Identification

Nouvelles

Les orages, Sylvain Prudhomme (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 01 Février 2021. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les orages, janvier 2021, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Sylvain Prudhomme Edition: Gallimard

Les orages est un recueil de nouvelles racontant chacune un moment plus ou moins extraordinaire d’une vie ordinaire, un moment où quelque chose se fissure ou se fêle, grince ou glisse, s’ouvre ou se ferme, pour le pire ou le meilleur – ou pour on ne sait quoi. Si l’on en croit le titre, un orage… qui menace plutôt qu’il n’éclate : ce mot laisse attendre une violence qu’on ne trouve guère dans ces nouvelles, comme si l’auteur n’allait pas au bout de son projet, restait en-deçà, au seuil de l’orage, ouvrant une faille sans y faire tomber personne. Ce qu’on trouve, en revanche, c’est le retour au calme après l’esquisse ou l’idée d’une tempête – on se demande alors ce qui résultera et restera de ces instants d’intensité variable à occurrence unique – et ce qui éclate, ce serait plutôt la vulnérabilité des personnages mis à nu, leur carapace.

Parmi ces récits, assez disparates, certains émeuvent, à des degrés divers, parce que nous connaissons tous, ou connaîtrons un jour, ces instants où a lieu, inopiné, un événement, aussi infime soit-il, qui infléchit ou bouleverse notre existence, qui nous dépouille, un bref ou long moment : ainsi celui où un vieil homme armé d’un taille-haie est pris d’une crise de démence sénile, aussi grotesque que poignante ; ou celui où Awa, une jeune Sénégalaise, se résout à dépenser toutes ses économies pour payer une vaine chimiothérapie à son frère presque mort, et renonce à ses projets, comme si un fatum le lui commandait. D’autres laissent assez indifférent, semblent anodins : ainsi celui où un homme fait l’état des lieux de l’appartement qu’il vient de vendre, songe aux années qu’il y a passées et contemple les traces que lui et sa compagne y ont laissées, ou celui où un homme découvre sa propre tombe au cimetière Lachaise et apprend qu’il ne lui reste que quarante années à vivre.

Aller où ?, Serge Cazenave-Sarkis (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 09 Novembre 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Aller où ?, Serge Cazenave-Sarkis, Editions de l’Abat-Jour, Coll. Lumen, septembre 2020, 140 pages, 7 €

De nouvelles en nouvelles

Question littérature, les éditeurs, la presse et l’opinion établissent parfois de curieuses et bien discutables hiérarchies. Ainsi du genre de la nouvelle que l’on considère, à tort, comme secondaire et mineur. Je me souviens, lorsque le Nobel a été attribué à Alice Munro, de certains qui l’ont présentée en disant qu’elle n’avait écrit « que » des nouvelles, laissant entendre ainsi un manque, un déficit. On ne devrait écrire des nouvelles, mais voyons… « que » pour passer à un genre plus sérieux, plus abouti, plus achevé comme le roman. Et pourtant, pour celui qui écrit des nouvelles, quelle exigence ! Un nouvelliste est à la recherche du mot juste ; ses textes sont taillés comme des coups de serpe et la conduite du récit revient à suivre un chemin escarpé comme sur le fil acéré d’une ligne de crête. Il sait encore, en quelques lignes, créer une atmosphère, « fignoler » un récit dense vers une « chute » surprenante parfois. Parmi les nouvellistes français, Serge Cazenave tient une place de choix. Il n’écrit « que » des nouvelles et en est passé « maître ». Il en compte une centaine, une bonne partie d’entre elles a été publiée chez la jeune et inventive maison d’éditions de l’Abat-Jour à Bordeaux.

