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Clore (6), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 11 Décembre 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Il n’a pas de métier, il est très pauvre, et en plus il a une sérologie positive. Moi, je m’inquiète.

Ils ne travaillent pas chez Dassault aviation ?

Pourquoi ?

Ces tee-shirts orange.

Moi, je les trouve New Age.

C’est une des bizarreries médicales que j’ai pu voir lors de ma carrière. Une affection silencieuse depuis 35 ans, et que l’on parvient à soigner.

Hépatite ?

C.

Tu connais la galerie Gagosian ?

Tu veux rire. Matignon.

De Noirmont !

Clore (5), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Décembre 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Un peu plus tard, dans un couvent. C’est un dimanche. C’est le soir, le début de soirée. Quelques visiteurs, sont-ce les mêmes personnes qui dialoguaient à l’acte I ? On ne sait pas au juste le but de la réunion. Est-ce la fête de Saint Benoît ? On ne sait pas. Il ne faut pas exclure un peu d’ivresse. Il y a beaucoup de monde, et on peut même imaginer engager des figurants pour faire un peu de foule d’où sortiront les voix des personnages incriminés. Ce qui permet de penser que les personnages de l’acte I se sont trouvés à un moment ou un autre pris par les effets de la fête qui a lieu ici. Cependant, il ne faut pas oublier que nous sommes dans une abbaye et que le son des voix est alourdi, assourdi, feutré. Il y a peut-être aussi un groupe de touristes, lesquels viendraient pour un séminaire, un colloque, des rencontres professionnelles. Mais, c’est une supposition.

 

Français ?

Français.

Il est dit qu’une fois le fleuve franchi on a une belle vue sur le coteau. C’est pareil en Bourgogne, l’exposition des vignobles qui entraîne une lecture des paysages.

La voix des morts - à propos de Mère de guerre de Adolphe Nysenholc

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 03 Décembre 2015. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Mère de guerre de Adolphe Nysenholc, éd. Lansman, 2006, 8 €

 

L’auteur belge, Adolphe Nysenholc, qui a été le premier à soutenir une thèse de cinéma en Belgique, écrit aussi pour le théâtre. Mère de guerre a été créé aux Ecuries de la Maison Haute, en 2006 à Bruxelles, dans une mise en scène de Jacques Neefs, et a fait l’objet d’une publication chez Lansman, la même année. Mais avant d’en venir à mon propos, c’est-à-dire le sujet de la pièce, je voudrais préciser que j’ai rencontré l’auteur à Bruxelles en octobre dernier et qu’il m’a, dans la confiance, livré son histoire personnelle, celle d’un enfant sauvé de l’extermination nazie par un couple de belges néerlandophones. Ses parents, juifs polonais, se sont ainsi tragiquement sacrifiés pour le sauver (quand il était petit), en le remettant entre les mains de ce couple de flamands, avant d’être gazés à Auschwitz. Adolphe Nysenholc est donc un miraculé de la Shoah.

Clore (4), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 27 Novembre 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

On peut considérer que les paroles qui suivent sont du même ordre que les précédentes, avec quelque chose en moins, comme si le texte diminuant, se densifiait et allait vers l’essentiel. Donc, il est tout à fait envisageable que l’acteur s’adresse directement au public, par exemple depuis un proscenium, comme si l’acteur pouvait parler aux spectateurs sans la convention de la scène, un peu comme le font les orateurs des Speakers’ Corner à Hyde Park. En tous cas, on doit sentir que quelque chose a changé dans la manière dont évolue l’action.

J’ai un peu peur. Vous savez comme dans Vargtimmen, où le peintre écoute cette minute. Écoutez. Vous entendez ? Cette minute. Juste pour se contempler, les yeux dans les yeux. Pour être convaincant. De la dépression. C’est comme cela que ça s’appelle. Pour moi, il y a une force, un mouvement violent, une puissance en surcroît, qui permet de poursuivre, vous savez, quelque chose comme le struggle for life. Une lutte. Parce que la mort n’a aucun attrait. Non, c’est juste un peu de peur. Le trac. Pour finir, on a tous conscience que ce n’est pas une invention, je veux dire, mourir. Le trépas, c’est ça, en vérité, que l’on redoute. Toi ? Moi ? Nous ? Nous. D’accord, nous. Le trépas c’est le trépas et c’est justement ce qui fait peur parce qu’avec la mort, tout est déjà fini, on ne peut rien regretter, mais au moment de disparaître, on croit que l’on peut changer encore, que l’on peut reprendre souffle. Écoutez. Écoutez ! Cette vieille chanson irlandaise. L’univers est trop petit. Trop confiné. C’est moche, non ? De mourir. C’est moche, n’est-ce pas ?

L’œuvre poétique, Hart Crane

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 25 Novembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Arfuyen, Poésie, USA

L’œuvre poétique, octobre 2015, trad. Hoa Hôï Vuong, 378 pages, 23 € . Ecrivain(s): Hart Crane Edition: Arfuyen

 

Une poésie américaine ?

Entrer dans l’œuvre poétique de Hart Crane est une chance très grande, dans la mesure où il était peu traduit en France, et que le livre que publient les éditions Arfuyen, dans sa belle collection Neige bilingue, permet d’accéder à la presque totalité des poèmes de Crane. Poète complexe et angoissé dirait-on, jusqu’à son suicide dans le golfe du Mexique en avril 1932. Cette indication de lieu a son importance, car les trois grands recueils que laisse le poète, c’est-à-dire Bâtiments blancs, Le Pont et Key West participent de l’expression d’une géographie poétique du monde. Ils sont aussi une forme ambitieuse et réussie de poésie « américaine » venue de Whitman par exemple, car on va facilement d’est en ouest, comme des pionniers, et du nord au sud, comme des voyageurs d’un empire commercial.

Une terre de glace transversale

Embrassée par des arches célestes de plâtre gris

Se jette silencieusement

Dans l’éternité.