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Essais

La joie d’amour, pour une érotique du bonheur, Robert Misrahi

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 18 Septembre 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Autrement

La joie d’amour, pour une érotique du bonheur, janvier 2014, 251 p. 15 € . Ecrivain(s): Robert Misrahi Edition: Autrement

 

La joie d’amour. Pour une érotique du bonheur aurait pu aussi s’intituler « L’anti métaphysique de l’amour » car à l’encontre de Schopenhauer qui assimilait l’amour à l’instinct sexuel afin de confirmer son pessimisme, influençant ainsi la littérature réaliste du XIX° siècle et suggérant à Freud la théorie de l’inconscient pour comprendre les névroses, Robert Misrahi veut montrer qu’il y a « un lien intrinsèque entre (sa) conception du bonheur et (sa) conception de l’amour ».

Après une introduction et un premier chapitre susceptibles de dérouter le lecteur peu familier du genre (définition des termes, problématisation, détour par l’analyse du devoir moral), la patience est récompensée par des pages de plus en plus captivantes au fur et à mesure que sont déroulés les fils de l’amour réel dans la vie quotidienne, puis dans la littérature et enfin dans la vie de ceux qui en font le sens de toute leur existence. Passée la deuxième moitié, le lecteur devient très curieux de connaître la solution que le philosophe va proposer à la question initiale : vivre durablement un amour heureux est-il possible ? Les références littéraires détaillées, la mise en scène des exemples à travers des personnages, l’appel à des termes du quotidien pour synonymes de termes spécifiques, concilient rigueur philosophique et souci d’être compris des non-spécialistes.

Mourir de penser, Pascal Quignard

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Septembre 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset, La rentrée littéraire

Mourir de penser (Dernier Royaume IX) 10 Septembre 2014. 222 p. 18 € . Ecrivain(s): Pascal Quignard Edition: Grasset

 

Pascal Quignard nous convoque à son neuvième rendez-vous du Dernier Royaume. Moment de recul, de réflexion, d’étrangeté dans le paysage littéraire – ô combien par les temps qui courent ! – moment de penser, de mourir un peu. Quignard tisse son œuvre, à l’écart des modes, à l’écart des courants, à l’écart du temps. Sa préoccupation n’est pas inscrite dans l’événement, elle est à jamais insérée dans la condition des humains, dans sa singularité irréductible.

Nous l’avons déjà écrit ici, l’entreprise de Pascal Quignard se situe dans une tradition antique, gréco-romaine : celle du monologue philosophique. Héraclite, Marc-Aurèle en sont deux belles figures tutélaires. Le grand autre de Quignard – si tant est qu’il en faille un – est Montaigne bien sûr dans cette manière unique de philosopher : en murmurant, à mi-voix, sans asséner de grandes vérités à son de trompe. Se regarder vivre au sein des frères humains et commenter au fil de la pensée. Il y a chez Quignard le phrasé, la structure de pensée de Montaigne. Et il y a aussi ses vertus personnelles : modestie, obsession de la vérité, amour de la culture antique et universelle.

Exister par deux fois, Pierre Bergounioux

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Vendredi, 05 Septembre 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fayard, La rentrée littéraire

Exister par deux fois, septembre 2014, 300 pages, 20 € (ce livre existe aussi en ebook, 14,99 €) . Ecrivain(s): Pierre Bergounioux Edition: Fayard

 

Ce que nous percevons comme style a pour ressort l’inégalité, in. Le Magazine Littéraire, 2013

On ne fait qu’intérioriser l’extérieur, in. Exister par deux fois, 2014

 

Pédigrée : né à Brive-la-Gaillarde en 1949. Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud et agrégé de lettres modernes. Après avoir passé l’essentiel de sa carrière en collège, Pierre Bergounioux dispense des cours aux Beaux-arts de Paris. Entomologiste et pêcheur passionné, il est étonnamment aussi, à son temps retrouvé, sculpteur, recycleur d’objets métalliques ou de bois. En 1984, il publie chez Gallimard son premier roman, Catherine. Lauréat du Prix Alain-Fournier (1986) et du Prix Roger Caillois (2009) pour l’ensemble de son œuvre.

« L’écrit est cet outil, cette arme qui permet d’affronter avec succès nos plus anciens ennemis, l’oubli, l’imprécision, l’étranger que nous sommes nous-mêmes aussi longtemps qu’on n’y a pas fait réflexion, la plume à la main, les êtres successifs, différents, que nous avons été, au fil des ans, et qu’on peut rassembler dans l’espace compris entre deux plats de couverture ».

Par ailleurs (exils), Linda Lê

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 03 Septembre 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Christian Bourgois, La rentrée littéraire

Par ailleurs (exils), août 2014, 168 p. 13 € . Ecrivain(s): Linda Lê Edition: Christian Bourgois

 

Quel peut être le rôle de l’exil, du déracinement dans la vision du monde d’un écrivain ? Frein, déclin ou ressourcement ?

Dans un essai intitulé Par ailleurs (Exils), Linda Lê aborde cette question en évoquant tour à tour le sort d’écrivains en dissidence, exilés de l’intérieur ou contraints au départ physique. Elle y évoque également le cas de ceux qui ont changé de langue pour écrire et s’approprier ainsi un nouvel univers intellectuel autant que linguistique. La conduite d’un exilé, apprend-on, doit éviter de nombreux écueils : Edward Saïd met en garde de tomber dans « le narcissisme masochiste » et de ne pas faire de l’exil un « fétiche, une pratique qui l’éloigne de tout rapprochement ou engagement ».

Sur ce qui déclenche l’exil, comme sentiment intérieur, Linda Lê cite avec grande pertinence André Gide qui avait en son temps mené bataille contre les liaisons dangereuses entre nationalisme et littérature. Il répondit que la France devait beaucoup « à un confluent de races » et que les grands artistes étaient « les produits d’hybridations et le résultat de déracinements, de transplantations ». Un autre exilé des lettres, Klaus Mann, vit dans l’exil un aiguillon, il se définissait comme « un cosmopolite d’instinct », « toujours inquiet, toujours en quête ».

Le mérite et la nature, Juliette Rennes

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 25 Août 2014. , dans Essais, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Fayard

Le mérite et la nature, Une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige 1880-1940, 2007, 594 p. 32 € . Ecrivain(s): Juliette Rennes Edition: Fayard

 

Pour saisir toute la nécessité et toute l’urgence du féminisme (1), pour se rendre compte à quel point est nécessaire le déchiffrement du passé pour la consolidation de l’avenir, il faut se reporter à Le mérite et la nature, Une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige 1880-1940, passionnante thèse de science politique dans laquelle Juliette Rennes s’interroge sur les ressorts et les recompositions de l’anti-égalitarisme depuis la fin du 19e siècle. Dans cette perspective, elle s’est intéressée à « l’évolution des stratégies républicaines pour résister aux demandes féministes d’égal accès aux professions au cours de la Troisième République française ».

Cependant, pour des raisons méthodologiques, plutôt que de circonscrire l’analyse aux résistances à l’égalité, elle en est venue « à prendre pour objet la structure des oppositions entre les partisans de l’accès des femmes aux professions et leurs opposants, puis à articuler l’analyse de ce conflit à l’émergence des féminismes et à la féminisation du monde professionnel des années 1870 aux années 1930 ».