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Nouvelles

La mer ne baigne pas Naples, Anna Maria Ortese (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Italie

La mer ne baigne pas Naples, juin 2020, trad. italien, Louis Bonalumi, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Anna-Maria Ortese Edition: Gallimard

Sur la Naples d’après-guerre, du tout début des années cinquante, le livre d’Ortese (1915-1998) n’est pas seulement un témoignage insigne, juste, équilibré, incisif et puissant, mais aussi et surtout une leçon de littérature sans moralisme mais livre tenu par le ton d’une intense morale, non défaitiste mais ouverte, non pessimiste mais qui engage le lecteur à voir plus loin, à analyser en connaissance de cause et sans a priori la lourde réalité laissée, tombée de la guerre.

Voyageuse hors pair des terres italiennes (elle a eu, avant de se poser pour les dernières années sur la côte ligure, à Rapallo, des résidences un peu partout), Ortese scrute la réalité sous toutes ses facettes. Ici, connaissant le matériau napolitain – l’extrême pauvreté de certains quartiers, les tentatives par la culture et l’écriture de sauver la ville de ses chaos, la connaissance journalistique et littéraire des jeunes écrivains, nés dans les années 20, illustrant, selon elle, la mutation d’une ville.

Total chef-d’œuvre (j’ai horreur d’utiliser ce vocable à tout propos) : La mer ne baigne pas Naples, d’Anna Maria Ortese, dont j’avais lu quelques livres, est un hallucinant portrait d’une Naples déchue (période néo-réaliste), 1953.

L’Etreinte de glace, anthologie de Jacques Finné (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 24 Juin 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions José Corti

L’Etreinte de glace, anthologie de Jacques Finné, février 2019, trad. Jacques Finné, Jessica Stabile, 296 pages, 23 € Edition: Editions José Corti

 

 

Le titre L’Etreinte de glace donne une idée du charme de ces nouvelles surnaturelles, issues de l’ère victorienne, un charme qui vous happe à la gorge et ne vous lâche pas. Froid comme la mort, fascinant comme l’inexplicable : voilà en partie des ingrédients qui unissent les huit nouvelles sélectionnées et traduites ici par Jacques Finné (accompagné de Jessica Stabile). Mais il est une caractéristique plus notable encore dans cette anthologie : toutes ces nouvelles ont été écrites par des femmes. Gageons qu’à l’issue de la lecture, nous ne pouvons qu’être d’accord avec Jacques Finné lui-même : ces huit femmes n’ont rien à envier à leurs compères masculins dans le genre de la ‘ghost story’. Elles sont même si douées qu’on est en droit de se demander pourquoi la postérité ne leur a pas fait un meilleur cadeau (jusqu’à maintenant).

De la mort au matin, Thomas Wolfe (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 27 Mai 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Stock

De la mort au matin (From Death to Morning, 1935) traduit de l’américain par R. N. Raimbault et Ch. P. Vorce. 280 p. . Ecrivain(s): Thomas Wolfe Edition: Stock

 

Ce recueil de textes est présenté – et c’est bien normal – comme un recueil de nouvelles. Or rien n’est plus étranger à Thomas Wolfe que ce genre littéraire spécifique. Si l’on s’en tient à la forme, oui, il s’agit de courts récits sur divers moments ou thèmes, des « nouvelles » donc. Mais très vite – pour qui connaît un peu l’œuvre du géant du Sud (par la taille et le génie) – on se rend compte qu’il s’agit de bribes de la montagne de feuilles manuscrites que Wolfe apporta un jour à son éditeur, le bon Maxwell Perkins de Scribner effaré, et dans laquelle il dut piocher, rapiécer, restructurer, pour en faire naître enfin quatre romans fabuleux et des « nouvelles » étincelantes. L’œuvre de Wolfe, en d’autres termes, est UNE, un bloc indissociable même s’il fut dissocié pour des raisons éditoriales. Wolfe se raconte comme une fiction, ou plutôt il raconte, dans un flot inextinguible, ce que sa mémoire ahurissante lui dicte. La phrase obsessionnelle en est l’outil, qui détaille tout, les recoins des lieux, des personnages, des faits. Le style de Wolfe est obsessionnel, fait de phrases récurrentes, d’imprécations exaltées, de champs lexicaux surchargés.

Sanction, Ferdinand von Schirach (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 06 Avril 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Gallimard

Sanction, Ferdinand von Schirach, février 2020, trad. allemand, Rose Labourie, 169 pages, 16 € Edition: Gallimard

Généalogie de nos fautes

Cousine du genre romanesque, la nouvelle est un récit bref, tendu, centré autour de peu de personnages et conduisant vers une « chute ». Elle n’est pas qu’un « roman court », comme on le dit parfois. Elle possède ses particularités, l’art de la litote, la capacité de suggérer plutôt que de détailler longuement, et un style épuré, des mots choisis, une écriture à la serpe. Néanmoins, derrière cette économie d’écriture, elle sait dire le drame d’un personnage, évoquer la complexité d’un autre ou encore faire découvrir une situation inédite. Un genre à part entière, trop négligé par le monde de l’édition, à notre goût.

Il est des auteurs amateurs de nouvelles, Maupassant, Stefan Zweig, Alice Munro, pour les plus célèbres. Et c’est le cas de l’auteur allemand Ferdinand von Schirach dont le dernier opus Sanction paraît chez Gallimard dans la Collection Du Monde entier. Comme ses autres recueils de nouvelles, Crimes, Coupables, le livre gravite autour du monde de la justice. Von Schirach est d’ailleurs un célèbre avocat pénaliste outre-Rhin.

La Demoiselle Sauvage, S. Corinna Bille (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 13 Février 2020. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

La Demoiselle Sauvage, S. Corinna Bille Gallimard, collection Blanche – Mai 1975 (réédition juin 2014) 216 pages – 16,90 € Edition: Gallimard

 

La Demoiselle Sauvage est un titre parfaitement choisi, à l’image de ce recueil de nouvelles où les femmes sont plus présentes que les hommes, où les forêts du Valais semblent ne pas nous quitter tout au long de la lecture, où le désir tient une place somme toute importante dans l’histoire des personnages, qu’il s’agisse d’un désir réprimé ou vécu avec complexité. Cependant, ce recueil, qui a reçu la Bourse Goncourt de la nouvelle en 1975, ne nous apparaîtrait pas aussi riche si une atmosphère de rêve et une forme de fausse innocence colorée ne venaient compléter ces tableaux de vie surprenants, oscillant entre le conscient et l’inconscient.

Les titres des nouvelles pourraient eux-mêmes faire penser à une suite de contes charmants, mais c’est une relative tromperie : « Le Garçon d’Aurore », « La Jeune Fille sur un cheval blanc », « Le Rêve », « L’Envoûtement »… Envoûtés, nous le sommes, comme sous l’effet d’un sort légué par le talent de Corinna Bille (qui, du reste, a aussi écrit des contes pour les enfants), mais c’est pour mieux nous faire entrer dans les turpitudes, les frustrations, les méandres intérieurs des femmes et des hommes parfois.