Identification

La rentrée littéraire

Derniers Feux sur Sunset, Stewart O’Nan

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 20 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

Derniers Feux sur Sunset, août 2016, trad. anglais (USA) Marc Amfreville, 396 pages, 23 € . Ecrivain(s): Stewart O’Nan Edition: L'Olivier (Seuil)

L’annonce d’un nouveau roman de Stewart O’Nan (1961) est une bonne nouvelle, si l’on veut bien laisser de côté le plutôt mitigé Joueurs (2013) : que ce soit par son hommage à Stephen King (avec qui il a coécrit une nouvelle, Un Visage dans la Foule, 2014), le puissant Speed Queen (1998), par son grand roman sur les séquelles de la guerre du Vietnam (conflit au sujet duquel il a publié une anthologie définitive en 1998, The Vietnam Reader : The Definitive Collection of Fiction and Nonfiction on the War, qui n’a malheureusement pas encore trouvé traducteur), Le Nom des Morts (1999), par son beau diptyque sur la vieillesse, Nos Plus Beaux Souvenirs (2005), et Emily (2012), ou encore par son intense roman sur l’Amérique d’après la Guerre de Sécession, le percutant Un Mal qui Répand la Terreur (2001), cet auteur a régulièrement démontré un grand talent de raconteur capable d’aller au fond des choses, d’extraire de sa matière narrative un sens auquel se confronte le lecteur.

Lorsqu’on apprend de surcroît que le nouveau roman de Stewart O’Nan s’intitule Derniers Feux sur Sunset, et raconte l’expérience hollywoodienne de Francis Scott Fitzgerald (1896-1940), on se réjouit de cette rencontre entre deux grands auteurs : certains romans sur la littérature sont de franches réussites, on pense en particulier à L’Auteur ! L’Auteur, de David Lodge, sur l’expérience dramaturgique de Henry James, et au Voyage de Shakespeare, de Léon Daudet, sur l’éveil artistique du Barde, et on n’en attend pas moins de celui-ci.

Eclipses japonaises, Éric Faye

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil

Eclipses japonaises, août 2016, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Eric Faye Edition: Seuil

 

Nagasaki et Malgré Fukushima ont mis en lumière le talent d’Éric Faye (1963), auteur d’une trentaine de livres. Parfois, il faut un prix d’automne ou un séjour littéraire à l’étranger – ce fut le cas du Prix du roman de l’Académie française 2010 pour le premier titre cité, et pour le second, une résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto – pour qu’un auteur accède à une notoriété de bon aloi.

Le nouveau roman de l’écrivain épris de culture orientale comblera plusieurs publics de lecteurs : tout d’abord, ceux qui éprouvent pour le style une ferveur particulière ; ceux pour lesquels un vrai roman ne fait pas d’impasse sur l’intrigue ; tous les vrais liseurs de littérature française de qualité d’aujourd’hui : voilà un nom à ajouter depuis quelque temps déjà à ces « jeunes » écrivains qui honorent les lettres romanesques françaises. Je citerai, entre autres, L. Mauvignier, O. Adam, L. Gaudé, M. Enard…

Comment faire d’une réalité historique brevetée par des témoignages un roman de fiction : voilà la mission littéraire que s’est donnée Faye pour traduire des faits de disparitions étranges dans les années 60 et 70 sur les côtes japonaises ou à la frontière coréenne. Le titre suggère déjà ces êtres qui se volatilisent un beau jour, dans le plus grand mystère.

Daech, le cinéma et la mort, Jean-Louis Comolli

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Essais, La Une Livres, Verdier

Daech, le cinéma et la mort, août 2016, 128 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Comolli Edition: Verdier

« On peut imaginer que les décapitations filmées à Mossoul ont pu être vues moins de deux heures plus tard à Londres ou à Pékin. Par cette seule synchronisation, Daech apparaît comme maître du temps, régleur de calendrier. C’est l’une des raisons qui font que ces clips, brefs, ne soient pas montés, ou alors si peu : deux ou trois plans mis bout à bout. Retour de l’immémorial fantasme de l’image immédiate, image divine, apparition ».

Daech, le cinéma et la mort, condense dans son titre ce qui est en jeu dans la propagande maléfique filmée par les terroristes. Il s’agit de mettre la mort réelle en scène, de la rendre visible dans le monde entier et sur l’instant. Jean-Louis Comolli en cinéaste-penseur aiguisé, et en penseur-cinéaste affuté, met avec justesse ce projet funeste en lumière. Le support numérique qui a déjà enterré la pellicule cinématographique en finit là avec la mort jouée et toujours recommencée – le merveilleux clap, son silence et moteur, ça tourne –, qui n’a cessé d’habiter le cinématographe depuis les premiers films des frères Lumière. Les cinéastes artistes ont toujours pris leur distance avec la mort – Ford, Hitchcock, Bergman, Fuller (The Big Red One filme l’horreur des camps sans la montrer), Tourneur –, jeu de cache-cache scénarisé et cadré, mis en scène, il faut savoir la cacher, jouer sur ses fugaces apparitions et ses disparitions, dans tous les cas, préférer l’imaginaire à sa représentation.

Un cœur brûlé - à propos du livre de Magyd Cherfi, Ma part de Gaulois

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 19 Août 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Chroniques, La Une CED

 

Magyd Cherfi, Ma part de Gaulois, Actes Sud, parution le 17 août 2016, 19,80 €

 

Canaille oserez-vous me mordre une autre fois

Retenez que je suis le page du Monarque

Vous roulez sous ma main comme un flot sous ma barque

Votre houle me gonfle, ô ma caille des bois

Ma caille emmitouflée, écrasée sous mes doigts.


La parade, Jean Genet

Charlie le Simple, Ciarán Collins

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 28 Octobre 2015. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Charlie le Simple, Ciarán Collins, Joëlle Losfeld, octobre 2015, trad. de l’anglais (Irlande) par Marie-Hélène Dumas, 432 pages, 26,50 € . Ecrivain(s): Ciarán Collins Edition: Joelle Losfeld

 

Il était une fois, à Ballyronan, « un très joli coin » dans la région de Cork, en Irlande, un couple d’amoureux, Sinéad et James, qui avait un ami, Charlie McCarthy, et celui-ci entreprit de raconter leur histoire à tous trois, une histoire de fin d’adolescence, d’êtres d’exception et de musique sans laquelle la vie n’a aucun sens. Voilà, en quelques mots, résumé le premier roman de Ciarán Collins (1977), auteur irlandais de Charlie le Simple (The Gamal en anglais) qui, depuis sa sortie en 2013, a convaincu par sa puissance une bonne partie de la presse anglo-saxonne, des deux côtés de l’Atlantique, ainsi que le lectorat allemand, avant de tenter l’aventure en terres francophones. A ce sujet, avant même d’évoquer le roman et ses qualités, célébrons le travail de la traductrice française, Marie-Hélène Dumas qui, contrairement à nombre de ses confrères, ne s’est pas pris les pieds dans les expressions liées à la musique : au contraire, elle a tout rendu avec sensibilité, et Charlie le Simple n’est pas un de ces romans où le lecteur vaguement anglophile s’amuse à retrouver les expressions typiquement anglo-saxonnes sous un vernis francophone.