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Roman

Un hiver en Galilée et Sud, Didier Ben Loulou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 19 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

. Ecrivain(s): Didier Ben Loulou

 

Un hiver en Galilée, Didier Ben Loulou, Arnaud Bizalion Editeur, juillet 2018, 96 pages, 22,50 €

Sud, Didier Ben Loulou, La Table Ronde, mai 2018, 96 pages, 24 €

 

« Je passe devant une maison de prières où des chants s’élèvent, voix et louanges immuables qui disent ce qui ne peut être oublié. C’est quoi cette vie qui se concentre au cœur d’un paysage, entre les branches d’un amandier qui bientôt se remplira de boutons rose et blanc et cette sorte de curiosité comme le prolongement d’un savoir que je commence à explorer ? ».

Un hiver en Galilée est une promenade photographique, un roman photographié, comme nous dirions un roman dessiné, depuis la Galilée, et l’hiver à Safed. Le photographe met sa vie sur pause, il retarde le déclencheur, le temps de fixer l’objectif, de faire un pas de côté dans sa vie, de romancer cette nature inouïe qu’il découvre, ces traces de vie et de recueillement. Il croise un arbre ou un religieux curieux.

La coupe de bois, Carlo Cassola (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Octobre 2018. , dans Roman, Critiques, La Une Livres, En Vitrine, Italie, Editions Sillage

La coupe de bois (Il Taglio del Bosco, 1949), traduit de l’italien par Philippe Jaccottet, 119 p. 9,50 € . Ecrivain(s): Carlo Cassola Edition: Editions Sillage

 

Comment ce miracle ? Comment ce petit livre, pas un roman, à peine une novella, peut-il condenser en une centaine de pages toute la magie de la littérature ? L’ampleur du style, son immense simplicité, des personnages taillés au burin, une histoire élémentaire, et la détresse des hommes, tout est là pour faire de ce petit roman un monument de littérature. Il semble que les écrivains italiens aient eu au XXème siècle un tropisme pour ce genre de la novella ancrée dans les profondeurs du pays, ses villages et ses montagnes. On pense à Leonardo Sciascia (La tante d’Amérique), surtout à Silvio d’Arzo (La maison des autres).

Guglielmo est bûcheron. Il vient d’acheter une coupe dans les bois perdus dans les Abbruzes. Il s’y rend après avoir embauché quatre hommes, plus ou moins ses amis, pour une période de six mois – automne et hiver – à couper des pins pour en faire du charbon qu’il vendra. Il est content car l’affaire est bonne. Et ce sont ces six mois, où il ne se passe rien d’autre que la coupe et les soirées dans la cabane construite dans le bois, que ce livre raconte. Rien d’autre. Mais qui a besoin d’autre chose ? L’écriture de Cassola fait le reste, c’est-à-dire l’essentiel.

Quintet, Frédéric Ohlen (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 18 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Quintet, mars 2014, 354 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Frédéric Ohlen Edition: Gallimard

 

Quintet, comme son nom l’indique, est un roman composé de cinq voix différentes que le destin emporte dans son tourbillon pour former une œuvre riche et entêtante. Ce Quintet prend place au XIXesiècle, à la naissance de la Nouvelle-Calédonie. Les Français étaient là depuis quelques années  et « le pays comptait moins de quatre cents civilsla plupart cantonnés dans la capitale, si on pouvait appeler ainsi une ville aux rues non pavées, sans port aménagé, sans eau potable. Une cité puante, montueuse et marécageuse en diable (…) ». Quatre cents civils si l’on ne comptait bien sûr la population autochtone répartie en une multitude de tribus. Et qui dit naissance dans le cas d’une terre déjà habitée, oublie souvent de dire que c’est le début de la fin pour la culture et la liberté de ceux qui étaient déjà là bien avant, fût-ce depuis des millénaires.

Quatre cents « Men-oui-oui » donc, comme les appelaient les Kanak, « au verbe haut et à la peau rouge, qui sillonnent le pays à grand pas, creusent des trous sans rien y mettre, lavent l’eau des rivières sans la boire ».

« Quand les White Men sont contents, à l’occasion d’un anniversaire ou pour marquer un grand événement, ils tirent dans le vide. Pour le plaisir. Celui d’exhaler tant de puanteur que le ciel recule ».

Les enfants de Lazare, Nicolas Zeimet (par Catherine Dutigny/Elsa)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 17 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jigal

Les enfants de Lazare, septembre 2018, 296 pages, 19 € . Ecrivain(s): Nicolas Zeimet Edition: Jigal

 

« Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit : déliez-le, et laissez-le aller ». Ce passage de L’Évangile selon Saint Jean contant la résurrection de Lazare nous interroge sur la possibilité d’une vie après la mort, sur la frontière ténue entre l’état conscient et l’arrêt définitif des fonctions cérébrales. Par extension, il nous interpelle également sur les expériences de mort imminente (EMI) avec ses visions, ses sensations de « décorporation ».

Sujet de réflexion aux frontières de la philosophie et du mysticisme, que l’on soit croyant ou non, sujet d’interrogation pour les médecins et les scientifiques qui peinent toujours à définir de manière précise le passage de la vie à la mort, mais aussi un sujet fort tentant pour des auteurs de romans policiers, de thrillers ou de fantastique.

Nicolas Zeimet s’en empare en privilégiant l’enquête journalistique, l’empathie avec les victimes et l’entêtement du héros principal dans la recherche de la vérité au détriment de ce qui aurait pu n’être qu’une exploration clinique supplémentaire du phénomène, colorée de suspense plus ou moins sanguinolent.

Le Train d’Erlingen ou La métamorphose de Dieu, Boualem Sansal, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 16 Octobre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Maghreb, Gallimard

Le Train d’Erlingen ou La métamorphose de Dieu, août 2018, 248 pages, 20 € . Ecrivain(s): Boualem Sansal Edition: Gallimard

Très rares sont les écrivains qui, dès le seuil de leur œuvre, acceptent de reconnaître leurs dettes à l’égard de leurs prédécesseurs. En général, les auteurs entendent surtout que l’on admire leur puissante originalité créatrice. Dès lors, c’est le travail – plutôt ingrat – de la critique littéraire et de l’exégèse universitaire, que d’indiquer les « sources » auxquelles l’auteur a bu, les influences subies, qu’elles aient ou non été conscientes.

Boualem Sansal salue Thoreau, Baudelaire, Kafka, Gheorghiu, et Buzzati : du beau monde, comme on dit. Certains passages du Train d’Erlingen sont des commentaires de leur œuvre, qui feraient honneur à un critique professionnel. Le roman entrelace de façon subtile deux histoires, aussi fictives, mais pas aussi vraisemblables, l’une que l’autre. Boualem Sansal est un authentique créateur – un des derniers ? – qui ne se réfugie pas derrière la tentation facile de la biographie écrite ou filmée. Les protagonistes sont deux femmes (le mot « héroïne » ne leur convient guère) que tout sépare : le lieu, la fortune (aussi bien la richesse que le destin), le statut social. Riche héritière d’un conglomérat alimentaire, Ute von Ebert vit à Erlingen, une de ces bourgades allemandes où le temps semble s’être arrêté, désormais en proie à une fièvre obsidionale.