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Roman

L’Homme qui peignait les âmes, Metin Arditi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 04 Octobre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

L’Homme qui peignait les âmes, juin 2021, 292 pages, 20 € . Ecrivain(s): Metin Arditi Edition: Grasset

Il y a, on le sait, beaucoup à dire sur le rapport des religions aux images. La répugnance invincible de l’islam vis-à-vis de toute représentation figurée de Dieu – et même du corps humain – est trop connue pour qu’on insiste longuement, sauf à dire qu’elle renoue avec l’iconophobie du judaïsme ancien (un élément supplémentaire accréditant l’hypothèse selon laquelle le Coran aurait été composé par des rabbins hérétiques). L’attitude du christianisme est plus complexe, peut-être parce qu’il chercha de bonne heure à se démarquer du judaïsme. La représentation du Christ fut admise très tôt, encouragée par l’existence de reliques sur lesquelles son visage, voire son corps entier, se seraient posés. Comme toujours dans le christianisme, il y a une profonde logique interne et une vertigineuse contradiction : pourquoi se priverait-on de représenter un Dieu qui s’est incarné et avait vécu parmi les hommes ? Dans l’ensemble, le catholicisme est demeuré fidèle à cette tradition, malgré d’épisodiques poussées iconoclastes, même si celles-ci ne disaient pas leur nom (ainsi dans les décennies qui suivirent le second concile du Vatican, marquées par l’alignement sur le protestantisme). La Réforme, précisément, se montra nettement plus réservée (existe-t-il beaucoup de grands tableaux religieux protestants ?). Le christianisme orthodoxe a, pour sa part, pris le chemin inverse, à tel point que, lorsqu’on visite une de ses églises, on ne sait où poser le regard, en particulier quand on s’approche de l’iconostase, qui sépare l’espace profane et l’espace sacré.

Jolies filles, Robert Bryndza (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 04 Octobre 2021. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Belfond

Jolies filles, Robert Bryndza, Belfond Noir, janvier 2021, trad. anglais, Chloé Royer, 408 pages, 19,90 € Edition: Belfond

 

Quelque temps après Noël, la Detective Chief Inspector de la Projects Team, Erika Foster, d’origine slovaque, la reine de la kapustnica, fête ses retrouvailles avec son ami Peterson, un garçon grand et mince à dreadlocks, agent de la Murder Investigation Team, veuf depuis deux ans. Peterson est appelé sur une scène de crime, Erika décide de le suivre. À peine recouverts de leurs combinaisons stériles blanches, ils pénètrent sur la scène de crime pour découvrir au sommet d’une benne à ordures le cadavre d’une jeune femme dénudée en dessous de la taille, affreusement battue, le corps marqué de profondes entailles et l’artère fémorale tranchée. Peterson va confier l’enquête au DCI Hudson, et Foster va se faire remettre à sa place pour être intervenue sur un périmètre de travail qui n’est plus le sien. En outre, elle va devoir se rabattre sur les « mini-mars » qui remplissent la boite à gants de sa voiture pour tenter de faire passer sa frustration parce qu’elle veut cette enquête.

La huitième vie (pour Brilka), Nino Haratischwili (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 01 Octobre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Folio (Gallimard)

La huitième vie (pour Brilka), Nino Haratischwili, août 2021, trad. allemand, Barbara Fontaine, Monique Rival, 1200 pages, 12,90 € Edition: Folio (Gallimard)

La huitième vie est une saga familiale d’une rare intensité dramatique qui couvre mille-deux-cents pages et qui court de 1917 à 2007.

L’histoire, dont la destinataire annoncée par la narratrice est la jeune Brilka, le plus récent rejeton du clan, commence avec la vie de l’ancêtre Ketevan, le patriarche, pâtissier chocolatier dans une petite ville de Géorgie, pays où se situe, tout au cours du récit, le centre de rayonnement narratif qui exerce sur la totalité des personnages une indestructible attraction centripète, même si certains d’entre eux, à un moment donné de leur existence, se sentent passagèrement animés par des forces centrifuges.

Ketevan a inventé une recette de chocolat qui fait tourner les têtes, remue les estomacs et ravit tous les sens mais dont la confection et la consommation, qui doivent rester exceptionnelles, sont potentiellement annonciatrices de grands malheurs. Il en garde précieusement le secret, ne la transmettant, sur serment de ne jamais en dévoiler les ingrédients, qu’à l’aînée de ses filles, Stasia.

Le Rivage des Syrtes, Julien Gracq (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 30 Septembre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions José Corti

Le Rivage des Syrtes, 322 pages, 20 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

« Le rassurant de l’équilibre, c’est que rien ne bouge.

Le vrai de l’équilibre, c’est qu’il suffit d’un souffle

pour tout faire bouger ».

« On dirait le Sud, le temps dure longtemps… ».

 

Lire Le Rivage des Syrtes, c’est partir en voyage. Sagra, l’île de Vezzano, Fabrizio, Giovanni, Belsenza… L’Italie ? Les noms de lieux et de personnages du roman de Gracq en ont la sonorité. La Seigneurie d’Orsenna, ce pays imaginaire, lui ressemble.

Loin de sa capitale, Aldo, le jeune héros désœuvré, décide d’aller tromper son ennui et s’offrir l’illusion d’un début de carrière. Il part donc sur le rivage des Syrtes pour tenir informées les autorités sur le commandement de la forteresse par la rédaction des rapports scrupuleux.

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 27 Septembre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper, trad. anglais (USA), Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret, 688 pages, 10,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Qui a donné naissance à la littérature américaine ? Vaine question, sujet à pinaillage universitaire, si l’on attend une réponse univoque et précise ; question intéressante si l’on prend plaisir à fréquenter des auteurs défrichant des territoires vierges, sans Histoire mais avec nombre d’histoires, des auteurs s’élançant depuis les lettres européennes pour migrer par-dessus l’Océan Atlantique et leur donner une forme nouvelle – même si la question est bien plus complexe qu’il y paraît. Le plus bel exemple est celui de Washington Irving, qui confronte le gothique aux vastes espaces, qui voyage entre l’Europe et New York, écrit sur les deux continents et crée de la sorte une œuvre originale – « américaine ».

Pas moins originale est l’œuvre de James Fenimore Cooper (1789-1851), qui rencontra un beau succès dès son second roman, L’Espion (1821), et acquit une renommée internationale avec les Histoires de Bas-de-Cuir, des romans historiques confrontant les valeurs d’une Amérique occidentalisée naissante à celles de ses premiers occupants, dont Le Dernier des Mohicans (1826) ;