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Les Livres

Enfin le royaume, Quatrains, François Cheng (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 13 Septembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Enfin le royaume, Quatrains, François Cheng, Gallimard, coll. Poésie/Gallimard, n°542, février 2019, édition revue et augmentée, 224 pages, 7,40 €

 

« De l’eau naît la flamme, / De la flamme l’air / Mêlé au pur souffle / D’une biche endormie », reconnaît François Cheng. La psychanalyste Anne Dufourmantelle décrit ainsi la douceur, réveillée par le poète dans le quatrain que nous venons de citer : « Le ventre d’un animal. La palpitation d’une veine qui affleure sous la peau. Une peau très âgée comme un galet translucide. Une peau de très jeune enfant, sa joue encore couverte d’un imperceptible duvet. Calme de la respiration, de ce qui contient le vivant et le protège. Et qui s’offre au toucher ». Puis elle ajoute : « La douceur est une force de transformation secrète prodiguant la vie, reliée à ce que les anciens appelaient justement puissance. Sans elle, aucune possibilité que la vie s’augmente dans son devenir. Je crois que la puissance de métamorphose de la vie elle-même se soutient dans la douceur. Quand l’embryon devient un nouveau-né, quand la chrysalide laisse éclore le papillon, quand une simple pierre devient la stèle d’un espace sacré dans les jardins de Kyoto, il y a, au minimum, la douceur ».

Le temps de la haine, Rosa Montero (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Espagne, Métailié, La rentrée littéraire

Le temps de la haine (Los Tiempos del Odio), septembre 2019, trad. espagnol, Myriam Chirousse, 354 pages, 22 € . Ecrivain(s): Rosa Montero Edition: Métailié

Rosa Montero nous offre une suite aux aventures de Bruna, la belle Réplicante de combat, rencontrée deux fois dans Des larmes sous la pluie et le poids du coeur. Et donc une lecture réjouissante, qui nous projette dans un futur certes lointain (au-delà des années 2100) mais qui, du point de vue des références à notre monde, s’avère étrangement proche de nous.

La force de ce roman est d’abord de nous ramener vers une Science-Fiction comme nous n’en avons pas lue depuis belle lurette. Une Science-Fiction sans complexe, avec des robots, des voyages interstellaires, des utopies planétaires.

« Au-delà, les ténèbres interstellaires, éclaboussées par les étincelles des étoiles, des planètes éclairées par leurs soleils, les lunes, les nébuleuses, les galaxies lointaines. Ici, hors du filtre sale de l’atmosphère terrestre, l’immense majorité des corps célestes montraient un éclat redoublé et fixe, sans aucun clignotement, de durs boutons de lumière. Le cosmos ressemblait à une boîte à bijoux en velours noir rempli de diamants. Et sur sa gauche, ah, Bruna la voyait maintenant avec clarté, parce que son corps avait lentement tourné dans le vide, là-bas au fond il y avait la Terre, resplendissante, une boule de lumière hypnotisante, colossale en poids et dimension, son bleu intense tacheté par la crème fouettée des nuages. […]

Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, Murielle Compère-Demarcy (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 12 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, Editions du Petit Véhicule, décembre 2018, 123 pages, 20 € . Ecrivain(s): Murielle Compère-Demarcy

 

Luc Vidal est un poète, écrivain et éditeur français originaire du Pays nantais, né le 6 juin 1950. Sur les pas de René Guy Cadou, il a pris de nombreuses initiatives au service de la poésie. Il est ainsi à l’origine de la Maison de la poésie de Nantes et il est le fondateur des éditions du Petit Véhicule dans le cadre desquelles il a créé de nombreuses collections et différentes revues. Citons parmi ces dernières : Signes, Incognita, Les Cahiers Léo Ferré, Les Cahiers Jules Paressant, Les Cahiers René Guy Cadou et de l’école de Rochefort, Chiendents.

Murielle Compère-Demarcy, poétesse elle-même, rédactrice à La Cause Littéraire, délivre une analyse approfondie de l’œuvre poétique de Luc Vidal, dans une superbe édition à quoi sont habitués les lecteurs des publications du Petit Véhicule.

Il est difficile de présenter dans une chronique ce qui est déjà en soi la présentation d’un auteur par une consœur sans en reprendre littéralement l’expression. Nous n’en éviterons pas l’écueil.

John Wayne n’est pas mort, Roland Jaccard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 11 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

John Wayne n’est pas mort, Pierre-Guillaume de Roux, septembre 2019, 150 pages, 15 € . Ecrivain(s): Roland Jaccard

 

« S’il est vrai que John Wayne a tourné dans quatre-vingt-trois westerns, c’est bien l’homme à abattre. D’autant que, comme l’affirment certains béotiens, quand on en a vu un, on les a tous vus. Face à ce genre d’abrutis, la Winchester 54 peut être du plus grand secours ».

John Wayne n’est pas mort et Roland Jaccard est toujours de ce monde. Plus vivant que jamais, d’une rare agilité, n’ayant peur de rien, n’en déplaise à ceux qui prendraient un rare plaisir à aller cracher sur sa tombe. Roland Jaccard est un cinéphile à l’ancienne, on l’imagine mal lisant chaque mois Les Cahiers du Cinéma, préférant peut-être Positif. L’ami de Cioran, le lecteur d’Amiel, l’oisif, l’exilé intérieur, l’amateur de palaces et de jeunes femmes, s’arme ici d’une plume aiguisée comme une flèche Comanche pour défendre John Wayne. L’acteur et réalisateur de Alamo et des Bérets Verts est accusé de mille maux par mille mots, et Roland Jaccard règle leur compte à quelques fâcheux peu instruits de ce que ce genre a apporté à l’histoire du cinématographe américain. Roland Jaccard n’est pas seul, il avance accompagné, c’est toujours conseillé en territoire hostile : le pétillant cinéaste Luc Moullet (1), le savoureux écrivain Luc Chomarat (2), quelques amies, Clément Rosset, s’échauffant après quelques verres de saké, et Louise Brooks :

Bluebird, Geneviève Damas (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 11 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Bluebird, mai 2019, 160 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Geneviève Damas

 

Le monde des apparences en prend joyeusement pour son grade avec l’adolescente qui raconte son histoire, assez courante dans les faits, entre parents séparés, la mamy chez qui elle s’est réfugiée et sa psy, ouverte, mais avec qui elle n’est pas toujours en harmonie. La personnalité se forge à l’appui de cette observation-introspection habilement pensée : « Chez Papa, je ne me sens pas vraiment chez moi. Quand je dis à quelqu’un que je rentre chez moi, c’est chez Maman. Chez Papa, c’est chez Papa. Il y a quelque chose qui sonne faux là-bas. Pourtant, on a un jardin, un feu ouvert, et beaucoup d’autres choses, genre chacun son ordinateur, l’iPad, la table de ping-pong. Mais c’est comme si la maison ne vivait pas vraiment ».

Enceinte, l’avenir va se jouer sur l’avenir de l’adolescente et la responsabilité de décider de l’avenir de l’enfant. La grossesse, totalement inattendue, sans signes avant-coureurs, décelée tardivement aux urgences, bouleversera la relation mère-fille. L’intrigue, presque théâtralisée à de multiples reprises, a le souci du style et du rebondissement. L’auteur, aussi comédienne, en mène les différents rôles de façon quasi scénarisée. Le lecteur vit littéralement la scène. On peut se sentir les personnages, y compris le bébé dans le ventre de la jeune mère, qui régulièrement s’implique en tant que deux personnes.