Identification

Articles taggés avec: Ayres Didier

Terres, Marwan Hoss (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Juillet 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arfuyen

Terres, Marwan Hoss, éditions Arfuyen, juin 2023, 96 pages, 13 €

 

Clarté

Si je pouvais retenir une seule impression sensible du dernier recueil de poésie de Marwan Hoss, je dirais : clarté. Clarté de la langue tout d’abord, hors des modes de l’instant, clarté du propos lequel se satellise sur très peu de concepts, juste assez cependant pour que l’on puisse réfléchir sur des questions graves : le désir, le destin, l’exil, la terre étrangère, le corps, la mort. Mais ceci dans une clarté, une transparence, une grâce (celle des Papiers Découpés de Matisse, ou la représentation des fleurs par exemple, chez Georgia O’Keeffe ; les roseaux, les étourneaux, les palmiers, etc., du poème, ici traités à la manière de ces peintres).

Cette expression cherche la légèreté, ne gardant aucune pesanteur idéologique, préférant le maigre que le gras, peu d’adjectifs préférés à l’ornementation. Se tenir devant une vision ductile qu’il faut saisir sans précipitation, et cela de deux manières : orientale et occidentale, mélange complexe et aventureux.

Contrepoints, Lucien Noullez (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Juin 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Contrepoints, Lucien Noullez, éd. Corlevour, mai 2023, 15 €

 

Souffle

Quand je dis souffle dans mon titre, il faut prendre ce mot à la lettre : la respiration humaine. De plus, le souffle de l’inspiration artistique est le souffle du poème, monde symbolique de la création. Donc expiration/inspiration dans la densité d’une écriture simple, presque naïve mais pleine de vitalité. Et si je peux filer la métaphore, je dirais souffle qui nécessite une excavation, là où l’inspiration fait poche. En fait, c’est comme aspirer et exhaler pour aller avec sagesse vers la mort, le dernier seuil. Un mouvement. Le besoin élémentaire de la vie, sans que l’on connaisse le travail de la respiration, qui, comme le cœur, est inconscient, non ressenti.

Je crois que le travail poétique revient à chercher dans le gouffre (l’inconscient du texte). Écrire de la poésie, c’est voir dans le gouffre, chercher dans le gouffre, aller vers le gouffre. Quoi de plus naturel dès lors que ce besoin de respirer, cette recherche pouvant se faire en apnée. Il suffit pour cela de se conformer au mouvement du souffle, à sa mécanique ondulatoire. Ici, au sein d’une écriture serrée, légèrement cursive, mais cultivée avec entrain, lucidité. Celle concernant la mort, essentiellement.

Vers le visage, Gérard Bocholier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 19 Juin 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Vers le visage, Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, avril 2023, 108 pages, 15 €

 

 

Leçon de lumière

Disons tout de suite que cette poésie, qui reste abstraite en un sens, a pour principe celui de la prière : peu de mots, principalement une écriture de l’esprit, une adresse immatérielle et une forme vive d’espérance, l’on trouve tout cela dans ce recueil de Gérard Bocholier. Le poème, comme le poète, sortent grandis car cette poésie-prière englobe la relation polymorphe de toute langue poétique – ses registres, les images et les figures de style, y sont nombreux et cohabitent dans des séquences de souvenirs, de réflexions sur le temps, un travail pour une langue spiritualisée, choses aperçues somme toute en une leçon de lumière.

Transformations, Anne Sexton (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 12 Juin 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, USA

Transformations, Anne Sexton, éditions Des femmes-Antoinette Fouque, mai 2023, trad. anglais (USA), Sabine Huynh, 120 pages, 14 €

 

Un univers

Je connais maintenant la poésie d’Anne Sexton, dans sa traduction française récente. Et de mes premières lectures de ses poèmes, j’ai été sûr qu’il s’agissait d’une voix, d’un univers, à la fois proches de Sylvia Plath, développant un style propre, un monde à part, un monde borderline au sens fort du terme : à la bordure. Il en est encore question ici, dans ce mélange, cette approche du conte pour enfant par le poème. Cette tentative est inouïe, car elle demande une force exceptionnelle pour articuler la prosodie du poème à la rhétorique du conte. Le conte universel se dilate dans cette poésie contemporaine (ces textes datent de 1971). Et ce qui ressort de ce travail, c’est un ton énigmatique, une légère euphorie liée à une ivresse des motifs, quelque chose de poreux en tout cas.

Bestiaire, Alexandre Vialatte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arléa

Bestiaire, Alexandre Vialatte, Editions Arléa, février 2023, Illust. Philippe Honoré, 168 pages, 11 €

Dérision

C’est principalement le mot dérision que je retiens de ma lecture du Bestiaire d’Alexandre Vialatte. Absurdité au même titre que la retrace la pièce La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco. Donc quelque chose qui mêle le tragique et le dérisoire, la profondeur et la légèreté, le sérieux et l’amusant. Cet échange entre l’ironie parfois mordante et une sorte d’émerveillement devant la nature des animaux, fait du bien au lecteur lequel s’abreuve des animaux du chroniqueur du quotidien régional La Montagne, comme il le ferait des Caractères de La Bruyère. Avec l’humour en plus.

L’intérêt du liseur c’est que les textes restent verticaux et ne fonctionnent que par verticalité. Replier ces dactylogrammes sur le syntagme ferait rater tout le suc de la pensée de Vialatte, fine, humoristique, mêlée d’une pointe d’angoisse. On apprécie cette littérature que conçue comme tentative de saisir dans l’axe paradigmatique l’intelligence de ces portraits d’animaux lesquels fournissent une impression de léger vertige, allant vers de l’inconnu, au travers de ces bêtes touchées d’étrangeté. Il s’agit de pointer un faux sérieux, là où le paradigme permet des choix, de préférer tel plan de l’expression, celui de la dérision.