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Les Livres

Correspondance, tome V (Janvier 1885/Décembre 1886) Friedrich Nietzsche (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 31 Janvier 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Correspondance, tome V (Janvier 1885/Décembre 1886) Friedrich Nietzsche, Gallimard, mars 2019, trad. allemand Jean Lacoste, 368 p. 29 €

 

Fin décembre 1886. Nietzsche écrit à Ernst Wilhelm Fritzsch (à Leipzig), depuis Nice, depuis sa « Pension de Genève » dans la « Petite rue Saint-Étienne » : « Lorsque les avant-propos à [m]es deux livres [Aurore et Le Gai savoir] […] seront imprimés, quelque chose d’essentiel aura été accompli pour faciliter la compréhension de toute mon œuvre (et de ma personne). Et, de fait, on comprendra que quelqu’un qui se sera une fois “attaché” à moi ne pourra que poursuivre, étape par étape, son chemin en ma compagnie ».

Le ton, victorieux, enjoué, de cette lettre, marque l’aboutissement d’un parcours personnel frappé peut-être du sceau du doute, du moins gorgé, comme d’eau un tissu, de la douleur de ne pouvoir écrire que « pour tous », comme l’indique le sous-titre d’Ainsi parlait Zarathoustra, c’est-à-dire « pour personne ». Aussi un an auparavant le ton des lettres est-il singulièrement différent…

Puisque voici l’aurore, Annie Cohen (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 30 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Roman, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Puisque voici l’aurore, Annie Cohen, janvier 2020, 160 pages, 14 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

La mort de la maladie

Dans le dernier livre d’Annie Cohen, Puisque voici l’aurore – dont elle illustre la couverture, où l’on voit l’orée d’un bois la nuit, ou, vu en plongée, un paysage arboré où d’étranges figurines se tapissent –, l’auteure compare l’écriture à « un crash sur la feuille du carnet noir » – peut-être l’évocation du choc d’un avion qui s’écrase dans le désert de l’Algérie en guerre ? Annie Cohen transpose des fragments de présent, ajournés, dans la réduplication de l’acte d’écrire, son activité principale, qui la relie à son passé, au Mexique, aux Caraïbes, à l’Algérie. La narratrice porte des « bracelets en argent », le signe d’appartenance des Kabyles et des nomades, ainsi qu’une « chaîne en or », celui des Algérois citadins. Les mots sont sous escorte, depuis « la morsure aigüe, vivace » du scorpion, la morphine pour en diminuer la douleur, les antidépresseurs pour réguler les humeurs, des « effluves de cannabis » pour apaiser les traumatismes, « une canne », « un infirmier » pour se diriger après « les suites de l’AVC ». A. Cohen dit « je » pour « toute une vie d’écriture marquée de dépression et de réappropriation ». Et elle l’affirme « du haut de la judéité, comme un fondement ».

Le repli du paysage Magdalena Schrefel (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 30 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Le repli du paysage Magdalena Schreffel, 2019, traduction de Katarina Stalder. 62 pages, 13 euros. Edition: Espaces 34

 

La lecture d'un texte de théâtre contemporain est une expérience, qui assez souvent tient d'un mystère à dévoiler, d'un sens qui ne pourra réellement se donner que lorsque le spectacle effacera le texte « pur ». Il y a dans tout cela une énigme, parfois une impossibilité à tout saisir. La pièce de M. Schreffel, Le repli du paysage témoigne de cette expérience déstabilisante. En effet de quoi parle cette pièce ? Est-ce une fable écologique qui met en lumière l'abandon du travail humble de la terre, dans la campagne de Carinthie, en Autriche, le changement du paysage au profit de l'élaboration d'une Machine toute puissante qui se mettra même à parler et ce, au travers du personnage de Josef, le père désigné dans la liste des personnages comme un « excentrique » que ni son fils, ni le bourgmestre du village ne parviennent à détourner de son entreprise qu'ils jugent insensée. S'agit-il d'une tragédie contemporaine où le Destin ne relève plus des dieux mais des dérèglements inéluctables du climat ? Dans le premier monologue de la pièce, dit par le père, s'annonce le déluge à venir que le tableau 10 décrira par la voix du maire : la rivière a fait sauter son corset (p 46).

Briser en nous la mer gelée, Erik Orsenna (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 30 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Briser en nous la mer gelée, janvier 2020, 462 pages, 22 euros . Ecrivain(s): Erik Orsenna Edition: Gallimard

 

Le livre d’Erik Orsenna « Briser en nous la mer gelée » est un merveilleux voyage au cœur de l’esprit humain, une véritable exploration de l’amour. Pour reprendre les mots du narrateur, c’est au départ « l’histoire d’une gratitude » : un homme, Gabriel, écrit à une juge aux affaires familiales pour la remercier d’avoir tenté de le dissuader de divorcer de Suzanne, la femme qu’il aime.

C’est aussi l’histoire d’un double cheminement, celui de Gabriel l’écrivain et de l’évolution de ses projets artistiques, et celui de l’homme, du couple même, car si certains amants ont la force « d’entrer tout de suite dans leur vérité », pour d’autres, « il faudra beaucoup, beaucoup voyager…Ils ne se retrouveront que s’ils ont de la chance ».

Et le lecteur voyage lui aussi, il embarque sur la rivière de l’amour fou qui unit dès le premier regard les deux héros, Gabriel, ingénieur en transport fluvial et Suzanne, vétérinaire et passionnée de chauves-souris.

Moustiques, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Points

Moustiques (Mosquitoes, 1927). Traduit de l’américain par Jean Dubramet. 328 p. 8,80 € . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Points

 

Ecrire, ne serait-ce que quelques lignes, sur un roman de William Faulkner semble toujours être d’une audace présomptueuse. Tant a été dit, écrit, analysé, disséqué sur l’œuvre du maître du Mississippi qu’il peut paraître inutile de dire encore quelque chose. Plus d’audace encore que de dire dans ce propos que le roman considéré est, probablement, le moins grand de son auteur. Mais le « moins grand » Faulkner ne serait-il pas aussi un grand roman ?

Un bateau de loisirs, la Nausicaa, en croisière sur un lac (probablement le Pontchartrain, jamais nommé dans le roman), appartenant à une grande bourgeoise créole, Mrs Maurier, emmène pour une croisière de quelques jours une bande de personnages « Bourgeois Bohêmes » – déjà – artistes, mécènes, jolies filles, bourgeois sudistes de la Jet-Society orléanaise. Croisière qui s’avèrera mouvementée mais surtout un moment d’échanges vides entre personnages qui ne le sont pas moins. Amour, argent, succès, déceptions – l’occasion est rêvée pour ces gens de trimbaler leur égocentrisme, de se l’envoyer à la figure à longueur de temps, dans une joute permanente lors de laquelle les « passions tristes » spinoziennes vont tenir la barre.