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Iles britanniques

Constellations, Éclats de vie, Sinéad Gleeson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde

Constellations, Éclats de vie, Sinéad Gleeson, La Table Ronde, février 2021, trad. anglais, Cécile Arnaud, 304 pages, 22 € Edition: La Table Ronde

Constellations est l’épopée d’un corps, d’un corps souffrant et bataillant contre mille maux sans désarmer jamais, quoiqu’il soit souvent défait – mais toujours provisoirement. Monoarthrite et hanche en titane et en porcelaine, opérations multiples, césariennes, leucémie, kystes… Que le sous-titre soit Éclats de vie en dit long, même s’il est équivoque et suggère aussi que la vie vole en éclats, sur l’esprit, la vitalité et le courage de l’auteure – on songerait plutôt, à ne considérer que l’inventaire de ces maux, à éclats de mort.

Car Sinéad Gleeson ne nous en épargne aucun, ce qui fait de Constellations un livre âpre, dur et lourd – d’une lourdeur qui n’accable pourtant pas : quels que soient la précision de ses propos, les détails qu’elle livre et l’intensité des souffrances qu’elle exprime sans les atténuer, elle ne geint ni ne se plaint. Il semble plutôt qu’elle prenne acte de toutes les mésaventures qui arrivent à son corps, qu’elle en rende compte comme autant d’expériences, avec un mélange de distance et de proximité : elle raconte au plus proche de son corps, au plus serré de ses pores, de l’intérieur, mais avec une distance d’observatrice d’elle-même, de ses souffrances et de ses réactions.

Le Grand jeu, Graham Swift (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 08 Mars 2021. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le Grand jeu, janvier 2021, trad. anglais, France Camus-Pichon, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Gallimard

 

La magie des mots et des souvenirs

« I’ve looked at life from both sides now

From win and lose and still somehow

It’s life’s illusions I recall

I really don’t know life at all »

La ballade Both Sides Now écrite et composée par la chanteuse canadienne Joni Mitchell, qui parle des rapports illusoires que l’on peut entretenir avec la réalité, et dont l’écrivain britannique Graham Swift cite un extrait en épigraphe de son roman Le Grand jeu, illustre parfaitement le propos de cette histoire d’un trio amoureux qui se déroule en Angleterre entre 1959 et 2009.

À rude épreuve (La Saga des Cazalet II), Elizabeth Jane Howard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 29 Janvier 2021. , dans Iles britanniques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, La Table Ronde

À rude épreuve (La Saga des Cazalet II), Elizabeth Jane Howard, La Table ronde, octobre 2020, trad. Cécile Arnaud, 608 pages, 24 €

 

Au temps du Blitz

Tout d’abord, voici l’arbre généalogique du premier tome de La chronique des Cazalet, Étés anglais, d’Elizabeth Jane Howard (1923-2014). Les deux arrière-grands-parents, William Cazalet (le Brig) et Kitty Barlow (la Duche), ont engendré quatre enfants : Hugh, époux de Sybil Carter, parents de Polly, Simon, William ; Edward, époux de Viola Rydal, à leur tour parents de Louise, Teddy, Lydia, Roland ; Rachel, restée célibataire ; Rupert, mari de Zoë Headford, qui ont eu Clarissa, Neville, Juliet. L’autre famille, Raymond et Jessica Castle sont parents d’Angela, de Nora, de Christopher et de Judy. Ce petit monde de la classe moyenne est servi par treize domestiques, plus une préceptrice. Comme il est indiqué dans la préface, le premier tome Étés anglais « s’achevait en 1938 avec le discours de Chamberlain à son retour de Munich – “la paix dans l’honneur” ».

La vérité des masques, Essais et aphorismes, Oscar Wilde (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 08 Janvier 2021. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Rivages poche

La vérité des masques, Essais et aphorismes, octobre 2020, trad. anglais, Jules Cantel, François Dupuigrenet, 368 pages, 9,70 € . Ecrivain(s): Oscar Wilde Edition: Rivages poche

 

Éloge et dithyrambe : le critique en esthète

Oscar Fingal O’Flahertie Wills Wilde, dit Oscar Wilde, né le 16 octobre 1854, fut un des dramaturges les plus en vue de Londres. Condamné à deux ans de travaux forcés pour « grave immoralité », il mourut dans le dénuement à Paris, en 1906, à l’âge de 46 ans. Son ouvrage, La vérité des masques, Essais et aphorismes, est conçu comme une sorte de bréviaire critique, présenté ici dans la traduction historique de Jules Cantel et dont François Dupuigrenet Desroussilles, chartiste, a assuré la direction, la préface et traduit le chapitre des Maximes. Ces Maximes à l’usage des jeunes gens et pour l’instruction des personnes instruites sont rédigées sur un ton caustique. « Tout et son contraire » serait l’adage adopté par Wilde pour ses aphorismes brillants, traités sur un mode faussement désinvolte. Les vérités pratiques de l’opinion, c’est-à-dire les idées reçues, les stéréotypes, sont dévidés sous le rouet de la langue irrévérencieuse du grand auteur irlandais.

La Reine des souris, Camilla Grudova (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mercredi, 06 Janvier 2021. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde

La Reine des souris, Camilla Grudova, novembre 2020, trad. anglais, Nicolas Richard, 48 pages, 5 € Edition: La Table Ronde


Au début, cela ressemble à une histoire d’amour comme les autres : rencontre à l’université, passion commune – pour le latin –, mariage précipité sans l’accord des parents, entre-soi amoureux… Il ne faut pourtant que quelques pages pour sentir que quelque chose cloche, coince, grince. L’entre-soi est presque un huis clos, tant la narratrice et Peter semblent éloignés du monde ; l’appartement où ils habitent se trouve au-dessus d’une épicerie fermée dont les stocks rancissent et moisissent, comme leur amour ; Peter est sujet à de drôles de manies – notamment celle qui remplit l’appartement de parapluies trouvés dans le cimetière où il travaille… Il faut enfin considérer le ton détaché, presque froid, avec lequel la narratrice raconte, de manière factuelle et distanciée, cet amour, comme une dissonance de plus. S’installe ainsi une atmosphère étrange et morbide, l’air de rien, comme si tout était parfaitement normal.