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Les Livres

Vie de Gérard Fulmard, Jean Echenoz (par Jean-Paul Gavard Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 29 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Les éditions de Minuit

Vie de Gérard Fulmard, janvier 2020, 240 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jean Echenoz Edition: Les éditions de Minuit

 

Dans la veine de Envoyé spéciale, Jean Echenoz présente un polar fulminant et humoristique. Son héros solitaire, ex-steward doté d’une surcharge pondérale, est en perpétuelle reconversion ou errance. Celui qui ressemble « à n’importe qui mais en moins bien » n’a aucun charme particulier et ne fait pas plus profession de joie que la rue où il vit.

Lugubrement réjouissant, le livre est celui d’un orfèvre libre qui cisèle les aléas de son détective grassouillet, et soigné par un psychiatre. Il rate tout au sein d’une histoire politique d’un parti (la FPI) aussi nul que lui et qui peut ressembler au « Rassemblement National » des Le Pen, même si Echenoz fait mine de ne pas y avoir pensé.

Mais l’histrion nous mène en bateau là où sa parodie est toutefois secondaire : ce qui compte c’est le style en ses continuelles pirouettes. Après Zatopek et Mike Brant, l’auteur réussit à nous intéresser à une vie désormais d’un héros de fiction. Son existence sans consistance est dans la droite ligne de deux modèles échenoziens : Jacques le Fataliste et Bouvard et Pécuchet, mais façon roman noir – ou presque.

La Filiale, Sergueï Dovlatov (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 29 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, La Baconnière

La Filiale, mai 2019, trad. russe Christine Zeytounian-Beloüs, 136 pages, 18 € . Ecrivain(s): Sergueï Dovlatov Edition: La Baconnière

 

Le milieu des expatriés, quels que soient leur nationalité d’origine et leur pays de résidence, est en général un terrain fertile pour l’observateur. Installé aux États-Unis depuis 1978, Sergueï Dovlatov décrit dans La Filiale un milieu qu’il connaît bien, celui des intellectuels russes exilés en Amérique du Nord. Il n’est pas rare que l’on se proclame intellectuel à peu de frais : il suffit d’avoir publié un bref article dans un périodique, pas forcément très lu, ou une plaquette vendue à quatorze exemplaires, pour se parer de ce titre.

Dans son petit roman largement autobiographique, Dovlatov se met en scène à travers un double transparent, Dalmatov, journaliste russe vivant aux États-Unis pendant « l’ère Gorbatchev » (qui dura en fait moins d’un septennat) et travaillant dans une publication destinée à ses compatriotes en exil. Vivant à New York, il est chargé par sa rédaction de « couvrir » un colloque d’intellectuels russes à l’autre bout du pays, en Californie.

Histoires confidentielles, Pierre Herbart (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 29 Janvier 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Histoires confidentielles, Pierre Herbart, Grasset Cahiers rouges

 

Pour Catherine Gide (1923-2013).

« L’aristocratique Pierre Herbart et moi-même »

 

Gilbert Lely

« L’escalier », « Castor » et « Peau d’ange » sont trois nouvelles de Pierre Herbart publiées chez Grasset en 1970 dans le recueil Histoires confidentielles puis rééditées dans « Les Cahiers rouges » en 2014. Ce sont peut-être les plus belles pages de cette œuvre si singulière et, pour mon bonheur, si secrète. Herbart, de père bourgeois tombé volontairement dans la clochardise, compagnon de voyage de Gide, mari de la mère de la fille de Gide, gendre de la Petite Dame donc, ex-protégé de Cocteau à qui Gide le chipa, journaliste engagé en Indochine, en Afrique noire, en Espagne (1) et en U.R.S.S., « grand résistant », militant anticolonialiste dépourvu de la moindre illusion idéologique, n’est jamais aussi convaincant, aussi émouvant dans sa désinvolture, aussi profond sous la légèreté apparente que lorsqu’il parle de lui.

Encore vivant, Pierre Souchon (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 28 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Rouergue

Encore vivant, août 2017, 250 pages, 19,80 € . Ecrivain(s): Pierre Souchon Edition: Le Rouergue

 

Sempervirens

Pierre est un « zinzin carabiné ». Un cramé de la cafetière, au dernier degré. Il appartient à la grande confrérie des déphasés, des déglingués, des démantelés. Son nom d’initié ? Bipolaire. Il le sait. Il prend ses médicaments et se soigne, parce qu’il est hors de question d’y retourner. Il n’y survivra pas. Pas encore.

Il y retourne, pourtant. À l’hôpital psychiatrique. Parce qu’après avoir trouvé un emploi et s’être marié, il a cru que cela irait – et son médecin avec lui. Plus de cachet. Alors, après une cavale de quelques semaines, on le trouve perché dans les bras d’une statue de Jean Jaurès, perché là où ni le bon sens ni la raison ne peuvent l’atteindre. On le retrouve et on le coffre, ce forcené, cette chair à camisole, ce ciboulot infundibuliforme. Et ça recommence.

Encore vivant est un récit autobiographique. Pierre Souchon, journaliste, nous convie à un voyage en vésanie en compagnie du meilleur guide qui soit : l’un d’entre eux, l’un de ceux qu’on embarque, de gré ou de force, dans la nef des fous.

Scènes d’intérieur, Silvia Marzocchi (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 28 Janvier 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Scènes d’intérieur, Silvia Marzocchi, éditions Lanskine, novembre 2019, 47 pages, 13 €

 

Une poésie ténue

Ce recueil, qui est le premier livre de Silvia Marzocchi, représente une énigme qui m’a beaucoup intéressé. En effet, j’y ai vu comment se fabrique un poème où les éléments de référence sont effacés, ou bien dans une relation ténue au réel. Pour le dire autrement, une poésie du peut-être. Car les événements que relatent ces textes sont imprécis, brumeux, évoqués plus que relatés, dits mais pas surlignés, de façon que reste l’incertitude, que demeure une poésie de l’incertain.

Quels sont les vrais protagonistes ? Il semble qu’il s’agisse tout d’abord de la poétesse, qui s’appuie sur sa propre vie, tendue, comme témoin d’une blessure, de faits sans doute qui expliquent la douleur de l’écrivaine. Autrice dont le contour est flou, portée au doute, autant que ce qui paraît être une famille, en tous cas des personnes proches, sujettes à des dangers : drogue, anorexie, pouvoir inutile de la parole. Je pencherais pour dire que c’est effectivement de sa famille que l’écrivaine tire son réel poétique. Une histoire de famille.