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Iles britanniques

La maison aux orangers, Claire Hajaj (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 28 Septembre 2018. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Les Escales

La maison aux orangers, mars 2018, trad. de l'anglais Julie Groleau, 394 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Claire Hajaj Edition: Les Escales

 

La Maison aux orangers met en scène deux destins : celui de Salim Al-Ishmaeli, impatient d’aller accompagner son père à la cueillette des oranges dans sa propriété de Jaffa. Nous sommes en 1948, à la veille de la guerre israélo-arabe qui se conclura par le partage de la Palestine, et la fuite de la majorité de très nombreux habitants arabes palestiniens. Le second personnage est Judith, jeune juive lycéenne vivant dans le nord de l’Angleterre, élevée par ses parents dans le maintien d’une identité juive par l’enseignement religieux, la préparation de sa Bar-mitsvah, équivalent judaïque de la communion solennelle. Qu’ont en commun ces deux individus si lointains, tant géographiquement que culturellement ? C’est le talent et l’habileté de Claire Hajaj, l’auteure de ce premier roman, de le dévoiler au lecteur.

Salim a baigné, dans les jours précédant l’éclatement du conflit, dans un décor marqué par sa famille, sa fratrie, son père, à l’influence si pesante : « Salim était sûr de lui. Il avait peu d’affection pour son père, ou pour Abou Mazen, ou pour tous ces hommes imposants qui venaient chez lui. Mais son monde s’était construit autour de l’odeur de leurs cigarettes et du bruissement feutré de leur conversation. Comment imaginer que l’assurance tranquille avec laquelle ils régnaient sur le monde puisse disparaître ? ».

La Mélodie, Jim Crace

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Septembre 2018. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Rivages

La Mélodie (The Melody), août 2018, trad. anglais Laetitia Devaux, 267 pages, 21 € . Ecrivain(s): Jim Crace Edition: Rivages

 

Jim Crace a toujours une intention au-delà de l’écriture d’une nouvelle œuvre. Avec QuarantaineMoisson, il nous avait montré ses hautes préoccupations morales, son obsession de la lutte entre le bien et le mal. Dans ce roman (à la limite du conte), il est de nouveau témoin de son temps, nous livrant une histoire en prise avec les fléaux de notre époque, la lâcheté, le rejet de l’autre, l’égoïsme des hommes.

Une affaire des plus étranges surgit – le mot est exact – dans la vie morne du vieux Busi, chanteur de charme sur le déclin et veuf inconsolé. Habitué aux bruits incessants que font divers animaux cherchant pitance dans ses poubelles devant sa villa à la nuit, il trouve cependant un soir que le tintamarre est plus important que de coutume. Il sort devant sa porte pour voir et il est assailli par… quelque chose, quelque bête ou quelqu’un.

Smile, Roddy Doyle

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 31 Août 2018. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Smile, août 2018, trad. anglais (Irlande) Christophe Mercier, 256 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Roddy Doyle Edition: Joelle Losfeld

 

Ce roman venu d’Irlande va vous offrir quelques heures de délicieuse addiction. Le narrateur, Victor, jeune homme qui vient de vivre une séparation douloureuse avec sa compagne – la très belle et brillante Rachel – fait son nouveau foyer dans un troquet médiocre où il rencontre des gens qu’il ne connaît pas. A l’exception de cet étrange Fitzpatrick, qui se présente comme un ancien camarade de classe, mais dont Victor n’a gardé aucun souvenir. Ou presque.

Et Victor va dérouler – au compte-gouttes – ses souvenirs intimes. Ceux de son enfance auprès de ses parents, au collège, sa vie avec Rachel.

Dans un style frôlant l’épure tant le parti pris de sobriété est flagrant, Roddy Doyle nous emmène sur les pas de Victor qui s’installe dans son petit (et laid) appartement de célibataire désormais. Le contact avec la vie d’homme seul est douloureux, un peu halluciné, comme si Victor se regardait vivre dans un film noir.

Le Bruit du dégel, John Burnside (seconde critique)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 30 Août 2018. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié, La rentrée littéraire

Le Bruit du dégel, août 2018, trad. anglais (Écosse) Catherine Richard-Mas, 362 pages, 22 € . Ecrivain(s): John Burnside Edition: Métailié

 

DansLe Bruit du dégel, la patte, ou plutôt la texture de l’auteur de L’Eté des noyés se confirme. Cette même lumière intérieure, une sorte de douceur un peu étrange qui baigne le roman, qui en floute les contours, adoucit les angles, même les plus tranchants. On pourrait penser que John Burnside peint ses romans plus encore qu’il ne les écrit et ce n’est sans doute pas un hasard si l’art tient une grande place dans son écriture. Mais, si la peinture était omniprésente dans L’Eté des noyés, ici ce sont surtout le cinéma, la musique : images, ambiances, atmosphères… Les sens du lecteur sont extrêmement sollicités, y compris celui du goût, et nous lisons le roman comme nous regarderions des morceaux de films, où les personnages s’appréhendent peu à peu dans leur complexité, leur solitude, leur histoire particulière, souvent dramatique. Et justement, dans Le Bruit du dégel, c’est de cela qu’il est question : d’histoires, des morceaux de vie racontés par Jean, une vieille dame qui vit en lisière d’une forêt, qui coupe son bois, fait des beignets aux pommes et concocte des tisanes et adore aller boire un café accompagné d’une délicieuse pâtisserie, au Territoire sacré.

Les fureurs invisibles du cœur, John Boyne

, le Mercredi, 29 Août 2018. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès, La rentrée littéraire

Les fureurs invisibles du cœur, août 2018, trad. anglais Sophie Aslanides, 592 pages, 23,90 € . Ecrivain(s): John Boyne Edition: Jean-Claude Lattès

 

Les fureurs invisibles du cœur, ce sont d’abord celles de Cyril, le narrateur qui dresse un portrait sans complaisance de la société irlandaise des années 40 et des décennies suivantes.

Dés la première scène le ton est donné : enceinte à 16 ans, la mère de Cyril est publiquement bannie et elle doit quitter sa famille et s’exiler à Dublin sans un sou en poche.

Abandonné dès sa naissance, Cyril est confié par une nonne bossue à Charles, un homme d’affaires qui fraude le fisc, et à sa femme, Maude, romancière qui pense que le succès littéraire est vulgaire, ce qui ne l’empêche pas de passer ses journées derrière sa machine à écrire, noyée dans un rideau de fumée car elle grille clope sur clope.

Maude et Charles Avery élèvent Cyril de façon à ce qu’il ne manque de rien mais ne ratent pas une occasion de lui rappeler qu’adopté, il n’est pas un véritable Avery. Et c’est bien le drame de Cyril, il ne sait pas d’où il vient, qui il est, ni pourquoi, contrairement aux autres garçons, il n’aime pas les filles.