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Pays de l'Est

Petits travaux pour un palais, László Krasznahorkai (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 15 Janvier 2025. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, En Vitrine, Cambourakis, Cette semaine

Petits travaux pour un palais, László Krasznahorkai, Éditions Cambourakis, septembre 2024, trad. hongrois, Joëlle Dufeuilly, 107 pages, 16 € Edition: Cambourakis

 

herman melvill pense ne pas très bien écrire mais il a un flot de choses à dire. Même avec les minuscules de son nom, il a donc décidé d’écrire ce qui lui tient à cœur et qui relève, essentiellement, de son identité. Du sarcasme imbécile des copains d’école – t’es venu sans ta baleine ? – à une sorte de respect mal venu, herman se dépatouille depuis toujours avec Herman. Melville, lui.

herman-le-petit porte l’ombre écrasante de Herman-le-grand comme une démonstration perpétuelle de sa petitesse.

Je ne suis qu’un bibliothécaire, de petite taille, un peu bedonnant, et souffrant d’un affaissement de l’arche interne du pied, je parle sérieusement, je suis vraiment petit et j’ai vraiment une bedaine, petite, certes, mais tout de même, par ailleurs, comme je l’ai déjà mentionné, je souffre depuis l’enfance de surpronation, et mon seul signe particulier digne d’intérêt réside dans mon nom, alors qui pourrait bien s’intéresser à moi ?

Le village secret, Susanna Harutyunyan (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 04 Novembre 2024. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Le village secret, Susanna Harutyunyan, Les Argonautes Éditeur, février 2024, trad. arménien, Nazik Melik Hacopian-Thierry, 218 pages, 22 €

 

C’est à un voyage hors du temps que nous sommes conviés à la lecture de ce texte, hors du temps puisqu’aucune date précise n’est donnée, mais daté cependant quand il a comme toile de fond, tout juste évoquée, le génocide de 1915 ou encore l’ère soviétique.

Un voyage hors du temps parce que Susanna Harutyunyan « conjugue les souffrances du peuple arménien avec la poésie de ses légendes ».

Le village secret est donc situé en Arménie, aux confins des montagnes, secret parce qu’il n’est connu de personne « à l’extérieur », secret parce que s’y réfugient ceux qui ont par miracle échappé aux tueries.

Un Shtetl, suivi de Père et fils, Yitskhok Meyer Weissenberg (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 30 Avril 2024. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Classiques Garnier

Un Shtetl, suivi de Père et fils, Yitskhok Meyer Weissenberg, Classiques Garnier, 2023, trad. yiddish, Jean Spector, 132 pages, 22 € Edition: Classiques Garnier

Les œuvres d’Yitskhok Meyer Weissenberg (1881-1938) appartiennent à une Atlantide doublement engloutie : celle de la littérature d’expression yiddish, d’une part, cette langue jadis parlée de l’Alsace à la Russie et qui, sans en avoir le prestige politique, religieux et intellectuel, connut seule une extension géographique comparable à celle du latin. Certes, il demeure en Israël et aux États-Unis des locuteurs de yiddish et même des écrivains qui publient dans cette langue. Mais – et c’est le second point – le yiddish israélien ou américain est fondamentalement une langue déracinée, car le terreau de cet idiome furent les shtetleh, ces bourgades juives d’Europe orientale, qui n’étaient pas à proprement parler des ghettos, mais des villages où la population était majoritairement juive, bien qu’il ne fût pas expressément interdit à un catholique de s’y établir – et cette cohabitation, qui donna lieu parfois à des scènes touchantes, fut incarnée par le personnage du shabbes goy, ce chrétien (qui finissait par connaître, sinon la théologie sous-jacente, du moins les usages du judaïsme, la praxis, aussi bien que les Juifs eux-mêmes) rémunéré par la communauté juive pour accomplir les besognes prohibées durant les fêtes religieuses, à commencer par le shabbat

Le soleil, la lune et les champs de blé, Temur Babluani (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 07 Mars 2024. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi

Le soleil, la lune et les champs de blé, Temur Babluani, Editions du Cherche-Midi, Coll. Les Passe-Murailles, janvier 2024, trad. géorgien, Maïa Varsimashvili-Raphaël, 688 pages, 23,50 € Edition: Le Cherche-Midi

 

Par comparaison à tel roman qu’on qualifie de fleuve, voici un roman maelstrom.

Le héros, narrateur de sa propre histoire, est le fils d’un modeste cordonnier exerçant son métier dans un quartier cosmopolite populaire de Tbilissi. Au début des années 70, alors que la Géorgie est encore une des républiques d’URSS, le jeune Djoudé Andronikachvili partage malgré des conditions de vie difficiles une jeunesse insouciante avec sa belle fiancée Manouchak, et son ami juif Haïm, qui lui voue une gratitude éternelle pour avoir pris le parti de la communauté ashkénaze, victime d’une grave offense, perpétrée lors d’une cérémonie de deuil par des membres d’un gang de voyous pratiquant racket, trafics en tous genres, intimidations et violences allant jusqu’au meurtre sous la protection notoire d’une police corrompue jusqu’à la moëlle.

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 19 Janvier 2024. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski, Actes Sud, 2016, trad. polonais, Margot Carlier, 448 pages, 23,80 € Edition: Actes Sud

 

Cet imposant roman de Myśliwski constitue une invite à un foisonnant vagabondage mémoriel. Ecrit à la première personne par un narrateur qui se livre, et ce faisant, potentiellement, se délivre, il conduit le lecteur à décomposer et recomposer le cheminement d’une vie, dans sa plus stricte intimité, par le recoupement d’une série d’épisodes se succédant, se chevauchant parfois, d’une manière absolument décousue, ce qui apparaît comme pouvant métaphoriquement évoquer la période durant laquelle le personnage, alors jeune apprenti tailleur, a pour tâche unique, répétitive, de découdre des vêtements apportés par les clients dans la perspective qu’en soient réutilisées les pièces pour la création d’un nouvel habit.

« Même les gens m’apparaissaient comme à travers leurs coutures, et plus j’observais quelqu’un, plus je ne retenais de lui que ses coutures. En apparence, la personne semblait entière, mais à regarder de plus près, elle se révélait rapiécée avec des morceaux, des bouts, des fragments divers… ».