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Roman

Senso, Camillo Boito (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Juin 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, Editions Sillage

Senso, Camillo Boito, trad. italien, Monique Baccelli, 68 pages, 7,50 € Edition: Editions Sillage

Ce très court roman (novella) accomplit en quelques dizaines de pages le miracle parfait de la littérature. L’art de la narration y est porté à un sommet indépassable tant la condensation et la richesse s’épousent en un ouvrage puissant et sublime. L’histoire que raconte ce roman aurait pu, sans aucun ajout d’éléments narratifs, faire l’objet d’un ouvrage de plusieurs centaines de pages mais Boito en fait un extrait pur, chaque goutte étant chargée de sens, d’évocation, de puissance imaginative. En un volume minuscule, Boito fait vivre une grande histoire d’amour, de trahison, de vengeance implacable. En un volume minuscule, Boito dessine le portrait inoubliable d’une femme, belle, hautaine et forte. En un volume minuscule, il nous brosse la caricature d’un homme, bellâtre et veule, lâche, vulgaire, indigne.

L’histoire se présente comme un extrait du journal intime de la comtesse Livia Serpieri. La Comtesse Livia – la diariste/narratrice – est une fleur vénitienne. Elle règne sur la ville, ses canaux, ses soirées mondaines, ses salons, par sa beauté épanouie, la richesse de son mari et un esprit pétillant. Venise et ses fastes, ses artifices, font terreau à cette beauté que la vie enchante et qui enchante la vie autour d’elle dans les salons. Elle a le monde à ses pieds et un pouvoir rayonnant sur ses amis et relations, hommes et femmes.

L’homme de la plaine du Nord, Sonja Delzongle (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 07 Juin 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Folio (Gallimard)

L’homme de la plaine du Nord, Sonja Delzongle, mars 2021, 448 pages, 8,60 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Ernest Gare a cinquante-deux ans. C’est le fils de Victor Gare, trouvé nourrisson dans une gare. C’est un gars qu’a mal tourné, sa profession : tueur à gages. À trente ans, il s’est retrouvé au placard où il a tiré quinze ans, puis a soigné sa mère paraplégique. Enfin, il a dû faire face à la maladie, le cancer qui le rongeait et qui l’a rendu chauve. Mais la calvitie pour son deuxième métier c’est plus pratique, la nuit sous les feux d’une boîte spécialisée, il présente, travesti, sa perruque blonde bien en place, son numéro de transformiste. Ernest Gare, c’est aussi Frida, une troublante créature dont le roulé de hanches semble avoir séduit le commissaire Peeters. Ernest a un petit ami, son rat albinos Berlioz.

Hanah Baxter, l’héroïne récurrente de Delzongle, n’a pas perdu son instinct maternel, elle envisage une GPA avec son amie Karen lorsqu’elle est arrêtée par le FBI. On lui reproche d’avoir mis fin aux jours de son mentor et ex-associé le profileur Anton Vifkin, il y a vingt ans de cela. En fait, elle est envoyée de son quartier de Brooklyn sur le vieux continent pour enquêter sur la mort de ce dernier.

Le réveil de la bête, Jacques Moulins (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 02 Juin 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Gallimard

Le réveil de la bête, Jacques Moulins, Gallimard, Coll. Série Noire, septembre 2020, 375 pages, 18 €

 

Apparemment Maryam Binebine est une jeune femme comme une autre. Après une semaine de travail passée derrière son ordinateur, elle ne dédaigne pas de s’encanailler un peu. D’ailleurs pourquoi aurait-elle pris ses distances avec sa famille d’origine marocaine et se serait-elle affranchie de la présence de son tuteur de frère si ça n’était pour profiter un peu de sa liberté ? Ce samedi, il est à peine vingt heures qu’elle danse à Belleville chez Pepe. Elle s’amuse, se détend. Et puis le lendemain, son amie Salima Duval la découvre étendue, nue sur son lit, égorgée. Aussitôt, elle appelle la police et la commissaire Annick Lebèque de la police parisienne qui ne peut que constater le décès.

Trois jours plus tard le commandant Deniz Salvere d’Europol et sa collègue Elsa Minetti, prévenus par la presse, sont là à « titre officieux ». Ils s’enquièrent auprès de leur collègue parisienne des circonstances du décès la jeune femme de trente-quatre ans. Il s’avère que Maryam était une « indic » de Salvere et que là où ce dernier voit un décès dû à des activités terroristes, son collègue d’Europol, Brenner, pense à un crime dû à la cybercriminalité islamiste.

La Trilogie de la Poussière, Livre 1, La Belle Sauvage & Livre 2, La Communauté des esprits, Philip Pullman (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Juin 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

Edition: Gallimard Jeunesse

 

La Trilogie de la Poussière, Livre 1, La Belle Sauvage (Folio, avril 2021, 544 pages, 9,30 €), & Livre 2, La Communauté des esprits (Gallimard, septembre 2020, 656 pages, 22 €), Philip Pullman, trad. anglais, Jean Esch

Philip Pullman (1946), avec la trilogie À la Croisée des mondes, a créé non seulement un phénomène éditorial à succès désormais transformé en série télévisée (après l’adaptation cinématographique du premier tome, sous le titre de La Boussole d’or, qui fut boudée par le public) et en bande dessinée, mais surtout un univers narratif à la fois complexe et cohérent, ce qui lui donne une paradoxale évidence. Pour faire simple, disons que Pullman, dont les romans ont été publiés en français par Gallimard tant sous l’étiquette « SF » que « Folio Junior » ou tout simplement « Folio », a brouillé les pistes avec intelligence : les romans de l’univers dans lequel Lyra Parle-d’Or évolue relèvent-ils de la science-fiction, de la fantasy, de la littérature à destination de la jeunesse, du roman d’aventure ou de la méditation sur l’existence d’univers parallèles avec un détour par un rien de physique quantique, et une magnifique tendance à dire des choses essentielles et puissantes sur la vie, en nous et autour de nous ? Bien malin qui pourrait répondre de façon absolue – mais bien moins malin qui omettrait l’essentiel :

Le rapport sexuel n’existe plus, Philippe de Jonckheere (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 31 Mai 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Inculte

Le rapport sexuel n’existe plus, Philippe de Jonckheere, février 2021, 300 pages, 18,90 € Edition: Inculte

Qu’un homme puisse éjaculer à la vue d’une pantoufle ne nous surprend pas, ni non plus qu’il s’en serve pour ramener le conjoint à de meilleurs sentiments, mais personne assurément ne peut songer qu’une pantoufle puisse servir à apaiser la fringale, même extrême, d’un individu.

Jacques Lacan (1901-1981, psychanalyste français)

Entre autofiction et séance de psychanalyse étalée sur près de 300 pages, dans Le rapport sexuel n’existe plus, l’auteur est son propre personnage, endossant son propre nom et une partie en tout cas de sa vraie vie. Le fait que le récit prenne place en 2022 et s’achève en 2024 invente une distance temporelle avec ce qui semble pourtant être un véritable journal intime. Récit à visée thérapeutique pour guérir la douleur d’une déception amoureuse, dont l’auteur – cinquantenaire, se décrivant lui-même comme obèse et obsédé par l’arrivée de l’andropause qui vient alourdir le bilan d’une vie sexuelle de plus en plus fantasmatique – n’arrive pas à se défaire. Autoflagellation, autodérision, décorticage hyperlucide de son manque de lucidité, c’est grâce à son grand humour que l’auteur/personnage se rattrape toujours et parfois in extremis avant la chute dans le pathétique.