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Pays de l'Est

Le Compagnon de voyage, Gyula Krúdy

Ecrit par Yann Suty , le Lundi, 27 Août 2018. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Baconnière

Le Compagnon de voyage, mai 2018, trad. hongrois François Gachot, 152 pages, 10 € . Ecrivain(s): Gyula Krudy Edition: La Baconnière

Le problème, quand on prend le train, c’est qu’on ne choisit pas ses voisins. Il y en a des sympathiques, d’autres antipathiques. Des voisins indifférents, d’autres qui lisent. Et il y a les bavards, les gens qui ont envie de parler, mais pas seulement de parler, de raconter leur vie dans ses menus détails, comme s’il était plus facile de se confier à un inconnu. C’est ce qui arrive au narrateur du livre de Gyula Krúdy, Le Compagnon de voyage, lors d’un voyage « au clair de lune ». Un narrateur qui va aussitôt se retirer pour laisser la parole à un autre narrateur.

Et ce compagnon de voyage entreprend de lui relater l’histoire qui lui est arrivée des années, à une époque où il aimait encore « la perpétuelle odeur de bière et de ragoût au paprika qui vous accueillait à l’entrée de l’auberge ». « A cette époque, j’étais encore un homme gai »,avertit-il. A cette époque, il multiplie les conquêtes d’un jour ou d’un soir, il n’a aucune intention de se fixer jusqu’au jour où, dans une pension d’une petite ville de Haute-Hongrie où il pense ne faire que passer, il rencontre une certaine Madame Hartvig. C’est sa logeuse, une femme dans les trente à quarante ans, dont les traits se sont révélés lentement à lui, « à la manière d’une figure de rêve ». Le narrateur est subjugué par les jambes de la femme (« Comme une nonne qui serait née avec des jambes de putain ») et c’est pourquoi il décide de rester plus longtemps dans la petite ville de X pour tenter de la séduire, dans « l’état d’esprit romantique d’un ravisseur ».

Lettres d’Angleterre, Karel Capek (2ème critique)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Correspondance, La Baconnière

Lettres d’Angleterre, trad. tchèque, Gustave Aucouturier, 171 pages, 12 € . Ecrivain(s): Karel Čapek Edition: La Baconnière

Sus au Brexit. Ce n’est pas parce que les Anglais tournent le dos à l’Europe que nous devons les ignorer. Il y a tant de choses à voir chez nos voisins d’outre-Manche qu’il serait dommage de ne pas y faire un petit tour.

Pour découvrir (ou redécouvrir) un pays étranger, un guide touristique est indispensable. Et quel meilleur guide qu’un écrivain ? Certes, il ne va pas forcément s’intéresser aux horaires d’ouverture de la National Gallery ou de la Tour de Londres – à tant de données bassement pratiques –  mais il peut nous présenter le pays autrement, en empruntant des chemins de traverses. Ajoutez-y quelques considérations humoristiques ou morales et on se retrouve très loin du Guide du routard.

Notre guide, c’est Karel Capek. Il voyage en Grande-Bretagne et il y écrit des lettres pour faire partager ses découvertes. Et quand les mots ne suffisent pas – même quand on est une plume ingénieuse comme l’auteur de La Guerre des salamandres – il ajoute des dessins. A croire qu’une image est plus parlante qu’un long discours. Mais quel que soit le talent de celui qui s’y attèle, une photo de horse-guard sera sans doute plus parlante qu’une description pour rendre compte de ce haut chapeau haut et étroit, noir et poilu dont s’affublent les gardes de sa Majesté. Les habitudes anglaises peuvent-elles mettre à mal les plus fieffés lettrés ?

Combat et création, Zbigniew Herbert et le cercle de la revue Kultura (1958-1998)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 01 Mars 2018. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Combat et création, Lettres choisies, présentées et trad. polonais Brigitte Gautier, Éditions Noir sur Blanc, octobre 2017, 158 pages, 19 € . Ecrivain(s): Zbigniew Herbert

 

On connaît la formule assassine d’Alfred Jarry présentant son Ubu roi et affirmant que la pièce se déroule en Pologne, « c’est-à-dire nulle part ». N’en déplaise à l’illustre soûlographe, la Pologne se trouve bien quelque part, en Pologne bien sûr, mais également ailleurs… grâce à un phénomène marqué d’émigration. Plusieurs écrivains polonais du XXe siècle, et non des moindres (Joseph Conrad, Witold Gombrowicz, Czesław Miłosz), passèrent une bonne part de leur existence hors de Pologne et, parfois même, hors d’Europe. Cette diaspora intellectuelle disposait de ses propres réseaux éditoriaux (distincts de ceux actifs en Pologne, sous le joug communiste) et de ses propres revues, parmi lesquelles Wiadomości (Les Nouvelles, éditée à Londres) et Kultura, publiée en France de 1947 à 2000 (année où mourut son rédacteur en chef, Jerzy Giedroyc).

Lettres d’Angleterre, Karel Čapek

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 21 Novembre 2017. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Correspondance, Voyages, La Baconnière

Lettres d’Angleterre, octobre 2017, trad. tchèque Gustave Aucouturier, 184 pages, 12 € . Ecrivain(s): Karel Čapek Edition: La Baconnière

 

 

En 1924, le florissant et puissant Empire Britannique s’autocélébrait dans une grande exposition coloniale, la British Empire Exhibition, à Wembley, aujourd’hui plus connu pour son stade. Bien entendu, celle-ci était ouverte à d’autres que les sujets de sa gracieuse majesté, le roi George V. L’écrivain tchèque Karel Čapek, également journaliste aguerri – et connu depuis l’année précédente à Londres comme auteur dramatique, sa pièce R.U.R., à laquelle on attribue la création du mot « robot » ayant été traduite et jouée au St Martins Theatre avec le célèbre acteur Basil Rathbone – y fut invité. L’auteur de La fabrique d’absolu en profite pour visiter Londres et l’Angleterre, mais aussi le Pays de Galles et l’Ecosse (il ne parviendra pas à visiter l’Irlande) et en rapporte ces lettres d’Angleterre, un journal de voyage illustré de ses propres dessins.

La Poupée russe, Gheorghe Craciun

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 22 Septembre 2017. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

La Poupée russe (Pupa rusa), mai 2017, trad. roumain Gabrielle Danoux, 450 pages, 25 € . Ecrivain(s): Gheorghe Craciun Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Quel destin que celui de Leontina, l’héroïne de ce roman fleuve !

Porteuse de tous les espoirs, de toutes les illusions, de tous les excès, de toutes les déviances du régime communiste, en particulier durant les trente-cinq années de pouvoir de Ceausescu, Leontina suit une trajectoire aléatoire, dont le sens lui échappe, dans une société marquée par l’arbitraire du népotisme et par la bureaucratie du parti, tatillonne, suspicieuse et pleine de menaces, dont le bras justicier est incarné par la tristement célèbre Securitate.

Belle, sportive de haut niveau, membre de l’équipe nationale de basket, après une éphémère velléité, lors d’un déplacement à l’étranger pour un tournoi international, de déserter, Leontina s’intègre avec succès dans la société kafkaïenne de l’ère Ceausescu et profite à corps perdu de la seule liberté totale qui lui est faite, celle d’une vie sexuelle sans attache, ponctuée de partenaires multiples, licence sexuelle censée représenter le revers révolutionnaire du mariage bourgeois mais vite devenue instrument d’ascension sociale aussi nécessaire que la délation.