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Roman

Mon maître et mon vainqueur, François-Henri Désérable (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Mon maître et mon vainqueur, août 2021, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« Le ravissement a deux acceptions : celle d’enchantement, de plaisir vif, mais celle aussi d’enlèvement, de rapt. Et c’est précisément cela que depuis quelque temps Tina éprouvait, le sentiment d’être enlevée à sa propre vie : celle d’une femme qui aimait un homme, qui lui était fidèle, et qu’elle allait épouser ».

Mon maître et mon vainqueur est un roman d’amour vif, éclairé de ravissements dans ses acceptions. Un roman de raisons, et de déraisons, un roman où le narrateur témoigne devant un juge d’instruction et son greffier, de ce qu’il sait de son ami Vasco, et de Tina qui sera le centre tellurique de cette passion. Vasco, interpellé pour avoir tiré, sans grandes conséquences, sur son rival Edgar, qui épousait Tina, alors qu’il voulait ne pas cesser de la posséder, tiré avec le revolver acheté lors d’enchères fantasques, que braqua Verlaine sur Rimbaud, tout un roman ! Une histoire d’amour qui saisit Tina et Vasco et qui ne cesse de bouleverser Edgar.

Vi♀lence(s), Paule Andrau (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Vi♀lence(s), Paule Andrau, septembre 2021, 189 pages, 18 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Ce texte se présente et peut se lire comme un roman, mais c’est plus et c’est autre chose, c’est un cri, c’est une révolte, c’est une plainte, si on veut, c’est aussi, sur près de deux cents pages, le déroulement d’un long acte d’accusation d’une puissance, d’une évidence et d’une crudité quasi insoutenables, c’est un réquisitoire intégral, détaillé, fondé, factuel, c’est une succession de témoignages irréfutables, c’est un flux continu de dolence, de doléances, de souffrance, de dégoût, de soulèvement, de ressentiment, c’est un vomissement partiellement libératoire, c’est l’éruption volcanique brutale d’un défoulement irrépressible, l’explosion d’un magma trop longtemps contenu, retenu, comprimé dans les tréfonds les plus intimes de l’entraille à vif…

C’est aussi un testament, en ce sens que la narratrice sait qu’elle n’en a plus pour très longtemps.

« Ecrire, c’est hurler sans bruit », écrivit Duras.

Le hurlement qui jaillit de ces Vilence(s) résonnera violemment et durablement dans l’âme des lectrices et des lecteurs.

Le Cul de Judas, António Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 24 Août 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Métailié

Le Cul de Judas (Os Cus de Judas, 1979), trad. portugais, Pierre Léglise-Costa, 219 pages, 9 € . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Métailié

 

A qui parle le narrateur de ce roman ? À une femme, au bar d’un hôtel lors d’une nuit lisboète ? Oui mais qui est-elle ? Une rencontre coquine ? Ce qui importe c’est sa fonction dans la politique narrative du roman. Elle est l’Autre c’est-à-dire, dirait Lacan, le discours inversé du parlant. Le narrateur s’entend, s’écoute, en lui parlant. Elle est dépositaire du flux de conscience, elle est juste un récepteur.

Ne faites pas attention, le vin suit son cours et d’ici peu je vous demanderai en mariage : c’est l’habitude. Quand je suis très seul ou que j’ai trop bu, un bouquet de fleurs en cire de projets conjugaux se met à pousser en moi, à la façon d’une moisissure dans les armoires fermées et je deviens gluant, vulnérable, pleurnichard et totalement débile ; je vous avertis : c’est le moment pour vous de filer à l’anglaise, avec une excuse quelconque, de vous enfourner dans votre voiture avec un soupir de soulagement, de téléphoner ensuite, de chez le coiffeur, à vos amies pour leur raconter, entre deux rires, mes propositions sans imagination. Cependant, et jusque-là, si vous n’y voyez aucun inconvénient, je rapproche un peu plus ma chaise de la vôtre et je vous accompagne pour un verre ou deux (p.33).

L’Intrusive, Claudine Dumont (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 23 Août 2021. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Le Mot et le Reste

L’Intrusive, Claudine Dumont, aout 2021, 377 pages, 24 € Edition: Le Mot et le Reste

 

« Depuis bientôt deux mois, je ne dors presque plus. Des journées entières sans une seconde de sommeil et quelque chose en moi est sur le point de se briser. Je regarde le psychiatre devant moi. Regarder me fait mal ».

C’est Camille qui parle, atteinte d’un mal-être, aux sens physique et psychique du terme. Ce mal-être, c’est son manque de sommeil et ce sont des incompétences successives de médecins qui vont la conduire chez Gabriel. Camille veut tout essayer, elle est prête à tout. Mais si Camille veut retrouver le sommeil, c’est pour revoir sa nièce, Jeanne, qu’elle ne voit plus en raison des conséquences de sa « maladie ». Jeanne est la fille du frère de Camille, une enfant de qui elle était très proche, jusqu’à un incident qui fera cesser toute relation entre la nièce et sa tante.

Gabriel est recommandé à Camille par son frère Laurent. Le frère et la sœur sont très proches, et Laurent veut tout faire et tout tenter pour la guérison de Camille. Gabriel a une machine qui permet de sonder sommeil et rêves, et c’est un peu à contrecœur que Camille va accepter.

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Serge Safran éditeur

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales, juillet 2021, 160 pages, 16,90 € Edition: Serge Safran éditeur

 

« Mon cœur battait si fort que j’étais en apnée. Il faudra que je consulte mon cardio. Je ne pouvais plus respirer, plus parler, plus déglutir. J’irai voir aussi mon ORL. J’entrai dans le bureau. Ils gisaient là tous les trois, étalés à même le sol dans une mare de sang. En faisant rapidement le déroulé des opérations, j’arrivai à la conclusion qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord. J’ai oublié d’être conne ».

Dominique Guiou et Thomas Morales ont réussi un réjouissant petit roman policier écrit à quatre mains et à mille idées, inventant par la grâce du roman un privé : une Dame au cabriolet. Yvonne Vitti n’est pas de son temps, mais d’une autre époque, celle des chansons italiennes que plus personne n’écoute et des voitures décapotables fumantes et pétaradantes, qui énervent les écologistes, elle roule au volant d’une Saab cabriolet jaune citron sans âge, et celle des films aux répliques pétillantes et piquantes. On imagine sans mal Yvonne Vitti face à Jean-Pierre Marielle sous l’œil amusé de Philippe de Broca, une héroïne comme le cinématographe, aujourd’hui trop occupé à s’auto-célébrer, n’ose plus en inventer.