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Pays de l'Est

Une trop bruyante solitude, Bohumil Hrabal

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 05 Janvier 2017. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Pavillons (Poche)

Une trop bruyante solitude (Prilis hlucna samota, 1976), trad. tchèque Anne-Marie Ducreux-Palenicek , 126 pages . Ecrivain(s): Bohumil Hrabal Edition: Pavillons (Poche)

 

Les livres vivent. Ils meurent aussi. Envoyés au pilon, ils passent par des presses qui en font des cubes de papier, compressés après avoir été déchiquetés. Depuis trente-cinq ans, l’homme est aux commandes de sa presse artisanale, à compresser de vieux papiers qui furent des livres. Qui sont encore des livres qu’il sauve parfois et auxquels il assure une belle fin, qui les mette en valeur une fois qu’il a pu les feuilleter et les lire. Une presse et une trappe qui donne sur la cour où l’on décharge les vieux papiers sont le décor de toute sa vie. Parfois une tête furibarde se manifeste, pour lui crier des ordres, lui reprocher son laisser aller, son retard… Et l’homme continue à sauver pour un temps quelques livres, à leur offrir un digne tombeau de papier compressé, entre quelques litres de bières.

Souillés, déchirés, dévorés par les souris et enfin écrasés, les livres survivent cependant comme autant d’œuvres, de cubes de papier transfigurés par une attention finale : une page ouverte, une couverture, une reproduction soigneusement déposée avant l’écrasement final. Quant aux images et aux idées que les auteurs ont déposées sur les pages desdits livres, elles survivent aussi à l’écrasement et à la destruction car elles se sont déjà fondues en l’homme qui commande la presse.

Kronos, Witold Gombrowicz

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 08 Décembre 2016. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, Stock

Kronos, septembre 2016, trad. polonais Malgorzata Smorag-Goldberg (Notes Rita Gombrowicz et la traductrice, Introduction Rita Gombrowicz, Préface Yann Moix), 380 pages, 24 € . Ecrivain(s): Witold Gombrowicz Edition: Stock

 

Le moi-écrivant dans le temps

« Je n’écris rien », W. Gombrowicz

« C’est la vie à l’œuvre », Yann Moix

 

Dieu sait si nous avons aimé, rendu à ses mystères et lumières, à ses apparents paradoxes, à ses provocations légitimées dans une pensée loin portée, l’œuvre romanesque (Ferdydurke, Trans-Atlantique, La Pornographie, Le Mariage, Cosmos) et théâtrale (Yvonne, princesse de Bourgogne) de l’écrivain Witold Gombrowicz, et combien les pages de son Journal, marquées par l’esprit toujours en éveil, soupçonneux des trucages et faux-semblants littéraires, chargées d’observations aiguës, d’analyses inattendues, nous ont retenu. Pour ces raisons, les pages rétro-introspectives qui nous sont données avec ce Kronos, qui ne diminuent en rien notre admiration, nous surprennent cependant. Qu’en retenir ? Qu’y cerner ?

Un fond de vérité, Zygmunt Miloszewski

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 01 Décembre 2016. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Mirobole éditions

Un fond de vérité (Ziarno prawdy, 2014), trad. polonais Kamil Barbarski, 475 pages, 22 € . Ecrivain(s): Zygmunt Miloszewski Edition: Mirobole éditions

 

Ce polar, le deuxième de l’auteur qui en a écrit et publié trois à ce jour, risque de vous poser, cher lecteur, une première difficulté : comment prononcer les noms des personnages, des lieux, de l’auteur… C’est que pour la majorité d’entre nous, le polonais c’est un peu une énigme phonétique. Même une fois que c’est traduit. L’autre difficulté, c’est de comprendre une société dont on connaît mal, peu ou pas du tout l’histoire, la culture, le fonctionnement… Une fois passés en revue nos souvenirs concernant la Shoah, le ghetto de Varsovie, puis les chantiers navals de Gdansk et la figure de Lech Walesa qui inspira en son temps le cinéaste Andrzej Wajda récemment disparu (L’Homme de marbre puis L’Homme de fer). N’oublions pas non plus la figure de Jean-Paul II (Karol Jozef Wojtyla). Pays catholique, oh combien. Doté aussi d’une histoire dont les juifs ont largement fait les frais, sur fond de folklore ashkénaze et d’antisémitisme « décomplexé ». Il y a aussi cette fameuse image du plombier polonais pour achever de faire écran entre nous et ce pays de buveurs de vodka au bison.

Métamorphoses d’un Mariage, Sándor Márai

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 30 Novembre 2016. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Métamorphoses d’un Mariage, trad. hongrois Zéno Bianu et Georges Kassai, 512 pages, 7,60 € . Ecrivain(s): Sandor Marai Edition: Le Livre de Poche

 

Parmi les auteurs phares de la Mitteleuropa, on cite volontiers Stefan Zweig, Arthur Schnitzler ou encore Joseph Roth ; depuis quelques années et un programme de traduction en français toujours en cours, on sait que l’on doit leur adjoindre le Hongrois Sándor Márai (1900-1989), entre autres pour les romans Les Braises, L’Etrangère ou encore le récemment publié par Albin Michel La Nuit du Bûcher. Chacun des romans lus de cet auteur est une fête de l’esprit, une plongée dans l’âme humaine digne des plus grands, qu’ils proviennent de l’ancien Empire austro-hongrois ou qu’ils soient américains (Henry James) ou français (Marcel Proust) ; s’il existe une chose telle qu’un prix Nobel de Littérature à titre posthume, voici un sérieux prétendant, et si la mauvaise foi guide cette assertion, qu’elle soit mise au compte de l’émerveillement littéraire. Quant au présent Métamorphoses d’un Mariage (Az igazi, Judit… és az utóhang, 1980, traduction en 2006), par son dispositif narratif imparable et sa capacité à embrasser le global, le sort de la Hongrie, au travers de l’intime, le sort d’un couple bourgeois, il ne fait que conforter cette opinion.

La Neige de Saint Pierre, Léo Perutz

Ecrit par Zoe Tisset , le Mardi, 08 Novembre 2016. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Zulma

La Neige de saint Pierre, octobre 2016, trad. allemand Jean-Claude Capèle, 240 pages, 9,95 € . Ecrivain(s): Leo Perutz Edition: Zulma

 

C’est un roman qui frôle le fantastique, un peu à la manière de Borges qui admirait beaucoup Perutz. Le ton est parfois très malicieux, ainsi lorsque George Friedrich Amberg, personnage principal, attend impatiemment une jeune femme. « …Eh oui ! Le temps chausse deux paires de chaussures différentes, poursuivit le fantôme. Avec l’une, il boite, avec l’autre, il fait des bonds. Et aujourd’hui, dans cette pièce, le temps a chaussé ses chaussures de boiteux, il ne veut pas passer ».

Un jeune médecin se réveille dans un lit d’hôpital, il se souvient d’évènements passés que personne n’accrédite. « (…) j’avais l’impression de ne plus être là, d’être couché dans un lit d’hôpital quelconque ; c’était une sensation très concrète, je sentais quelque chose d’humide et de chaud sur le front et dans la nuque, et j’essayais de m’en saisir, mais soudain, je ne parvins plus à bouger le bras et j’entendis les pas feutrés de l’infirmière. Il semble qu’à ce moment là, j’ai eu pour la première fois la vision de l’état dans lequel j’allais me trouver à la fin de toutes ces aventures ».