Identification

Poésie

Ni loin ni plus jamais suivi de Salabreuil le magnifique, Isabelle Levesque

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 03 Juillet 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Ni loin ni plus jamais suivi de Salabreuil le magnifique, éd. Le Silence qui roule, avril 2018, 36 pages, 9 € . Ecrivain(s): Isabelle Levesque

 

Rendre vie et hommage à un grand poète tôt disparu, Salabreuil, né en 1940, décédé en 1970 : tel est le vœu de l’auteure, versée dans la lecture du grand aîné depuis longtemps. Sur le terreau de citations tirées de L’Inespéré (Gallimard, 1969), Isabelle Lévesque – quinze recueils depuis 2010 – donne à Il a neigé sur de l’aurore et à « l’ossuaire d’en haut qui s’écroule » de dignes prolongements, où « l’ardeur est telle/encore », la ferveur et la lucide appréhension d’un univers marqué, chez le poète regretté, du sceau d’un « cri » non entendu, d’amour mal vécu, de l’Absence qui trouve ici à se décliner. À rebours, la neige, le poème, cette flambée de mots à l’adresse de celui qui a « brûlé » ses espérances. Lévesque, page 29, nous dit :

Un poète aimé ne meurt pas. Il renaît dans les mots du poème… il habite ce que nous écrivons à notre tour…

La poète convoque, saganesque, « les bleus de l’âme », multiplie les appositions, joue de l’intime correspondance :

Le graillon, Guillaume Déloire

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 29 Juin 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les Vanneaux

Le graillon, 2018, 233 pages, 17 € . Ecrivain(s): Guillaume Déloire Edition: Les Vanneaux

 

La vie est là, qui fut, il y a trois ou quatre générations, qui fuse encore attablée au comptoir, « un ballon de rouge » dans les tripes, un « foie de génisse » dans les entrailles de la mémoire, encore vivante, servie dans le plat du jour des souvenirs.

Un poète « ayant échoué » pour devenir fonctionnaire –

« le jury a trouvé ma présentation trop lyrique

et je n’ai pas su répondre l’obéissance

quand ils m’ont demandé de leur dire

la principale obligation du fonctionnaire »

– traverse à bord de la mythique Fiat 126 « pétaradante » un ancien quartier d’usines où travaillèrent d’arrache-mains des ouvriers comme ses grands-parents.

Cueillette matinale, Martine Rouhart

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 29 Juin 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Cueillette matinale, éditions Demdel, mai 2018, 67 pages, 10 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart

 

La multi romancière, notamment récemment de La Solitude des étoiles(éd. Murmure des soirs), se jette à corps perdu dans une tendre poésie avec une profondeur que ne laisse pas soupçonner le titre.

Martine pratique la discrétion comme un oiseau le vol.

Son instinct va au-delà du poème, au-delà d’une cage aux ailes grandes ouvertes comme elle ouvre ses bras : « s’évader de toutes les cages, s’attaquer au vide », nous dit-elle. Cette attitude m’a fait penser à celle de Catherine Deneuve dans La Sirène du Mississipi, un film de François Truffaut de 1969 où l’héroïne attend avec une cage à oiseaux sur un quai portuaire… La cage et l’oiseau : la liberté et son contraire… dans un même mouvement… l’important étant le moment où quelque chose ou quelqu’un intervient au niveau de l’ouverture, au niveau de l’échappatoire…

Son coup d’essai poétique est derechef un coup de maître : éloquence mesurée des mots, simplicité ouverte à des poésies suggérées davantage qu’écrites. Cela rend son secret intérieur encore mieux lumineux et participatif : « c’est l’heure du voyage muet au fond de soi/ l’heure de retrouver les absents ».

Ma Patagonie, Guénane

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 14 Juin 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Ma Patagonie, La sirène étoilée, novembre 2017, 47 pages, 12 € . Ecrivain(s): Guénane

 

« le bout du monde ressemble au début du monde »

 

Ce recueil est un hommage, un magnifique et poignant hommage à une terre et à ses habitants disparus.

 

« L’horizon les dents du vent

aimantent les solitaires

les rêveurs de rupture

ceux qui ne craignent de se rencontrer »

Matières grises, Michel Joiret, Thomas Joiret, Romain Mallet

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 13 Juin 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Matières grises, Michel Joiret, Thomas Joiret, Romain Mallet, Opium éditions, 2011, préface Werner Lambersy, 199 pages, 34,90 €

 

Comment définir, d’emblée, un « livre-architecture » qui, avec deux mots déjà habilement pensés sur la page de couverture, suscite et fait appel à nos émotions les plus profondes, les plus enfouies, les plus nécessaires ?

Car « marcher là où trempent les rayons » nous éclaire au-delà de nous-mêmes, consultés que nous sommes par notre propre infini, ce que révèle, notamment, le titre de « matières grises ».

« Vois ce que sont les Pattes de mouche de la pensée Les gargouilles inintelligibles de L’encre » clame à qui veut l’entendre (et aussi aux mouettes) Michel Joiret dans ce livre interrogatif au-delà du questionnement lui-même.

La chair et l’esprit, intergénérationnels, se muent en phrases concises et autres cabines de plage comme abandonnées dans la photo sublimant l’instant saisi par les talents alternatifs de Thomas Joiret et Romain Mallet combinant l’œil du professionnel aux mots d’un poète confirmé.