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Pays de l'Est

Aventures dans l’armée rouge, Jaroslav Hašek

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 01 Mars 2016. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Baconnière

Aventures dans l’armée rouge, novembre 2015 (première traduction française en 1979 sous le titre Les formes du secret), trad. tchèque Héléna Fantl, Rudolph Bénès (Velitelem města Bugulmy, 1921), illustrations de Josef La . Ecrivain(s): Jaroslav Hašek Edition: La Baconnière

 

Jaroslav Hašek (1883-1923) pourrait bien faire partie de ces quelques écrivains qui ne sont souvent pour le public, que les auteurs d’un seul livre, en l’occurrence Le Brave Soldat Chveïk, largement traduit de par le monde, dont on connaît surtout le premier des trois volumes que finalisa leur auteur (sur les six qu’il avait prévus).

Pour apprécier pleinement l’humour férocement absurde et trop réaliste de Jaroslav Hašek, il n’est sans doute pas inutile de savoir que l’homme était connu pour un engagement anarchiste, mâtiné de revendications proprement tchèques et qui ne l’a pas empêché de fréquenter différentes armées, autrichienne puis soviétique, dans les temps troublés de la première guerre mondiale. Ce sont ces quelques mois passés au sein de l’Armée rouge en tant que « commissaire », entre 1918 et 1920, qui lui inspireront les pages de ces aventures. Il y apparaît bien en tant que lui-même (le passage par la langue russe transformant son nom en Gasek) et non sous la figure de Chveïk qu’il adoptera peu après.

Le fou, Raffi

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 09 Février 2016. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le fou, éd. Bleu Autour, trad. arménien Mooshegh Abrahamian, 392 pages, 15 € . Ecrivain(s): Raffi (Hakob Melik Hakobian)

 

 

« Bayazed était assiégée. Des Turcs, des Kurdes, des Tsiganes, des Djoulo et plus de vingt mille bachi-bouzouks s’étaient joints dans une grande confusion aux troupes régulières turques. La ville, encerclée, à demi détruite, n’était plus qu’un immense brasier. Les maisons des arméniens chrétiens étaient vides. Leurs habitants avaient été passés au fil de l’épée ou faits prisonniers par les barbares. Rares étaient ceux qui étaient parvenus à fuir jusqu’à la ville frontière de Magou, en territoire perse ».

Ainsi commence le roman de Raffi, l’écrivain arménien du 19ème siècle. Le roman a pour cadre la guerre russo-turque de 1877-1878, guerre au cours de laquelle Turcs et Kurdes perpétrèrent des massacres sur les Arméniens. Le prétexte de cette guerre fut idéal pour accuser les Arméniens d’intelligence avec l’ennemi, les Russes, pour désarmer les sujets arméniens, puis pour les massacrer, ou les enrôler dans l’armée turque au front.

La Nuit du Bûcher, Sándor Márai

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Janvier 2016. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

La Nuit du Bûcher, octobre 2015, trad. hongrois Catherine Fay, 272 pages, 19 € . Ecrivain(s): Sandor Marai Edition: Albin Michel

 

Depuis quelque temps, sous l’excellente plume traduisante de Catherine Fay, Albin Michel continue son programme de publication de l’œuvre du Hongrois Sándor Márai (1900-1989), entamé en 1992, gratifiant en 2015 l’amateur de l’auteur des Braises et de La Nuit du Bûcher, Erösítö en hongrois : littéralement « confortateur », celui en charge de conforter un hérétique dans sa conversion durant les grandes heures de l’Inquisition italienne, fin du XVIe siècle, début du XVIIe siècle. En effet, contrairement à nombre de romans signés Sándor Márai traduits en français à ce jour, celui-ci n’est pas un récit de la Mittel-Europa déclinante, un de ces récits qui ont permis de dresser des comparaisons aussi élogieuses que méritées entre Márai et Zweig, Roth ou Schnitzler ; La Nuit du Bûcher, sous un titre français un rien malheureux car donnant l’impression qu’un seul moment compte, raconte seize mois dans la vie d’un carmélite castillan originaire d’Avila, la ville de Thérèse, arrivé à Rome en novembre 1598 pour y étudier les méthodes inquisitoriales italiennes et ainsi répondre à une question cruciale, éliminer ce « doute qui […] rongeait au moment de délivrer la sentence et de l’exécuter, [qui] concernait la parole d’un hérétique qui se convertit : pouvait-on y croire et quel était le signe attestant de la sincérité de cette conversion ? »

