Identification

Iles britanniques

De l’Angleterre et des Anglais, Graham Swift (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 21 Mars 2019. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Gallimard

De l’Angleterre et des Anglais, janvier 2019, trad. anglais Marie-Odile Fortier-Masek, 332 pages, 21 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Gallimard

Le titre original, England and Other Stories, et celui de la présente traduction en français sont sobres et justes. Mais, prétention de lecteur, une expression (sans doute moins bon titre, concédons) décrit et énonce encore mieux ce dont il s’agit : « For intérieur » – dans le secret de sa pensée, au tribunal de sa conscience… Voici ce que sont tous, sans exception, les vingt-cinq textes qui composent ce nouvel ouvrage de Graham Swift. Pourtant ce sont des récits très variés, très différents les uns des autres. Un foisonnement de personnages, de métiers, de conditions sociales, d’origines et d’époques… Dans l’une des premières nouvelles, un coiffeur grec méditatif se répète la phrase suivante : « Les autres, c’est la vie ». Exact ! Graham Swift, à travers l’âme ou l’esprit d’un homme, d’une femme, ou d’un adolescent, décrit, répertorie les autres, tous ces autres qui sont la vie – la vie anglaise, la vie en Angleterre hier, avant-hier ou aujourd’hui. Un homme d’affaires interrompt un moment son jogging pour passer en revue sa vie, son couple, ses amitiés, ses vacances en famille ; un homme « converse » avec son épouse défunte ; une grand-mère se souvient de la brève permission de son premier mari mort peu après au front pendant la Première Guerre ; un divorcé se remémore un soir où il essayait d’écrire sur la table de la cuisine son profond sentiment d’amour à son épouse qui dort ; un homme est invité à passer la soirée par son meilleur ami dont il désire la femme… Ces récits pensent, cogitent avec sincérité et une admirable délicatesse de mots et de sentiments.

Billy le menteur, Keith Waterhouse (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 12 Mars 2019. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions du Typhon

Billy le menteur (Billy Liar, 1959), janvier 2019, trad. anglais (Angleterre) Jacqueline Le Begnec, 242 pages, 17 € . Ecrivain(s): Keith Waterhouse Edition: Editions du Typhon

 

Le problème, quand on ment, c’est qu’il faut avoir de la mémoire. Il faut se rappeler à qui on a raconté une histoire à coucher dehors. Par exemple, à qui on a fait croire que sa sœur est à l’hôpital, gravement malade, alors qu’on n’a pas de sœur. Ou bien à qui on a dit que son père était officier de la marine et à qui d’autre qu’il était cordonnier. Les mensonges peuvent embellir la vie. Ils peuvent par exemple servir de munitions pour se faire valoir auprès des jeunes femmes. Mais quand on les additionne, ils peuvent aussi compliquer l’existence et obliger à gérer des situations de plus en plus périlleuses.

Quelques années après la deuxième guerre, dans une petite ville du nord de l’Angleterre. Billy Fisher n’est plus un enfant, mais pas encore tout à fait un adulte. Il a un travail, mais habite encore chez ses parents – et avec sa grand-mère – qui ont toujours le droit de lui interdire de sortir. C’est un peu un « Tanguy » des temps anciens. Billy a des ambitions qui pourraient être qualifiées de mesurées. D’un autre point de vue, on peut dire qu’il prend le temps de vivre.

La Grande Guerre en demi-teintes, Edmund Blunden (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 04 Mars 2019. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Editions Maurice Nadeau

La Grande Guerre en demi-teintes, novembre 2018, trad. anglais Francis Grembert, 375 pages, 25 € . Ecrivain(s): Edmund Blunden Edition: Editions Maurice Nadeau

En 1916, le jeune Edmund Blunden, sous-lieutenant anglais, est envoyé en France à l’âge de 19 ans sur le front immobile de la Somme, chargé de missions de cartographie, de reconnaissances de terrain, d’entretien, d’extension et de ravitaillement des tranchées…

De 1916 à 1918 il a participé à l’âpre et monstrueuse hécatombe de la bataille de la Somme, puis s’est battu sur le front d’Ypres et sur la ligne des Flandres.