Les Impressions des Petits Garçons, François Baillon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 06 Novembre 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les Impressions des Petits Garçons, François Baillon, éd. Gaspard Nocturne, 2019, 148 pages, 17 €

Dans une langue sûre, classique, posée, précise, intuitive certes, le nouvelliste Baillon, par ailleurs poète, décape, le mot n’est pas trop fort, les clichés souvent associés à l’enfant, à l’enfance. Aucune mièvrerie ne vient contrevenir le regard que le nouvelliste pose sur cet univers qu’est « l’enfance ». L’instable domaine des enfants, plein de surprises et d’étonnements singuliers, trouve ici matière à description, à réflexion. Le scalpel délirant convient bien à notre écrivain : il faut gratter la pelure des interdits, des tabous. Et se méfier des premières « impressions » lénifiantes ; l’enfance n’est pas « ça » ! On peut « déménager » au propre, au figuré, s’enticher, faire l’affront au réel pesant. On peut, encore faut-il avoir les rênes solides, les reins combatifs ! On peut avoir un « grand-oncle », une « Amalia » de conserve, être « ce p’tit gars » : la vie est toujours au-delà de nos espaces de référence, de nos pauvres espérances. L’enfant est toujours cette exception – comme sauvée d’une police routinière, efficace, ou de parents sérieux – apte à subir les contrecoups, à les délayer dans l’espérance folle du rêve ou du déni singulier. Ces nouvelles inquiètent, ouvrent, ferment, obtempèrent, signalent, dégagent (au sens politique) ; elles sont de bon aloi infernales de vérités cachées. On en remercie l’auteur, doué, et tout aussi singulier !

Et la vie continua, Jean Boisdeaufray (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 10 Septembre 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Et la vie continua, Jean Boisdeaufray, Editions du Petit Pavé, 2010, 132 pages, 15 €

 

Ce recueil de nouvelles se tient comme un funambule adroit sur la corde séparant le rêve et la réalité : d’une part, en raison des différents genres qui sont représentés dans ces nouvelles ; d’autre part, par le fait qu’on y rencontre à la fois des personnages pleinement imaginaires et l’auteur lui-même, exposant des souvenirs à la teinte réaliste ou, au contraire, immergés dans le fantastique.

Ainsi, Le souterrain nous conduit vers un souvenir de jeunesse de Jean Boisdeaufray, condamné à être un découvreur solitaire et incompris, mais seul détenteur d’un secret qui persiste à enchanter son enfance et à lui rendre une saveur particulière. C’est l’une des nouvelles les plus émouvantes de ce recueil.

D’une manière différente, Les cavaliers de Noël s’appuie également sur la mémoire du jeune professeur qu’était Jean Boisdeaufray, mais pour nous emmener, cette fois-ci, dans un mystère qui se tient aux portes du merveilleux et de l’historique.

Dans le confessionnal, et autres nouvelles, Amelia B. Edwards (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Editions José Corti

Dans le confessionnal, et autres nouvelles, Amelia B. Edwards, trad. Jacques Finné, 248 pages, 18,25 € Edition: Editions José Corti

 

Si la littérature, comme d’autres domaines, est un champ infini, c’est en partie parce qu’elle nous conduit à porter notre regard vers des écrivain(e)s un peu vite oublié(e)s.

Amelia B. Edwards en sait quelque chose : Jacques Finné s’est intéressé de près à la vie et à l’œuvre de cette romancière et nouvelliste britannique, qui fut également égyptologue. En vérité, Amelia B. Edwards était plus que cela : journaliste, musicienne (elle eut le bonheur d’être soliste en tant que chanteuse lyrique), elle fut par ailleurs une conférencière très appréciée à la fin de sa vie, sillonnant l’Amérique et l’Angleterre.

Dans le recueil Dans le confessionnal et autres nouvelles, ce sont sept récits fantastiques qui nous retiennent, sept récits habités par des fantômes qui ne se révèlent pas aussi effrayants qu’on pourrait l’attendre. Sept nouvelles qui n’apporteront pas de surprise supplémentaire aux amateurs du genre fantastique à l’époque victorienne.