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Un peigne pour Rembrandt et autres fables pour l’œil, Daniel Kay (Par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 23 Août 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Gallimard

Un peigne pour Rembrandt et autres fables pour l’œil, Daniel Kay Gallimard, mai 2022, 112 pages, 12,50 €

 

Image peinte/image écrite

Le dernier recueil de poésie de Daniel Kay permet de disserter sur la relation de l’écrit et du peint. Peut-être est-ce stricto sensu une illustration du ut pictura poesis tiré de l’art poétique d’Horace, ici appliqué à la lettre si je puis dire. Et puis, à la fin de la lecture de ce recueil, j’ai trouvé à quoi correspondait le mieux cette tentative de faire de la poésie conçue comme image. J’ai pensé aux premières statues du Trocadéro à Paris, emballées par Christo. Là était le secret pour moi d’une langue qui enveloppe la chose, qui rend l’œil actif. Le poème est une espèce de pellicule qui se saisit de son objet par les voies de la clarté du rendu, du modelé. Et cela sans hésiter à aller chercher dans la philosophie ou la linguistique. Donc des tableaux écrits.

Ainsi parlait André Gide, Gérard Bocholier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 16 Août 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arfuyen

Ainsi parlait André Gide, Gérard Bocholier, éditions Arfuyen, mai 2022, 14 €

 

Qualifier

Je connais André Gide depuis mon adolescence – ce qui est aussi le cas de Gérard Bocholier, qui le confie dans sa préface à ce recueil de dits et de maximes. Cela ne m’a pas empêché de découvrir un Gide concerné par les arts, c’est-à-dire, tout serré autour de question de l’art. Cette prose, que je pourrais comparer à l’écriture de Diderot, claire, un peu froide, un style décidé, sans failles, presque dur, impliqué en tout cas, se déploie sans exagérations et intériorise l’œuvre d’art comme contenu et comme adresse à un lecteur ou au spectateur. Gide s’intéresse ici à la fabrication du poème et à celui qui écrit, au poète. La réception des textes est aussi importante que l’œuvre elle-même. Et l’écriture suit, sans suffocation, l’intelligence du propos, mais sans sombrer dans le comment du poème, regardant davantage le pourquoi, ce qui revient à écrire sur l’essence du phénomène artistique. Donc, une expression profonde, sans manière, intelligente mais qui ne se met pas en scène.

Travers du temps, Gérard Titus-Carmel (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 11 Juillet 2022. , dans La Une CED, Les Livres, Chroniques Ecritures Dossiers, Poésie, Editions Tarabuste

Travers du temps, Gérard Titus-Carmel, éd. Tarabuste, avril 2022, 148 pages, 16 €

 

Valeurs

Je n’ai pas pu me détacher, à la lecture du dernier recueil de Gérard Titus-Carmel, de l’idée que le poète est aussi peintre. De ce fait j’ai analysé son écriture selon une grille plastique. Cela m’a été rendu possible par l’utilisation des couleurs par exemple. Ici, l’écrivain se concentre sur des cercles chromatiques schématiques (ce qui pousse cette poésie vers un temps à la fois nouveau, universel et archétypal) : le blanc, le noir, le gris, l’argenté, un peu de vert, du rouge et du mauve. L’auteur n’hésite pas à créer son poème grâce à des impressions lactescentes, du nacré, décrivant l’effet moutonnant des nuages, des lumières bleues et cotonneuses sur le métier du texte.

Deuxième entrée dans le recueil où encore l’on suppute que la relation peinture/langage est relation langage/peinture, une fusion. Cette ligne forte se retrouve çà et là. Donc, des images construites selon des points de fuite, des perspectives cavalières, des biseaux, des lignes, des angles, des parallèles, de la lumière et de l’ombre, du gras et du maigre, des arrêts sur image.

Monna Innominata, Christina Rossetti (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 04 Juillet 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Iles britanniques, Poésie

Monna Innominata, Christina Rossetti, éd. Les Défricheurs, octobre 2021, 80 pages, 12 €

 

Amour sacré

Connaissant peu la biographie ni même l’œuvre de la sœur de Dante Gabriele Rossetti, il m’a fallu chercher un équilibre entre ce que je lisais et l’impression d’étrangeté qui se dégage de ces pages. J’ai donc balancé assez longtemps dans mon interprétation. J’y ai vu, au premier abord, une poésie de l’amour charnel, de l’amour profane, ne sachant pas de quel amour la poétesse s’approchait dans ses vers. Comme je lis ces jours derniers Le Divân de Hafez de Chiraz où, dans le sens contraire, j’ai vu l’amour sacré derrière les lignes du libertin (fût-il vraiment un libertin ou un soufi ?). Ces deux hésitations montrent clairement que profane ou sacré il faut garder simplement l’amour et ne pas choisir, garder la trace mystique de Dieu, dans la chair, et la trace charnelle de Dieu dans le Ciel, dans la prière.

Œuvres, Louise Labé (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 30 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, Garnier-Flammarion

Œuvres, Louise Labé, Garnier-Flammarion, avril 2022, 416 pages, 7,40 €

 

Pouvoir l’amour

J’ai beaucoup réfléchi pour donner un titre à cette courte note de lecture, voulant souligner à la fois le pouvoir de l’amour, le pouvoir de l’écriture ou encore regarder de près comment on peut l’amour, comment aussi l’amour peut l’amour, s’engendre. Le poème est un lieu mixte, poreux. Il fixe l’amour et l’impossible de l’amour, il est pouvoir sans efficience mais fondamental. Il est ambigu.

Je précise quand même que je n’ai pas fait une lecture scientifique (car je n’ai pas de compétences particulières pour la poétesse, hormis celle de ma sensibilité). De plus, Louise Labé est particulièrement énigmatique. J’ai essayé de me tenir dans cette double contrainte : ne pas négliger historiquement que cette voix vient de la Renaissance, et en même temps d’en faire une lecture absolument moderne. Donc, regarder à la fois le lien avec les troubadours médiévaux et l’étude contemporaine de la passion comme humeur thymique.