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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Trois livres de L’Atelier contemporain, par Philippe Chauché

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 05 Septembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

 

Bruire, Daniel Blanchard (novembre 2017, dessins Farhad Ostovani, 72 pages, 15 €)

Dans les prairies d’asphodèles, Bruno Krebs (novembre 2017, lecture Antoine Emaz, dessins Cristine Guinamand, 96 pages, 20 €)

Pelotes, Averses, Miroir, Patricia Cartereau & Albane Gellé (mars 2018, lecture Ludovic Degroote, 168 pages, 25 €)

 

« …à mesure que baisse en moi le jour, l’arbre en moi s’éveille et mon corps déploie, comme un sommeil, l’immensité interne de l’arbre… »

« Dans la brise de mai, / avec le grand pin bleu bruire / à l’automne de la vie » (Bruire)

Seule la nuit tombe dans ses bras, Philippe Annocque

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 28 Août 2018. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Quidam Editeur

Seule la nuit tombe dans ses bras, août 2018, 152 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Annocque Edition: Quidam Editeur

 

« Le décor est un écran bleu et les corps sont à distance, le sien assis à son bureau où il est supposé écrire, celui de Coline sans doute allongé sur son lit son smartphone à la main. Est-elle de dos ? sur le ventre ? A vrai dire, il n’en sait rien, il ne la voit pas. Mais il l’imagine sur le ventre, oui. Pourquoi il n’en sait rien mais il l’imagine sur le ventre. Si ça se trouve il a tout faux ».

Seule la nuit tombe dans ses bras est un roman d’amour virtuel, une histoire sensuelle et sans suite, sexuelle, entre les lignes de Facebook, dans les tchats, SMS et mails, les terrains complices et anonymes d’Herbert et Coline. Une  histoire d’amour comme une vieille chanson de variété, avec un refrain que fredonne Herbert et que reprend parfois Coline. Une chanson qui devient un roman, un roman qui s’écrit sous nos yeux et dont l’auteur s’amuse. Seule la nuit tombe dans ses bras se nourrit de courts échanges clandestins sur le net, comme au tennis, les deux amoureux virtuels montent au filet, frappent la balle, les phrases volent, cinglent, s’élèvent, rasent les lignes blanches, rebondissent, des phrases ornées de sourires préfabriqués par le net, ces petits icones qui s’offrent d’un clic, et de photos postées, et puis elle a retiré le haut, comme une signature, et qui font virevolter la fiction.

Capitaine, Adrien Bosc

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 22 Août 2018. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Stock

Capitaine, août 2018, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Adrien Bosc Edition: Stock

 

« Combien étaient-ils sur ce rafiot ? Trois cents, quatre cents peut-être, autant d’anonymes, une maille indémêlable de récits distincts, contradictoires, la concentration d’une société perdue, en réduction, mouvante… la catastrophe et l’inhérent combat des probabilités regroupés sur le pont d’un bateau ».

Alors que l’on se bat, que l’on fuit, que l’on souffre, que l’on se cache, alors que le temps paraît figé, que l’horreur se conjugue au présent, que l’on dénonce et que l’on résiste, des hommes, des femmes et quelques enfants attendent de pouvoir quitter Marseille pour embarquer sur le Capitaine-Paul-Lemerle. Au cœur de cette concentration d’une société perdue, des Espagnols qui ont perdu la guerre, des Juifs chassés d’Europe, des relégués, des réprouvés par les serviteurs zélés de Vichy, des artistes, des écrivains, et des révolutionnaires en exil permanent. Ils sont là sur le pont du Capitaine, certains s’y font prendre en photo, une première et peut-être une dernière fois : Victor Serge, Anna Seghers, Germaine Krull, André, Jacqueline et Aube Breton, Wifredo Lam, Alfred Kantorowicz, Claude Lévi-Strauss, Jacques Rémy.

François, portrait d’un absent, Michaël Ferrier

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 21 Août 2018. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

François, portrait d’un absent, août 2018, 256 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michaël Ferrier Edition: Gallimard

 

« Ça arrive comme une vague.

Cette nuit-là, j’ai compris ce qu’était une voix blanche. La voix de Jérôme était blanche.

Maintenant, les souvenirs affluent. Ça arrive comme une vague ».

C’est une vague qui emporte François et sa fille Bahia, ce jeudi 26 décembre d’une année qui n’existe plus, sur une plage de l’île de La Graciosa aux Canaries. Une vague venue de loin, invisible, va harponner François et sa fille, une vague silencieuse qui donne le jour à un livre inspiré et profond. François, portrait d’un absent oscille entre le roman et le récit, dans le battement au cœur du souvenir, des souvenirs partagés. Des souvenirs comme des apparitions, qui se glissent avec grâce dans le livre, avec cet art unique de faire apparaître les disparus, de consacrer une présence, de rendre à la vie ceux qui s’en sont absentés. François, portrait d’un absent comme une vague fait surgir le passé commun des deux amis, leurs quatre cents coups, les années lycée, leur densité poétique, les années où se mêlent musiques et ivresses, un œil sur Monk, et une oreille à l’écoute de Leonhardt, des musiciens poètes, l’un danse, l’autre s’envole, ce sont deux oiseaux musiciens aimés de la beauté, comme l’était François.

L’ombre de la girafe, Éric Poindron

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 15 Août 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

L’ombre de la girafe, Bleu autour, Coll. Céladon, juin 2018, Image de couverture Michael Sowa, 112 pages, 13 € . Ecrivain(s): Eric Poindron

« Quand j’étais enfant, mon père me racontait qu’il vivait, enfant, au milieu des girafes. C’est toutefois mon grand-père qui est le plus grand responsable de ce petit livre, même si mon père y est sans doute pour quelque chose, ainsi que son grand-père si je me souviens ».

L’ombre de la girafe est une affaire de famille et donc de littérature, famille je vous aime en pleine savane sous l’œil des girafes. Éric Poindron est un écrivain à la mémoire vive et à l’imagination sauvage. C’est un collectionneur qui habite un grenier sans poussière, mais riche de fantômes, de papillons, de peaux de bêtes, de sabliers, de livres très anciens, de mappemondes, de sabliers, de miroirs curieux, de chats dormeurs, de mille objets glanés dans les savanes urbaines qu’il parcourt du pas léger du poète iconoclaste et aventurier. L’écrivain amateur de Champagne compose une galerie unique, un cabinet de curiosité, une céleste bibliothèque, où nous ne serions pas surpris d’y croiser quelques saints oubliés, des visionnaires, des cartographes, mais aussi Voltaire, Jules Verne, André Breton ou encore Borges le voyant visionnaire, et dans un coin le regard d’une girafe. La girafe d’Éric Poindron dite anciennement camélopard et camélopardalis, ne manque ni d’attraits, ni de répondant. Un cirque s’installe dans l’enfance familiale de l’auteur et elle est là ! Il ouvre l’ouvrage d’un érudit voyageur, elle se taille la part belle !