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La rentrée littéraire

L’absente, Lionel Duroy

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 14 Octobre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Julliard

L’absente, août 2016, 360 pages, 20 € . Ecrivain(s): Lionel Duroy Edition: Julliard

 

Qu’est-ce qui pousse un auteur, empreint du violent désir d’en finir, à se lancer dans le vide, mais aussi à se lancer dans l’écriture d’un roman pour tenter d’échapper au néant ?

Il s’adresse à lui-même, peut-être pour se convaincre, peut-être pour nous convaincre : « Si tu arrives à transformer ta détresse en une œuvre, tu seras sauvé. Écrire, ce sera comme si tu t’élevais soudain de la lourde terre pour t’accorder une autre vie qui te permettra de regarder de haut la première, celle où tu marches aujourd’hui à tâtons, stupide et aveugle… Écrire te rendra inaccessible à la bêtise et à la cruauté du monde ».

Dans son dernier roman, L’absente, le narrateur part comme un voyageur sans bagages, tournant le dos à son passé, refusant tout lien avec lui, y compris avec ses enfants. Pour Lionel Duroy, long et sinueux, plein de détours, d’imprévus, d’embûches, de rencontres inattendues plus ou moins heureuses, sera le chemin, entre le pardon et le repentir, pour parvenir à une relative et fragile sérénité.

Première à éclairer la nuit, Jocelyne Desverchère

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 14 Octobre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, P.O.L

Première à éclairer la nuit, octobre 2016, 140 pages, 9 € . Ecrivain(s): Jocelyne Desverchère Edition: P.O.L

 

Ce court roman saisit d’abord par le vocabulaire et la syntaxe minimalistes en parfait accord avec les personnages : « Je n’ai connu que le sud, Marseille, Aix-en-Provence, au-delà je n’ai jamais rien imaginé » dit le narrateur. Il finit par renoncer à aller voir les putes. Son histoire aussi est simple. Une histoire d’adultère si l’on veut avec des allers mais aussi des retours. Tout lecteur (ou lectrice) avec un peu d’honnêteté peut s’y retrouver. Les prénoms changent : mais pas vraiment les histoires d’amour. Tout est à la fois dit sans fards et en demi-teinte. C’est une histoire de gens simples : nous. Sans le moindre jugement et sans bobos chics mais en d’incisives syncopes. On passe d’un détail à l’autre de manière sèche. Rien à ajouter puisque tout est dit.

Le lecteur balance entre deux désirs. L’horizon du corps soudain est et n’est pas. L’amour délimite, donne son contour, étend un temps des pouvoirs qui se contrecarrent. On ne sait plus qui imprègne qui. Quel est l’être ? Quel est son esprit ? Quel être est donc le bon puisque soudain deux qui se rencontrent ne peuvent pas vraiment se « superposer » ? L’amour est et n’est pas. Il est en n’étant pas sinon ce qui lui échappe et qui le marque et le couvre et semble veiller sur lui jusqu’à ce que la femme ou l’homme après s’être abandonné à sa force, s’en dégage.

Judas, Amos Oz

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 11 Octobre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Israël

Judas, août 2016, trad. hébreu Sylvie Cohen, 348 pages, 21 € . Ecrivain(s): Amos Oz Edition: Gallimard

 

 

Condamné à marcher et ne pas se fixer jusqu’au retour du Christ, le bouc émissaire, autre figure du traître, de Judas, nom tellement décrié qu’il n’en est plus propre.

Shmuel, le personnage central se demandera : « (…) où devait-il aller ? Que fallait-il faire ? (…) Et il resta là à s’interroger », (p.348). Qu’est-ce que la trahison ? Se vendre, vendre quelqu’un ? Laisser faire ? ou simplement aller contre, à l’encontre de… ? Histoire dans l’histoire, histoire à double fond, le Judas d’Amos Oz porte une double interrogation, historique et humaine, sur le sens de la trahison, dans un double parallèle : Jésus/Judas, Ben Gourion/Shealtiel Abravanel, une interrogation permanente de l’un à l’autre sur le sens du geste, à travers le personnage de Shmuel Asch, étudiant rédacteur d’un mémoire plus ou moins en déshérence sur le personnage de « Jésus dans la tradition juive ».

Les incendiés, Antonio Moresco

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 10 Octobre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Italie, Verdier

Les incendiés (Gli incendiati), août 2016, trad. italien Laurent Lombard, 187 pages, 16 € . Ecrivain(s): Antonio Moresco Edition: Verdier

 

 

Voilà sans doute l’un des plus étranges récits qu’il m’ait été donné de lire ces derniers mois. Les climats et images que nous avions découvert dans La petite lumière ou dans Fable d’amour, à cheval entre une réalité concrète, dure voire brutale, et un monde onirique voire simplement fantastique et surnaturel, sont ici dans une oscillation encore plus affirmée entre ces deux mondes. De façon encore plus puissante, plus radicale, le style, les images, nous installent dans un onirisme hyperréaliste qui n’épargne ni le lecteur, ni le narrateur, ni ses personnages.

Tout au long du récit, il semble que nous soyons dans un long écho, de plus en plus déformé, lointain, du Rêve familier de Verlaine :

Brève Histoire de Sept Meurtres, Marlon James

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 08 Octobre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Albin Michel

Brève Histoire de Sept Meurtres, août 2016, trad. anglais (Jamaïque) Valérie Malfoy, 864 p. 25 € . Ecrivain(s): Marlon James Edition: Albin Michel

 

 

Dire qu’on aime le reggae est parfois problématique ; des sourires en coin naissent, des clichés surgissent, faits de bandes vertes, jaunes et rouges, de cigarettes améliorées, d’une certaine indolence. Le mieux est de hausser les épaules et ne pas tenter d’expliquer que cette musique est bien plus complexe qu’un quelconque ramassis de clichés, et qu’on peut écouter Bob Marley sans nécessairement prononcer son prénom de façon alanguie, la bouche pâteuse, mettre de côté les paroles de ses chansons ou omettre qu’il est l’arbre qui cache une forêt sinueuse au possible. Le reggae n’est pas une musique de fumeurs de joints, c’est une musique fine et intelligente qui, à l’image de la soul par exemple, reflète aussi des réalités sociales parfois terribles, surtout dans sa composante roots, durant la seconde moitié des années soixante-dix (pour simplifier à outrance). On se retrouve ainsi à danser sur des chansons telles que Peace & Love In The Ghetto, de Johnny Clarke, ou Tribal War, de George Nooks. La première de ces deux chansons dit ceci entre autres :