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La rentrée littéraire

Deux remords de Claude Monet, Michel Bernard

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 30 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde

Deux remords de Claude Monet, août 2016, 224 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde

 

« Les yeux des amateurs s’étaient rafraîchis à ce vert où baignaient les regards. Son flot débordait le cadre et persistait sur la rétine. Les gens en parlaient encore sur le trottoir et jusque chez eux. Ils appelaient l’œuvre non par sa désignation dans le catalogue officiel, mais par ce qui, en elle, les avait émerveillés, l’accessoire et sa couleur, la robe verte ».

Deux remords de Claude Monet est un roman de l’amitié, Frédéric Bazille, Renoir, Clémenceau. Un roman de l’amour, Camille – son intuition du monde, Monet, sur bien des points, la devait à Camille –, un roman des fleurs et des arbres, des saisons et de la couleur, de la forme, du mouvement, de la joie de peintre sur le motif, Camille et les fleurs. Au cœur de ce roman léger et vif, les deux guerres, celle qui verra mourir l’ami, le peintre Bazille sous les feux des Prussiens, et celle qui était revenue battre de son sanglant ressac le sud de la Picardie, lécher les bords de l’Oise à Compiègne et les forêts du Valois au-dessus de la vallée de l’Automne.

Faire Charlemagne, Patrice Delbourg

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 29 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi

Faire Charlemagne, août 2016, 252 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Patrice Delbourg Edition: Le Cherche-Midi

 

Les adeptes du « littérairement correct » auront très probablement du mal à finir le roman de Patrice Delbourg, Faire Charlemagne, car ce dernier est inspiré de part en part par l’esprit de provocation, par un souffle polémique quasiment incessant. Le personnage principal, Antonin Chapuisat, est Professeur de lettres au lycée Charlemagne, lycée parisien de renom. L’exercice de ce noble métier, le professorat, devrait donc combler Antonin Chapuisat. Il n’en est rien. Cet homme, à l’héritage familial très négatif, est aigri, passéiste, en recherche d’un enthousiasme et d’une énergie perdue : « Cette hantise d’un monde nouveau aux portes de son fief citoyen ne lui avait jamais faussé compagnie, il entretenait ainsi le flambeau familial, sommaire mélange de xénophobie radicale et de soupçon mercantile ». Eprouve-t-il un commencement de proximité avec ses élèves, croit-il pouvoir les toucher, les initier aux beautés de la littérature française et aux classiques du « Grand Siècle » ? Nullement, et c’est un dégoût, une hostilité évidente qu’il ressent à l’égard de cette nouvelle génération qu’il qualifie ainsi :

« Les élèves le regardaient pantois, effondrés sur leurs pupitres, crêtes iroquoises en médrano, petites queues de ragondin dans la nuque, tignasses entièrement amidonnées à la gélatine halal (…) clous dans les joues, pauvres gaziers qui essayaient de rassembler en feux grégeois les derniers télégrammes de détresse émis par leur mémoire sinistrée ».

Babylone, Yasmina Reza

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Samedi, 27 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Flammarion

Babylone, août 2016, 224 pages, 20 € . Ecrivain(s): Yasmina Reza Edition: Flammarion

 

Ce nouveau roman de Yasmina Reza, construit comme un drame qui culmine avec la citation de l’exergue « Le monde n’est pas bien rangé, c’est un foutoir. Je n’essaie pas de le mettre en ordre » (Garry Winogrand) rappelle étrangement, par certains aspects, l’histoire du meurtre par Louis Althusser de sa femme Hélène Rytmann. Dans ce roman qu’on pourrait caractériser par l’expression de « fausse amitié » ou de « la fin d’un amour », il semble que ce soit le statut de la parole qui est interrogé. Alors que Yasmina Reza est auteur dramatique (encore) plus que romancière, si l’on en juge par le nombre de titres de sa bibliographie appartenant à l’un et l’autre genre, on est frappé dans ce livre par les points de convergence stylistique qu’il présente avec une pièce de théâtre. Plusieurs faits de langue concernant les discours rapportés incitent à ce rapprochement. Tout d’abord, le style direct et incisif du dialogue théâtral se retrouve, en filigrane ou en relief, dans les phrases courtes et le registre de langue pour le moins familier du roman : « La femme doit être gaie. Contrairement à l’homme qui a droit au spleen et à la mélancolie. A partir d’un certain âge une femme est condamnée à la bonne humeur. Quand tu fais la gueule à vingt ans c’est sexy, quand tu la fais à soixante c’est chiant ».

Nouvelle jeunesse, Nicolas Idier

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 26 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Nouvelle jeunesse, août 2016, 368 pages, 20 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Gallimard

 

« Le calme est revenu. Tu ne sais pas où tu te trouves. Derrière ton grand front dégagé qui déjà a pris la couleur de marbre, de petites rivières de sang débordent de leurs lits habituels. Le vacarme des sirènes de police est remplacé par un vent, un vent très frais qui te soulage enfin de cette température de fournaise. Des vers de Haizi montent depuis le sol, comme la mauvaise herbe qui perce le bitume.

Le vent, si beau / Vent léger, si léger et si beau / Mère nourricière du monde naturel, si belle / L’eau, si belle / L’eau… / Seul au monde, et toi / Comme il est bon de parler ».

La Chine nouvelle, celle du marché de l’art, du rock and roll, des éclats et des clameurs, celle de la présence de Mao et de la Révolution Culturelle, celle de la poésie vivante et vivifiante, attendait son roman, le voici. Nouvelle jeunesse est le roman de cette ardente jeunesse chinoise, de nouveaux rêves de lettres et de notes. Le roman de deux phares qui vont se télescoper de front, deux enfances qui vont fatalement se retrouver, dans la tôle froissée et le sang répandu. Feng Lei, le poète, l’albatros accordé aux dissonances électriques des guitares saturées, et Zhang Xiaopo, chauffeur de taxi clandestin et sosie du Grand Timonier qui se rêvait comédien, et qui l’a vaguement été. Deux étoiles se croisent et se percutent.

L’enfant qui mesurait le monde, Metin Arditi

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 26 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

L’enfant qui mesurait le monde, août 2016, 304 pages, 19 € . Ecrivain(s): Metin Arditi Edition: Grasset

 

« Ecrivain francophone d’origine turque », comme le signale l’éditeur, Metin Arditi, auteur d’une quinzaine de romans et d’essais, moult fois primés, propose dans L’enfant qui mesurait le monde une plongée dans l’histoire grecque contemporaine, selon la double approche d’un enfant et d’un architecte qui a perdu sa fille. La crise, l’âme grecque, l’amour d’un père d’adoption, les aléas de la vie d’une petite île coupée de la modernité et des projets pour l’île, autant de thèmes qui traversent ce roman.

Sur l’île Kalamaki, vivent l’architecte étranger Eliot et une flopée de personnages : Maraki, la mère d’un enfant autiste Yannis, son mari dont elle est séparée, Andreas, le pope Kosma, le cafetier Stamboulidis, la fille d’Eliot, Dickie (Eurydice), sans oublier la journaliste Teophani.

Eliot a bien du mal à oublier la mort de sa fille, multiplie les attentions à l’adresse de Yannis, hyperdoué pour les calculs et les statistiques (nombre de clients chez le cafetier ou arrivage de poissons selon les pêcheurs). Peu à peu, il se rapproche de Maraki et de cet enfant, un fils de remplacement ?