par le vent ? Non, c’est le mignon Crapaud que je viens de troubler dans son pèlerinage ».

Merveille des merveilles, plaisir absolu de relire ces portraits d’insectes de Jean-Henri Fabre, le poète scientifique, l’entomologiste du roman de la nature, le génie de l’observation, du détail, l’homme qui se penche dans son jardin de l’Harmas à Sérignan-du-Comtat et voit tout, tout un univers en mouvement permanent, comme sa pensée qui virevolte telle une abeille. Dans sa préface éclairante, Philippe Galanopoulos note : « Fabre conserve (au contraire) le plaisir d’écrire et fait du style une marque de distinction. Il ne se soumet pas à l’orthodoxie du siècle : jamais il n’oppose la littérature à la science ». Jean-Henri Fabre a bouleversé la science, l’observation, et son style, sa manière, cette matière vivante, a passionné ses lecteurs depuis leur première édition en 1879, les scientifiques du monde entier, les lettrés et les écrivains – Victor Hugo, Remy de Gourmont, Maurice Maeterlinck, mais aussi André Breton et Roger Caillois sans oublier le subtil Gilles Deleuze, et Edmond Rostand : « Ce grand savant pense en philosophe, voit en artiste, sent et s’exprime en poète ».

Dans son regard aux lèvres rouges, Yves Charnet

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 11 Mai 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Bateau Ivre

Dans son regard aux lèvres rouges, janvier 2017, 264 pages, 19 € . Ecrivain(s): Yves Charnet Edition: Le Bateau Ivre

 

« Vous étiez le nouvel amour. L’espace s’était de nouveau remis à trembler. Une brûlure bleue ; une lumière balbutiée. Il y avait de nouveau quelque chose dans l’air. Quelque chose d’imperceptible. Je vous avais parlé de cet air bleu sur le fond duquel se découpait, aux yeux de Frédéric, toute la personne de Madame Arnoux. Scène de l’apparition dans L’Education Sentimentale ».

Dans son regard aux lèvres rouges est justement un roman de l’apparition, roman vécu, peut-être une autofiction, sûrement une autofriction, le narrateur est l’auteur, et l’acteur de ce qui se joue là sous ses yeux, sur sa peau et donc dans sa main. Dans son regard aux lèvres rouges ne craint rien de la force de la littérature – qu’on la qualifie comme on le souhaite ! il y risque son corps, il y risque sa phrase, et son style dans ce corps à corps avec Romy B. Il dévoile, se dévoile et dévoile son amoureuse, s’avance et avance la jambe, à l’image des toreros qu’il admire – c’est ainsi qu’il se place, avançant la main et guidant la charge de la corne opposée du toro et de Romy. Il se dit, ma vie doit être libre, joyeuse, mystérieuse, évidente comme le sourire radieux de Romy, mais, car il y a un mais permanent dans ce roman, Romy hésite, ne cesse d’hésiter entre son époux et son amant de la péniche, même lorsqu’elle s’offre c’est en hésitant. Cette hésitation est l’une des tensions du roman.