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La rentrée littéraire

2084, Boualem Sansal (2ème article)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 14 Septembre 2015. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Gallimard

2084, août 2015, 288 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Boualem Sansal Edition: Gallimard

 

De la lecture de l’excellent essai Dans les Laboratoires du Pire (1993) d’Eric Faye, on peut déduire que la contre-utopie fut un moment littéraire aussi intense que limité dans le temps : à partir du moment où les régimes totalitaires ont failli, écrire des récits montrant que le bonheur commun obligatoire mène au malheur individuel (pour faire très bref…) n’a plus guère de sens. Certes, tant au cinéma qu’en littérature, la contre-utopie continue pourtant de vivoter, mais on sent bien que les récits les plus récents (d’Equilibrium à Hunger Games) ne sont que des variations sur 1984, Fahrenheit 451 ou Un bonheur insoutenable : paradoxalement, il manquerait à la littérature et au cinéma comme un cruel rappel à l’ordre de la réalité politique pour avoir envie d’en découdre. Enfin, ça, c’est si on est occidental, même hongrois : certes s’agitent des ombres, des fantômes, mais rien de vraiment sidérant. Rien de nouveau, en somme, que des redites en mode mineur. Idem pour la littérature issue des régimes totalitaires : certes, il y a eu La Vie Volée de Jun Do, sur la Corée du Nord mais par un auteur nord-américain ; à part ça, rien d’aussi percutant pour l’esprit que Le Pavillon des Cancéreux ; encore une fois, le réel n’est pas assez violent que pour faire bouger l’art.

Effondrement, Alain Fleischer

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 12 Septembre 2015. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi

Effondrement, août 2015, 304 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Alain Fleischer Edition: Le Cherche-Midi

 

« Depuis quelques années, mon père n’a cessé d’accumuler des cochonneries qu’il a toujours appelées de l’art contemporain, des œuvres et de prétendus chefs-d’œuvre de l’art contemporain, acquis à grand frais, des choses d’une laideur indescriptible, d’une gratuité, d’une futilité et d’une inutilité absolues… »

Effondrement est un roman de l’héritage, du deuil, du doute, de la colère, de la passion, de l’amour, de la fuite, de la disparition, de la chute et de la renaissance. Effondrement est le roman de Simon Pinkas, jeune et très doué pianiste, qui apprend la disparition de son père, riche collectionneur d’art contemporain, et cet héritage inattendu et inacceptable va faire flamber le roman. Héritage de cochonneries dont les prix ont été abusivement gonflés par les manœuvres des marchands internationaux, collection d’exception que Simon Pinkas va annoncer vouloir se défaire au plus vite – elle lui brûle l’âme et le cœur – lors d’une vente aux enchères au profit d’associations et d’organismes caritatifs. Décision scandaleuse pour le mundillo de l’art contemporain, qui voit se dessiner son effondrement – Les professionnels soulignent que le marché de l’art est aujourd’hui un secteur vital de l’activité économique et bancaire. Ils réclament aux pouvoirs publics une interdiction de la vente de la collection Maleterre – et fera tout pour s’y opposer.

2084 La fin du monde, Boualem Sansal

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 09 Septembre 2015. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Gallimard

2084 La fin du monde, août 2015, 274 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Boualem Sansal Edition: Gallimard

 

2084 La fin du monde est un pamphlet, un récit utilisant la trame romanesque et les rebondissements d’un conte pour éclairer le lecteur et le mettre face à des vérités désagréables et bien dérangeantes : par exemple, celle qui est énoncée en exergue du roman : « La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n’est plus fort qu’elle pour faire détester l’homme et haïr l’humanité ».

Le roman a pour cadre l’Abistan, un immense empire conquis autrefois sur les infidèles, les ennemis de la Foi. Le système de cette contrée repose sur la soumission à un dieu unique, Yölah, dont le prophète, Abi, est le délégué sur terre. Toute idée personnelle, toute pensée originale ou manifestant le moindre commencement de déviance y est bannie. L’écriture révérée est le Gkabul, dont les habitants de cet empire doivent s’imprégner sans cesse, le psalmodier à de nombreuses reprises dans la journée dans les mockbas, lieux de culte. Cet environnement doit rappeler quelque chose aux lecteurs contemporains, mais Boualem Sansal dans sa préface nous avertit avec force humour et ironie : toute ressemblance avec une réalité existante est fortuite, le récit se déroulant dans un futur lointain naturellement sans rapport avec l’actualité.

La maladroite, Alexandre Seurat

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 03 Septembre 2015. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

La maladroite, août 2015, 122 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Alexandre Seurat Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

La Maltraitance infantile. Ce qu’on sait d’elle – de plus en plus, après tout l’infini des années-silence. Ces sujets-TV, ces faits divers posés devant nous, dans notre confort, notre bonne conscience – mais comment peut-on ? mais pourquoi n’a-t-on pas fait… le ronron de nous face aux scandales de la société dans laquelle nous nageons, en même temps que ce gamin qui…

On aurait attendu, là, et avec intérêt, l’essai ; les points de vue croisés des Institutionnels ou des décideurs. Des propos, des argumentaires, et, dépourvus d’identités diverses, floutés, sans noms, ni couleurs de cheveux, ni voix : les « sujets maltraités ». Alors le roman dans tout ça ? Et bien, le roman, justement…

Alexandre Seurat – premier roman, ici – connaît à fond son sujet, est ? voisine avec ? un des acteurs de son curieux récit-roman. Il réussit remarquablement à faire se croiser les aspects documentaires, les acteurs – institutionnels de tous poils ; école, médecine scolaire, services sociaux et juridiques – et ce qui nous prend aux tripes – allez ! pas guère après la page 12 ou 15 – nous faisant garder le bouquin à la main, jusqu’au moment où l’on éteint la lampe, dernière page fermée, en reposant le livre, un œil dessus : celui-là ! On se rappellera ! Objectif parfaitement atteint, Monsieur Seurat !

La faille, Isabelle Sorente

, le Mardi, 01 Septembre 2015. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès

La faille, septembre 2015, 520 pages, 20 € . Ecrivain(s): Isabelle Sorente Edition: Jean-Claude Lattès

 

Lucie de l’amère mort

Comme Musset résumant Lorenzaccio dès la première scène de sa pièce, Isabelle Sorente dévoile l’intrigue de son roman dans ses deux premières pages. Car La faille, qui se déroule entre 1988, année où Mina et Lucie se rencontrent, et 2014, qui voit la mort du pervers manipulateur que Lucie a épousé, est savamment construit.

Dès leur premier regard – Mina la narratrice a presque 16 ans et Lucie la fille aux cheveux d’or 12 – elles savent que leur amitié appartiendra à l’espèce rare de celles qui durent toute la vie. Une de ces amitiés passionnées qui ressemblent à de l’amour. « Les yeux de Lucie, à vrai dire, n’étaient pas bleus, ils avaient la couleur d’un lac en automne, reflétant un ciel gris ».

Lucie est à la fois sombre et lumineuse, esclave et libre. D’une beauté sidérante, « sauf sous un certain angle, quand elle tirait ses cheveux en queue-de-cheval, alors ses paupières rondes et ses sourcils très pâles la faisaient ressembler à un batracien ».