Robert Frost, un poème traduit de l'américain par Didier Ayres
Je pourrais tout céder au temps
Le Temps jamais ne juge qu’il est courageux
lorsqu’il affronte des montagnes de neige
pour les aplanir jusqu’à la vague.
Les voir si bas ne le rend pas non plus radieux
mais seulement grave, contemplatif et grave.
L’intérieur des terres d’à présent sera demain une île sur l’océan,
puis les remous jouant autour d’un récif immergé
comme cette boucle au coin d’un sourire.
Je pourrais, comme le Temps, n’éprouver ni joie ni chagrin
devant un tel changement d’allure planétaire.
Je serais à même de tout céder au Temps si ce n’est
ce que je retiens auprès de moi. Mais pourquoi déclarer
ces choses interdites avec lesquelles, la douane assoupie,
j’ai traversé pour parvenir en ce lieu sûr ? Car je suis Là,
et ce dont je ne voulais pas me séparer, je l’ai gardé.
I Could Give All To Time
To Time it never seems that he is brave
To set himself against the peaks of snow
To lay them level with the running wave,
Nor is he overjoyed when they lie low,
But only grave, contemplative and grave.
What now is inland shall be ocean isle,
Then eddies playing round a sunken reef
Like the curl at the corner of a smile;
And I could share Time’s lack of joy or grief
At such a planetary change of style.
I could give all to Time except – except
What I myself have held. But why declare
The things forbidden that while the Customs slept
I have crossed to Safety with? For I am There,
And what I would not part with I have kept.
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