Après la guerre, il s’est consacré à brosser de ces deux années passées à crapahuter dans les tranchées un tableau précis, à en retracer une chronique remarquablement détaillée, à en tisser une narration qu’on peut croire fondée sur les notes minutieuses d’un journal personnel, ou d’un méticuleux carnet de bord… dont les pièces scéniques mises bout à bout constituent une œuvre volumineuse tout autant que captivante.

L’auteur-narrateur, personnage principal du récit, est poète. Ce don lui permet de percevoir la moindre promesse de vie, la moindre lueur de paix dans les brèves et rares périodes de répit qui surviennent dans le vacarme, le chaos et la fureur faisant de cette guerre immobile un enfer permanent.

Une histoire des images pour les enfants, David Hockney, Martin Gayford, Rose Blake (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 13 Février 2019. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse, Seuil Jeunesse

Une histoire des images pour les enfants, septembre 2018, trad. anglais Céline Delavaux, 128 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): David Hockney, Martin Gayford, Rose Blake Edition: Seuil Jeunesse

 

Une histoire des images pour les enfants est la version jeunesse, écourtée à peu près des deux tiers, d’Une histoire des images parue chez Solar en 2017. Le principe reste similaire : de courts chapitres mettant en scène une discussion entre l’artiste David Hockney et le critique d’art Martin Gayford. L’approche mêle les différents arts visuels pour offrir non pas une histoire de la peinture mais une réflexion sur la création et la perception des images mettant en valeur l’évolution des techniques de représentation, des peintures rupestres aux images numériques.

Le dispositif de la conversation a l’intérêt de donner de la vie aux réflexions proposées et de faciliter la lecture en aérant le texte. Martin Gayford joue nettement le rôle du comparse : ses répliques, synthétiques, fournissent au lecteur quelques éléments d’histoire de l’art, tandis que David Hockney, dans des textes plus développés, commente les images reproduites en s’appuyant sur sa propre pratique artistique. Les œuvres de David Hockney sont ainsi relativement nombreuses dans l’ouvrage et leur analyse par l’artiste intéressera sans nul doute les amateurs du peintre.

Robinson Crusoé, Daniel Defoe en la Pléiade (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 07 Février 2019. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Robinson Crusoé, novembre 2018, 1040 pages, 47 € jusqu’au 30 juin 2019 . Ecrivain(s): Daniel Defoe Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Déjà une terrible tempête mugissait, et je commençais à voir la stupéfaction et la terreur sur le visage des matelots eux-mêmes. Quoique vaillant sans relâche à la conservation du vaisseau, comme il entrait ou sortait de sa cabine, et passait près de moi, j’entendis plusieurs fois le capitaine proférer tout bas ces paroles et d’autres semblables : Seigneur, ayez pitié de nous ! Nous sommes tous perdus, nous sommes tous morts !… ».

Près de soixante ans séparent cette nouvelle édition de Robinson Crusoé (enrichie des gravures de Dumoulin), de celle publiée par la Bibliothèque de la Pléiade sous la direction de Francis Ledoux en juin 1959, il s’agissait du 138ème livre de cette collection unique. Cette bibliothèque française n’a jamais aussi bien porté son nom, que lorsqu’elle s’attache à publier les orfèvres de la langue et de l’aventure littéraire. Daniel Defoe est l’un de ces témoins de la grandeur d’une langue, et Pétrus Borel (1809-1859) son éblouissant traducteur : Il en appelle à une langue « pure, souple, conteuse et naïve. Seuls lui importent le style qui, plus que tout, traduit un écrivain ainsi que certaines formes orthographiques » (Jean-Luc Steinmetz).