Le Mendiant de la beauté, Attila Jozsef

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mercredi, 09 Décembre 2015. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Le Temps des Cerises

Le Mendiant de la beauté, bilingue, 2014, 220 pages, 14 € . Ecrivain(s): Attila Jozsef Edition: Le Temps des Cerises

 

En convoquant des métaphores innovantes, cette poétique s’écarte du conventionnel : Et sur le cou des boulevards enragés / se gonflent les veines « et sait négocier la chute ». C’est un beau soir d’été.

Cette toute jeune voix annonce la grande poésie de la maturité quand elle tutoie la mort et les ténèbres, influencée par l’expressionnisme allemand, et que, paradoxalement, la nuit qu’elle décrit est baignée de lumière par la lune et le soleil. Aussi la lecture des textes de ce recueil peut-elle être source de joie comme dans le poème Attente, dont l’ambiance féerique évoque un château qui dort « gardé par une dame divine ». Hommage au réel également au moyen de la description d’une moisson, de son blé et de son « soleil en colère » qui manifeste un véritable sens de l’art pictural. Le poète au tempérament mélancolique et tragique peut aussi faire preuve d’exaltation et d’optimisme : « Renaissante, la vie est là ». Avec, pourtant, la conscience que tout est périssable, se fond la recherche de l’amour idéal dans un lyrisme discret : « j’aimerais voir tes yeux » et la quête conjointe de L’Unique. L’émotion est là s’exprimant dans sa maturité ; elle fait naître les mots de bien des vers. Les mots, par exemple, d’un de ceux du Chant de la force : « Et l’horizon n’a pas encore ébréché mes yeux » ; le poète n’a alors que 17 ans.

La fiancée de Bruno Schulz, Agata Tuszynska

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mardi, 24 Novembre 2015. , dans Pays de l'Est, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

La fiancée de Bruno Schulz, septembre 2015, trad. polonais Isabelle Jannès-Kalinowski, 400 pages . Ecrivain(s): Agata Tuszynska Edition: Grasset

« J’étais convaincue que le monde était composé de mots. J’étais prête à me donner corps et âme à cette vision. Et à Bruno, car c’était lui qui m’avait ouvert les yeux ».

Józefina Szeliska, dite Juna, juive convertie au catholicisme, est lumineuse à 28 ans quand elle rencontre pour la première fois Bruno Schulz. Il en a 13 de plus qu’elle. Elle est professeur de lettres polonaises, diplômée de l’université de Lwów, traductrice, curieuse et dans la pleine possession d’une force irrésistible, sa jeunesse. Belle comme une Antilope en bronze, elle deviendra entre 1933 et 1937 sa fiancée, sa muse… Bruno quant à lui, est un artiste tourmenté, comme le feu et la cendre, peintre, dessinateur, il pouvait être timide et débauché à la fois. Ils partageaient tous deux leur intérêt pour les œuvres de Rainer Maria Rilke, Thomas Mann et Kafka dont ils traduisirent Le Procès pour la maison d’édition Rój, lui s’occupant de la teneur stylistique, elle de la traduction. Mais Juna aimait les arbres, la pluie, le vent et de longues promenades dans Drohobycz, située en Pologne, ville provinciale de Galicie orientale et aujourd’hui en Ukraine. Bruno préférait voir la nature par le prisme de lectures, de tableaux, comme la résolution d’énigmes métaphysiques, une survie comme un principe essentiel. Prolongement de l’art, comme une promesse, un salut à cette vie trop sombre, d’un homme trop sensible à la vérité, en dehors d’une notoriété superficielle. Il n’avait pas l’âme d’un voyageur, ni celui d’un mari, seul le masque de l’artiste rongé par l’inquiétude semblait l’accompagner tout au long de sa vie…