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Nouvelles

Notre plage nocturne, Stig Dagerman (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 26 Novembre 2024. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Editions Maurice Nadeau

Notre plage nocturne, Stig Dagerman, Éditions Maurice Nadeau Poche, juin 2024, trad. suédois, Carl Gustaf Bjurström, Lucie Albertini, 205 pages, 10,90 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Après le livre de nouvelles Les Wagons rouges (1) réédité en format poche en 2022 par les Éditions Maurice Nadeau, c’est au tour d’un second recueil de nouvelles, Notre plage nocturne, d’être disponible dans ce format, dans une réédition revue et corrigée par Patryck Froissart et Laure de Lestrange.

Les œuvres de Stig Dagerman, romans, pièces de théâtre et nouvelles, plongent dans les réalités douloureuses de l’existence et décortiquent les sentiments de peur, de culpabilité et de solitude. Ses écrits s’inscrivent ainsi dans un mouvement littéraire suédois des années 40, en anglais, le fortiesism, marqué par un pessimisme certain et centré sur des questions existentielles.

Si dans Les Wagons rouges le fantastique tient une place importante dans ses nouvelles, il tend à s’estomper dans Notre plage nocturne pour se concentrer sur les destins d’hommes et de femmes qui ne sont ni des héros ni même des anti-héros. Simplement des humains, d’une humanité qui confine au banal ; souvent des perdants, qui vivent dans une forme d’illusion sur eux-mêmes et sur leur entourage, des solitaires par choix, par obligation, voire par nature.

Récits de la guerre de Sécession (Tales of the Civil War), Ambrose Bierce (par Leon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 17 Octobre 2024. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Pocket, En Vitrine, Cette semaine

Récits de la guerre de Sécession (Tales of the Civil War), Ambrose Bierce, Pocket bilingue, trad. américain, Dominique Lescanne, 139 pages Edition: Pocket

 

Par toutes sortes de ruissellements, directs ou indirects, la Guerre Civile américaine a été, est encore, la nourriture première d’une part essentielle de la littérature du pays. Très au-delà de sa place comme thématique principale de romans, nouvelles ou poèmes, elle irrigue comme un sous-sol humide une myriade d’ouvrages éminents.

On pense d’abord, bien sûr, à la littérature sudiste, littéralement rivée à la mémoire de la plus horrible guerre de l’Histoire des USA. Faulkner, Stephen Crane, Foote, Mitchell, Fast, Lent, Gibbons, Doctorow, James Lee Burke et bien d’autres, ont fait de cet événement la matrice de leur œuvre. Du côté des vainqueurs, les écrivains nordistes ne sont pas en reste : Louisa May Alcott, Laird Hunt, William Styron, Ron Rash et, le premier de tous, celui qui vécut l’effroyable cauchemar de l’Amérique, dont le carnage de Shiloh, Ambrose Bierce.

Histoires impossibles, Ambrose Bierce (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Septembre 2024. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Grasset, En Vitrine, Cette semaine

Histoires impossibles, Ambrose Bierce, Grasset, Les Cahiers Rouges, 1985, trad. américain, Jacques Papy, 159 pages, 7,50 € Edition: Grasset

 

Commençons par écarter une lourde hypothèse qui pèse sur Ambrose Bierce et son œuvre : la ressemblance avec Edgar Allan Poe, son contemporain. Tous deux sont américains certes, tous deux écrivent dans un genre qui inscrit le fantastique dans sa courbe narrative assurément. Mais là s’arrêtent, absolument, les rapprochements possibles.

Le monde de Poe est fait de lieux lugubres, de rues sombres, de maisons malfaisantes, de cadres urbains maléfiques. Celui de Bierce est essentiellement rural, naturel, souvent enchanteur avant que ne surgisse l’effroi. On peut voir à cet écart local la naissance des deux écrivains : Poe, fils de Boston. Bierce fils d’un État alors très rural, l’Ohio, dans la petite localité de Cave Creek.

L’univers littéraire de Bierce semble droit sorti des œuvres de Henry David Thoreau. La Nature est d’abord chez lui beauté, asile, recueillement. Certains passages semblent sortis tout droit de Walden.

Tribus, Nouvelles, Shmuel T. Meyer (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Août 2024. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Israël

Tribus, Nouvelles, Shmuel T. Meyer, Gallimard, Coll. Blanche, avril 2024, 176 pages, 19 € Edition: Gallimard

 

« Jérusalem se réveillait de sa narcolepsie sabbatique, la bouche pâteuse, l’haleine chargée, avec ce vague à l’âme qui enfle à l’approche d’une semaine nouvelle, du labeur, de la routine. Ce vague à l’âme qui envahit les collines, les oliveraies, les rues désertes du centre-ville » (Tribus, Les héritiers).

Israël est au cœur de ce livre de nouvelles, Israël et les mille pierres qui la composent, des pierres qui parfois s’entrechoquent et les étincelles qui en surgissent nourrissent le regard affuté de l’écrivain, et évidemment son imaginaire. Ils sont libéraux, ultraorthodoxes, ils vivent dans des kibboutz, aux portes de Jérusalem, ne pensent qu’à prier et à dénigrer, rêvent de la naissance de leur nation, qui pour certains à leur âge, ils sont sionistes, et n’aiment guère les messianiques, l’inverse saute aussi aux yeux. Ces Tribus, ces nouvelles tribus d’Israël, sont un paysage humain dont la géographie dessine un État qui, dans sa constitution, n’a pas cent ans, mais qui dans l’Histoire de son et de ses tribus a plus de trois mille ans.

Treize histoires (These Thirteen), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Mars 2024. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

Treize histoires (These Thirteen), William Faulkner, Folio . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

Lire quelques pages de Faulkner amène chaque fois à se demander pourquoi on lit d’autres auteurs. Faulkner a épuisé les possibilités de la fiction en prose, non par la sophistication du style ou des champs lexicaux rares, mais par un phénomène presque purement optique. Panoptique peut-on dire, tant son monde est le fruit d’un regard absolu, totalisant, sur les personnages et les lieux qu’ils peuplent. L’auteur regarde ce qu’il crée, il est spectateur des gens, des situations, et il en rend compte. Rien de ce qu’il invente ne lui appartient, il le met juste à la disposition du lecteur, qu’il investit du pouvoir – redoutable – de comprendre. On est aux antipodes de la fiction romanesque française, voire européenne où l’auteur raconte, explique, conclut. C’est là toute la « difficulté » de lire Faulkner : il faut prendre le temps pour comprendre, ne pas tendre en permanence vers le moment de conclure. Laisser vivre les personnages, les suivre, les voir, les écouter parler, sans chercher sans cesse où ils vont, ce qu’ils font, pourquoi ils le font. Le sens viendra à qui sait attendre pour entendre.